Par NAZIM BRAHIMI
Le général-major à la retraite, Ali Ghediri, qui s’est lancé dans la bataille de la présidentielle d’avril prochain, croit en sa bonne étoile. C’est l’impression qu’il a laissé transparaître hier à l’occasion de son passage au forum de notre confrère Liberté.
Même les facteurs qui peuvent freiner son élan et tempérer son enthousiasme ne semblent pas le dissuader dans sa quête. Ni une probable candidature du Président en exercice, ni le spectre de la fraude, ne semblent en effet modérer ses ambitions.
Le fait de ne pas disposer d’un parti politique qui porterait sa candidature, ne le gênerait pas pour autant. Pas plus d’ailleurs le fait qu’il ne soit pas un acteur politique connu du grand public.
Répondant à une multitude de questions, notamment celles en lien avec le scrutin présidentiel et l’institution militaire dans le jeu politique, le fils d’El Ouenza, âgé de 64 ans, se dit prêt à «défier le système» qui ne lui «fait pas peur».
Dans le jeu des questions-réponses qui aura duré près de deux heures, M. Ghediri tenait à dire qu’il se lance dans la course à la présidentielle «pour gagner», relevant qu’une candidature du président Abdelaziz Bouteflika pour se succéder à l’occasion de cette joute électorale ne l’intéresse pas. Ou du moins ne lui fera pas changer d’avis.
«Jusqu’à maintenant, il (Bouteflika) est le président. Demain, s’il décide de se présenter, qu’Allah lui facilite les choses en tant que citoyen, je l’affronterai en tant que citoyen. Et fermement», a-t-il indiqué, soulignant avoir été contre la candidature de Bouteflika en 2014 et qu’il n’avait pas voté à cette occasion.
«Que Bouteflika postule ou pas, cette question, je ne me la pose pas. Moi, je suis partant pour gagner», a-t-il répété, expliquant que l’action des six leaders historiques qui ont déclenché la guerre de Libération en Novembre 1954 constitue son inspiration.
S’agissant du spectre de la fraude qui hante les postulants à l’élection, le conférencier a taclé l’élite du pays à qui il reproche sa passivité et sa démission.
«Si la fraude existe, c’est parce que nous sommes passifs. Nous avons été absents. Et quand je dis nous, je parle de l’élite. L’élite était absente. Cela a ouvert la voie à des opportunistes pour se mettre en avant», a-t-il déclaré. «J’appelle le peuple, et notamment son élite, à prendre conscience. Nous n’avons plus le droit de nous taire sur ce phénomène qui a ravagé le pays. Si vous attendez du pouvoir à ce qu’il ne fasse pas dans la fraude, vous allez le mettre au chômage. C’est tout ce qu’il sait faire», expliquera-t-il sur une note d’ironie. M. Ghediri, à la retraite depuis 2015, a nié toute liaison entre sa candidature à la présidentielle et le général de corps d’armée Mohamed Mediene, dit Toufik, ancien patron du DRS aujourd’hui lui aussi à la retraite, à qui est attribué le parrainage de sa candidature. «Le général Toufik ne constitue pas un point d’appui de ma candidature», a-t-il riposté, en soutenant que le peuple constitue son véritable appui.
Interrogé sur la rencontre qu’il a eu avec le patron de Cevital, Issad Rebrab, présenté comme probable financier et sponsor de sa campagne électorale, M. Ghediri s’est montré offensif. «A ce que je sache, M. Rebrab est assez grand pour se défendre. J’ai rencontré des écrivains et des hommes politiques et ça n’a pas parlé. Par contre ça parle dès que je rencontre Rebrab. Je ne nourris aucun complexe là-dessus et je ne laisserai pas le pouvoir me dicter qui je dois rencontrer », a-t-il réagi.
Que pèserait la candidature de Ghediri si elle ne bénéficiait pas d’un appui de l’ANP ?
A cette question d’un journaliste, le candidat a rétorqué que la force qui «est de son côté, c’est le peuple», ajoutant que l’ANP «ne lui fait pas peur».
Qualifiant le rapport militaire-civil d’une «dichotomie artificielle», il a invité l’assistance à constater que les «avancées démocratiques contenues dans les Constitutions de 1989 et 1996 » ont eu lieu sous la présidence de militaires, allusion au défunt Chadli Bendjedid et à Liamine Zeroual.
Il a cité, dans ce sens, des expériences dans certains pays, en Amérique comme en Asie, où ce sont les militaires qui ont mené leurs pays vers un système démocratique.
A l’occasion de ce forum, le staff de campagne du candidat Ghediri, que coordonne l’avocat Mokrane Ait Larbi, a distribué aux professionnels de la presse un projet de programme intitulé «La rupture sans reniement». Les grandes lignes de ce document évoquent notamment la rupture «avec l’autoritarisme et le système rentier et clientéliste, celui des groupes d’intérêts et des oligarques, édifier une 2e République réellement démocratique et moderne, rompre avec l’instrumentalisation des déterminants fondamentaux de notre identité nationale : l’islam, l’histoire, la langue arabe et la langue amazighe…. ».