Forts de dizaines d’écoles occupées à la veille d’un référendum d’autodermination à hauts risques en Catalogne, les séparatistes se disent prêts pour cette consultation interdite par la justice et que le pouvoir central espagnol veut empêcher à tout prix.
« Votarem » (« nous voterons » en catalan) ont scandé vendredi soir des indépendantistes, environ 10.000, venus assister au dernier meeting de Carles Puigdemont, leur dirigeant et président de cette région du nord-est du pays depuis début 2016.
« En ces moments incroyablement intenses et très émouvants, nous sentons que notre rêve est à portée de main », a-t-il lancé à la foule.
Les dirigeants séparatistes ont assuré vendredi qu’ils disposeraient dimanche de 2.315 bureaux de vote, dont 207 à Barcelone, pour ce référendum pourtant interdit par la Cour constitutionnelle.
Mais la commission électorale a été dissoute en raison du risque d’amende… et elle était composée uniquement de séparatistes, ce qui la rendait difficilement crédible.
Des occupations pacifiques ont débuté vendredi soir dans des dizaines d’école en Catalogne, alors que la justice a ordonné mercredi à la police de fermer les locaux qui devraient accueillir des bureaux de vote, parmi lesquels des écoles.
Plusieurs dizaines d’établissements étaient occupés, selon les différents messages postés sur les réseaux sociaux.
« Moi je reste dormir ici, en principe avec mon fils aîné », a déclaré à l’AFP Gisela Losa, une mère de trois enfants rencontrée dans l’école primaire Reina Violant, du quartier de Gracia, à Barcelone, occupée par des parents d’élèves.
Des « comités de défense du référendum » se sont organisés, quartier par quartier, et ont distribué des consignes que l’AFP a pu consulter, par le biais du réseau social Telegram, invitant notamment les militants à rester pacifiques avant tout.
Jouant sur le « droit à organiser des activités » extra-scolaires, des parents d’élèves occupaient ces sites pour maintenir les écoles ouvertes: pic-nic, soirée pyjama, chocolat chaud, cinéma à la belle étoile…
La Cour constitutionnelle a interdit le vote dimanche « mais n’a rien dit sur les activités de loisirs » vendredi et samedi, a dit à l’AFP Jordi Sanchez, président de l’Assemblée de Catalogne.
– Risques de troubles –
Les forces de l’ordre, qui ont saisi depuis la mi-septembre des millions de bulletins de vote, recherchent toujours les milliers d’urnes que les indépendantistes veulent utiliser pour ce référendum interdit par la Cour constitutionnelle.
« Il n’y aura pas de référendum », a martelé le porte-parole du gouvernement conservateur espagnol Inigo Mendez de Vigo. « Les responsables (de ces agissements) se rendent coupables d’un acte de déloyauté très grave », a-t-il dit, promettant qu’ils auraient à répondre de leurs actes devant la justice.
Le face-à-face entre Madrid et les séparatistes en Catalogne, l’une des pires crises traversées par l’Espagne depuis le rétablissement de la démocratie après la mort du dictateur Francisco Franco en 1975, s’est rapproché vendredi de son paroxysme.
Madrid a multiplié les mesures judiciaires et les opérations de police ces dernières semaines, provoquant des manifestations d’indignation de dockers, de pompiers et de milliers d’étudiants.
La police régionale catalane -les Mossos d’Esquadra-, proche de la population, a dit craindre des troubles et a annoncé vendredi soir qu’en cas d’occupation de bureaux de vote, elle ferait savoir aux organisateurs qu’ils ont l’obligation de quitter les lieux avant « dimanche à 06h00 du matin », selon un document interne consulté par l’AFP, préférant donc ne pas appliquer la manière forte d’office.
Madrid a envoyé en renfort quelque 10.000 agents de la police nationale et de la Garde civile qui pourraient être mobilisés.
– Profondément divisée –
En dépit des menaces de sanctions, d’amendes, de perquisitions et de mises en examen, les indépendantistes vont de l’avant, même si la région de 7,5 millions d’habitants est profondément divisée sur le sujet.
En banlieue de Barcelone, 2.000 personnes ont de leur côté participé à un meeting du parti Ciudadanos, opposé à l’indépendance, en agitant des drapeaux espagnols.
« Ils veulent tout détruire, l’Espagne et la Catalogne », se lamentait Dolores Molero, 53 ans, de la ville de Tarragone, plus au sud.
L’indépendantisme a progressé de façon exponentielle depuis la crise économique de 2008 et surtout après la décision de la Cour constitutionnelle en 2010 de retoquer le statut d’autonomie de la Catalogne à la suite d’un recours du Parti populaire (conservateur, au pouvoir) de Mariano Rajoy.
En septembre 2015, les indépendantistes ont obtenu la majorité des sièges au parlement régional, avec 47,6% des voix. Mais le dernier sondage commandé par le gouvernement indépendantiste, publié en juillet, montre que les adversaires de l’indépendance sont plus nombreux que ses partisans (49,4% contre 41,1%).
Les anti-indépendantistes ont donné pour consigne de ne pas voter, alors que la tension ne fait que monter. Dolores Molero se dit d’ailleurs inquiète pour dimanche. « Il faudra être prudent. Je ne sortirai pas ».