Le pied, mais quel pied alors ! Monter sur le toit du football africain, qui plus est au stade international du Caire, quel bonheur ! Les Verts ont, donc, désormais le droit d’orner leur maillot d’une deuxième étoile. Elle s’est fait attendre, trois décennies durant, mais, au bout de cette longue attente, la victoire. L’une des plus belles, parce que cette équipe pour laquelle vibrent des millions de cœurs a été longtemps contrainte de traverser des moments où il fallait souvent presque tout remettre en question.
Des moments contraignants qu’ont couverts deux qualifications coup sur coup à la Coupe du monde, comme cet arbre qui cache la forêt. C’est tout de même remarquable ce qu’a réussi cette équipe à laquelle Djamel Belmadi a su redonner une âme en un laps de temps si court, un temps dédié surtout à remettre de l’ordre dans une sélection qui s’est retrouvée à tourner en rond, perdant, au fil des mois, tout le crédit engrangé notamment après la campagne brésilienne de 2014 qui l’avait vue sortir avec les honneurs, après avoir tenu en respect, dans un huitième de finale entré dans la postérité, la toute-puissante Allemagne qui allait être sacrée champion du monde.
Les errements succédant aux choix irrationnels des préposés aux destinées du football national et de la sélection nous ont coûté un temps et une aura dans le concert des nations du football et, à revoir de près le fil des événements depuis cinq ans, des errements et de l’irrationnel qui se seraient avérés plus lourds de conséquences jusqu’à cette belle idée de faire appel à Djamel Belmadi. Des victoires, en une année à la tête des Verts, l’ancien joueur du PSG, de l’OM et de Manchester City, entre autres, en a engrangé, mais certaines valent plus que d’autres. Mettons de côté les pointues questions technico-tactiques.
De ces victoires il en est ainsi de cette question qui n’a cessé d’empoisonner la vie de la sélection depuis des années et que certains ont d’ailleurs ressortie juste avant cette inoubliable CAN, sans entraîner grand monde cette fois: le débat, qui n’en est pas un, en réalité, mettant en opposition locaux et binationaux. Une «sensible» fibre qui a de quoi heurter l’amour- propre de n’importe quel joueur «accusé» d’être moins algérien qu’un autre de ses coéquipiers.
En a-t-on parlé lors de cette édition de la CAN ? Pas une fois, même si l’on peut comprendre que les victoires aident à éluder un tel sujet. Un sujet évacué de main de maître par un coach qui a décidé d’accorder sa prime au talent et à l’adaptation du joueur au schéma qu’il veut que son équipe reproduise sur le rectangle de jeu. Ainsi, Djamel Belmadi, sans le crier sur les toits, a transmis son message : un Algérien est un Algérien, qu’il soit né au pôle Nord ou à Tamanrasset. Une alchimie, son alchimie, que le coach a imposée avec, en sus, une qualité de jeu qui a aidé, c’est certain, à faire abstraction de la question du local et du binational, celle-là même qui, souvenons-nous-en, a été par le passé alimentée par des propos de personnalités même du haut de la hiérarchie du football national.
Aujourd’hui, c’est un tout autre état d’esprit qui s’est instauré au sein des Verts. La seule exigence ayant désormais droit de cité concerne la qualité du joueur et son état d’esprit. A ce titre, cette Coupe d’Afrique des Algériens a révélé une équipe au sens propre du mot, avec toute la solidarité qui puisse la caractériser, celle qui vous permet de gagner une finale, qui ne restera sans doute pas comme la plus belle de la longue histoire de la CAN même si vous ne livrez pas une performance de la même veine que celles qui ont constitué les jalons de cette victoire finale qui restera dans les mémoires, eu égard à la conjoncture que traverse le pays. Une équipe qui a offert des images qui ont cassé définitivement ces vieilles histoires, donc, de locaux – binationaux.
Une équipe qui a donné du sens à «un pour tous, tous pour un», comme l’illustrait, par exemple, cette inoubliable image d’Alexandre Oukidja qui a passé le plus clair de son temps, en fin de partie et dans la prolongation face à la Côte d’Ivoire, sur le banc de touche à consoler Baghdad Bounedjah pour son penalty. Des images comme celles qui montraient les remplaçants haranguer leurs coéquipiers sur le terrain à chaque match. Les images d’une équipe qui, en fait, signe, de la plus belle des façons, sa renaissance. Et ça, déjà, c’est une belle victoire de Belmadi et de ses hommes, ses frères d’armes, parce que, gagner une Coupe d’Afrique des Nations en Egypte, c’est à assimiler à plus qu’un simple match de foot.
Azedine Maktour