Cap sur la culture du sorgho fourrager

Cap sur la culture du sorgho fourrager

Comment assurer un meilleur rendement dans la production laitière et celle des viandes dans la wilaya de Tizi-Ouzou tout en tenant compte de la nature de ses sols ?

Comment le producteur doit- il s’y prendre pour jouir de son entière autonomie dans le cadre de ses activités, dans la mesure où l’autonomie est synonyme d’économie financière ? Enfin, est-il possible pour le producteur de procéder à l’extension de sa culture fourragère, synonyme d’augmentation de son cheptel ?

Telles sont les trois questions clefs exposées lors du séminaire tenu jeudi dernier à l’Institut des technologies et des moyens agricoles et spéciale agricole de montagne (ITMAS) de Boukhalfa (Tizi Ouzou) par l’expert en la matière, Saïd Abizar. « La culture du sorgho fourrager » est le thème de la rencontre scientifique organisée par la direction des services agricoles (DSA) de la wilaya de Tizi Ouzou avec le concours de l’ITMAS de Boukhalfa, qui a regroupé des universitaires et des professionnels de la production des viandes et laits bovins.

Tout au long de son intervention le séminariste, qui exerce auprès des entreprises MOTOREST de Constantine et NUTRIVACHIE de Timizart (Tizi Ouzou), a mis en évidence les bienfaits du sorgho fourrager, et ce tant sur le plan nutritif pour le bovin que sur le plan purement économique. Saïd Abizar a avant tout souligné qu’historiquement, le sorgho a été cultivé pour la première fois en 1850. En 1900, ce fourrage est alors cultivé abondamment pour deux principaux motifs : il est économique puis facile à cultiver.

Le séminariste a rappelé que la culture du sorgho exige moins d’eau que le maïs, que sa coupe est multiple (5 fois par an) et enfin que sa valeur nutritive est égale à celle du maïs. L’expert Saïd Abizar a par ailleurs noté qu’il existe trois sortes de sorgho : le sorgho à graines, le sorgho géant et le sorgho fourrager. C’est ce dernier qui est recommandé aux éleveurs car il est de nature multicoupes.

L’expert économique et commercial auprès de MOTOREST et NUTRIVACHE axer a tenu à son intervention sur la problématique rencontrée par l’éleveur, le manque d’espace pour contenir un cheptel bovin important, l’élevage hors sol, le recours massif à l’achat du fourrage, l’apparition du marché fourrager spéculatif, le recours significatif aux prestataires et enfin l’épuisement des ressources physiques et morales.

Des solutions pour une meilleure production

Les solutions préconisées reposent sur l’intensification et l’amélioration de la culture du sorgho fourrager, le recours à la mécanisation pour améliorer la qualité et la production des fourrages d’où l’élimination de la spéculation vu la diminution de l’achat des fourrages.

Au passage, le séminariste a noté qu’un recours prestataire coûte à l’éleveur, en termes financiers, 80 000,00 DA l’hectare.

Ce montant est atteint en faisant le calcul suivant : 1500 DA pour l’opération de fauche 3500 DA pour la presse, 2000 DA pour l’enrubannage et enfin 1000 DA pour la manutention. Saïd Abizar a préconisé deux solutions pour le producteur et pour l’éleveur. La première est d’ordre matériel, la seconde a trait à la façon de cultiver le sorgho fourrager.

La première solution est, naturellement, une autonomie dans la production, c’est-à-dire une jouissance personnelle de l’outil de production. Il est donc suggéré au producteur de posséder son propre kit dont le coût global avoisine 3 millions de dinars.

S’il a déjà un tracteur, il peut le munir d’un chargeur. Cette pièce, dont « le coût est absolument abordable », est fabriquée par deux entreprises étrangères. Selon les termes des conventions signées avec l’Algérie, ces deux entreprises se sont engagées à produire des chargeurs adaptables à toute marque et tout type de tracteur.

Concernant la deuxième solution, le séminariste a suggéré de procéder ensuite à l’opération de roulage, après avoir ensemencé le champ, car cela permet d’assurer un meilleur contact entre la graine de semence et la terre, mais aussi, d’améliorer la qualité et la rapidité de la pousse.

Par ailleurs, le recours au semoir (appareil mécanique moderne) permettra la semence de 200 000 à 300 000 grains de semence, soit l’équivalent de 25 à 30 kg à l’hectare, alors que la quantité de semence utilisée à ce jour par nos producteur est estimée à un quintal par hectare.

