CAN 2015 : la CAF les pieds dans le tapis

CAN 2015 : la CAF les pieds dans le tapis

Un ultimatum au Maroc ? Dans le dossier de la CAN, la Confédération africaine de football fait tout en dépit du bon sens. La preuve.

« Il faut que la Coupe d’Afrique des nations (CAN) se fasse au Maroc. C’est à côté de la Tunisie : avec tous nos supporteurs, on sera comme chez nous ! » Aymen Abdennour, le défenseur des Aigles de Carthage et de Monaco, a été exaucé, du moins en partie, lorsque la Confédération africaine de football (CAF) a tranché, ce lundi. La CAF laisse en effet cinq jours au Maroc, soit jusqu’à samedi 8 novembre, pour communiquer sa réponse définitive.



CAN : les options sur la table

Trois options sont sur la table : le maintien de la compétition, comme prévu, dans le royaume chérifien du 17 janvier au 8 février ; son organisation dans un autre pays ou son annulation pure et simple. Fin de l’histoire ? Pas sûr. De Casablanca à Marrakech, l’ultimatum de l’instance dirigeante a peu de chances de donner le sourire à la Fédération royale marocaine de football (FRMF). La CAF en est consciente puisqu’elle a déjà invité les éventuels candidats à se manifester avant l’expiration de l’ultimatum.

L’Afrique du Sud et l’Algérie ayant décliné l’offre, Issa Hayatou devra se tourner vers son plan C voire D. Le Nigeria, tout fier d’annoncer la fin de l’épidémie Ebola, a déjà postulé. « La décision ne revient pas seulement à la NFF, mais on nous a demandé et nous avons dit : oui, pourquoi pas ? Je pense que la Commission nationale des sports ou le gouvernement est en train d’étudier la possibilité d’accueillir la CAN », a ainsi expliqué Seyi Akinwunmi, vice-président de la NFF.

Ghana et Nigeria, les sauveurs ?

Ce serait une façon habile de sauver la peau des Super Eagles, champions d’Afrique en titre et bien mal embarqués dans la course à la qualification avec quatre points en quatre matches. Outre le problème de la sécurité dans un pays où le kidnapping est l’autre sport national, la question des stades se pose devant la candidature nigériane. En 1980, lorsque le Nigeria avait organisé sa première Coupe d’Afrique, la compétition était limitée à seize équipes. Vingt ans plus tard, en 2000, les arènes de Lagos (55 000 places), Ibadan (35 000) ou Kano (25 000) s’étant révélées insuffisantes, le Nigeria s’était tourné vers le Ghana pour une organisation conjointe afin de compenser le forfait de dernière minute du Zimbabwe à cause des retards dans la construction et la rénovation des stades, justement.

Franck Simon, grand reporter à France Football qui a couvert 10 Coupes d’Afrique des nations (de 1994 à 2012), se souvient d’ailleurs de cet attelage de « fortune », à l’époque. « C’était la première fois dans l’histoire de la CAN qu’il y avait une coorganisation », précise celui qui avait suivi l’intégralité du tournoi pour Canal+ Horizon, en plateau à Paris, en tant que consultant. « Et on ne peut pas dire que ce fut une grande réussite. Le Nigeria n’en garde d’ailleurs pas un grand souvenir », poursuit-il. Depuis, le Nigeria a réussi à organiser (et à les gagner) deux Coupes du monde U 17 en 2007 et 2013.

Nigeria : un contexte peu évident

Malgré tout, Franck Simon ne croit pas à une candidature du Nigeria. « Le Nigeria a des stades de qualité, mais il faut tenir compte de la volonté de la population. Veut-elle de cette CAN ? Le Nigeria, c’est plus de 100 millions d’habitants avec une situation encore instable au nord du pays, et la menace terroriste toujours présente », dit-il. Au Ghana comme au Nigeria, la CAN 2015 pourrait cependant revêtir un caractère… politique dans un agenda « idéal » pour les deux présidents en place, mais en difficulté. Histoire de donner une belle image du pays alors que 2015 sera une année d’élection présidentielle à Lagos comme à Accra.

Gabon-Cameroun : un scénario improbable

Autre alternative crédible, le Gabon. Déjà hôte de la CAN 2012, avec la Guinée équatoriale, le Gabon semble tout prêt à accueillir la compétition, après avoir déjà organisé le Trophée des champions entre le PSG et les Girondins de Bordeaux en 2013. Seule difficulté, si les infrastructures sont suffisantes, les stades de Libreville (45 000 places) et Franceville (40 000) sont les seuls capables d’accueillir des rencontres de niveau international. Or, trente-deux rencontres disputées dans deux enceintes seulement risquent de mettre à mal les pelouses gabonaises.

« Pour accueillir et réussir une CAN, il faut 4 stades minimum », rappelle Franck Simon. « Or le Gabon n’en a que trois : deux à Libreville et un à Franceville. C’est sûr, c’est un bon début, mais de toute façon je ne vois pas une coorganisation avec le Cameroun. » La CAF, par la voix d’Amadou Diakité, membre de son comité exécutif, a assuré que l’instance africaine ne voulait pas d’un tournoi sur deux pays. Le plan C du… Cameroun, avec Yaoundé (38 500 places) et Douala (30 000), pour voler à la rescousse du tournoi en binôme avec le Gabon, est donc à exclure.

L’impasse au bout ?

Devant l’instabilité croissante de la région, les options tunisienne, soudanaise ou égyptienne, un temps évoquées, semblent avoir du plomb dans l’aile. Idem pour l’Angola, qui reste marqué par le drame du Cabinda en 2010, lorsque la délégation togolaise avait été mitraillée par des indépendantistes. Quoi qu’il arrive, un report dans un autre pays compliquerait encore plus les choses. « Déplacer la Coupe d’Afrique au Ghana ou en Afrique du Sud, c’est déplacer le problème. Et puis il faudra nous expliquer ce qu’on fait du Maroc. En tant que pays hôte, les Lions de l’Atlas étaient qualifiés automatiquement. Là, c’est le Ghana ou l’Afrique du Sud. Potentiellement, ça touche deux groupes ! Et il reste des journées… Que vont dire les pays éliminés ? » déplorait ainsi la légende Roger Milla, qui n’a pas non plus oublié les championnats locaux en cours et qu’il faudra, de fait, mettre sur pause.

Pour l’heure, le tirage au sort de l’épreuve reste programmé le 26 novembre à Rabat. Seize nations – dont le Maroc (pays hôte), l’Algérie et le Cap Vert, déjà qualifiés – doivent y participer. Reste une solution, improbable mais pas impossible. Malgré les enjeux financiers, la CAF pourrait se résoudre à tout bonnement faire une croix sur l’édition 2015, se mettant par là même encore plus dans l’embarras. « On va bientôt savoir si Issa Hayatou, qui essaie de faire plier le Maroc en maintenant la CAN, aura réussi son grand coup de poker. S’il avait toutes les cartes en main avec un plan B déjà connu ? ou si c’était du bluff », glisse Franck Simon. Prochain round déterminant : le 8 novembre, fin d’ultimatum.