Autrement dit, grâce au semoir, on fait non seulement une économie de 70 à 75 kg de semence mais on s’assure aussi une meilleure production tant quantitative que qualitative. Saïd Abizar a énuméré par ailleurs une multitude de conseils pratiques pour la production du sorgho fourrager. Les méthodes scientifiques préconisées contrarient violemment les anciennes méthodes.

C’est le cas au moment de la coupe, de l’enrubannage et de l’emmagasinement du fourrage une fois mis en balle. Avec l’ancienne méthode, on attend que la pousse du sorgho finisse sa croissance, on en fait des bottes après la coupe et on les place souvent à l’horizontale, c’est-à-dire selon sa forme rectangulaire. Une telle méthode est en fait mauvaise puisque le fourrage perd ainsi beaucoup de sa matière nutritive.

Une perte qui se répercute sur la vache qui le consomme et, en définitive, sur le plan économique. Selon le séminariste, la coupe doit se faire quand la feuille de sorgho atteint environ 1,20 m de hauteur.

L’enrubannage doit être ensuite fait en forme de balle avant de presser le fourrage au maximum. Moins l’air pénètre la balle, plus sa matière nutritive est préservée. SaÏd Abizar, a prouvé que dans le respect strict des normes scientifiques, l’éleveur peut s’assurer un élevage de 68 vaches pour une superficie de cinq hectares. Donc, la théorie ancienne donnant une vache pour un hectare est à présent largement dépassée.

Avant de céder la parole à un autre expert en culture fourragère et en aliment nutritif pour le bétail, un Turc répondant au nom d’Issaâk, Saïd Abizar a tenu à souligner que la ration journalière d’une vache en matière de sorgho fourrager, qui constitue un aliment de base, est de 20 kg.

L’expert en sciences économiques et commerciales a également indiqué que le sorgho fourrager est une culture d’été et, par conséquent, l’éleveur peut utiliser la même surface en dehors de la saison d’été pour une autre cultu

re telle que le trèfle, le vesce, l’avoine et autres.

L’expérience turque

Pour sa part, l’expert turc, qui a déjà mené des missions scientifiques et des expériences un peu partout dans le monde, a souligné que le sol de la wilaya de Tizi Ouzou est très indiqué pour la culture du sorgho fourrager. L’expert Issaâk a rappelé qu’il est même possible de faire deux cultures en même temps dans un même champ.

Cela se pratique d’ailleurs couramment ailleurs, à l’exemple de la Turquie. Actuellement, ce spécialiste turc, qui réside à Tizi Ouzou, assure le suivi scientifique d’une plantation de culture fourragère dans une ferme agricole de Ouaguenoun.

Le directeur de l’ITMAS de Boukhalfa, Saïd Tamene, a confié au Jeune Indépendant que l’expert turc lancera une deuxième expérience à partir du mois de mars prochain sur les parcelles de terre appartenant à l’institution qu’il dirige. Cette expérience portera justement sur la culture du sorgho fourrager.

Notre interlocuteur a précisé que prendront part directement à cette prochaine opération expérimentale les étudiants et les enseignants de l’ITMAS ainsi que certains éleveurs et producteurs de la wilaya de Tizi Ouzou. Saïd Tamene a par ailleurs rappelé que l’année passée, les enseignants et les étudiants de l’ITMAS avaient prêté main forte à un producteur de pomme de terre local.

Celui-ci a ainsi réussi à produire 500 quintaux de pommes de terre par hectare. Serait-ce l’éveil et le lancement tant attendu de l’économie locale hors hydrocarbures ? En tout cas, dans le secteur agricole, la direction des services agricoles de la wilaya de Tizi Ouzou a déjà relevé le défi.

Sid-Ali Chebah, présent à ce séminaire de l’ITMAS en sa qualité de cadre et de représentant de la DSA, a indiqué que ses services ont reçu des instructions du ministère de tutelle pour venir en aide financièrement aux agriculteurs. Le financement de la semence du sorgho fourrager à raison de 50% fait partie de ces aides.

Pour cela, l’agriculteur concerné devra se rapprocher des services de la DSA, remplir un simple formulaire avant d’obtenir la semence auprès des minoteries désignées comme partenaires de la DSA. Par ailleurs, les services de la DSA assurent le suivi et le parrainage de toutes ces opérations agricoles. En d’autres termes, les pouvoirs publics encouragent à présent, plus que jamais, l’activité agricole dans son authentique concept économique moderne.