Ce qui fait courir Donald Trump fait peur au monde entier

Ce qui fait courir Donald Trump fait peur au monde entier

Oui Donald Trump fait peur au monde y compris chez lui. Il y a de quoi quand on le voit dans le bureau ovale de la Maison Blanche déchirer des accords internationaux longuement et péniblement négociés sous les auspices de l’ONU.

Est-ce si étonnant que ça ? Pas vraiment quand on regarde de près ce qui fait courir ce singulier Président. Celui-ci n’est pas   arrivé par hasard au pouvoir. Quand on identifie les forces qui l’ont fait accéder à la Maison Blanche et quand on décode son slogan «America First», le secret de son élection saute aux yeux et on découvre que le message plonge ses racines dans l’histoire des Etats-Unis. L’isolationnisme du début de l’existence des USA donnait le sentiment aux habitants de n’avoir besoin de personne. La Première et la Seconde guerres mondiales firent sortir le pays de son doux cocon pour aller au secours de l’Europe. La puissance acquise entre-temps lui donnait la possibilité de répondre aux besoins de ces lointains «cousins». Ces guerres lui offrirent l’occasion de s’installer avec armes et bagages. Ensuite avec la pluie de dollars du plan Marshall, les USA devinrent alors et le bouclier sécuritaire (OTAN) et le banquier international de cette Europe affaiblie par les ravages des deux Guerres mondiales. Et puis avec le temps qui passe, les amis se sont fait une santé (constitution de l’Union européenne) et les ennemis historiques (Russie et Chine) convertis aux délices des lois du marché, ont commencé à grignoter le champ de bataille «pacifique» du commerce pour finir par contester son double statut de gendarme et de banquier du monde. La grande et fière Amérique ne pouvait supporter de n’être plus cet eldorado où tout un chacun avait droit à sa part du rêve américain.

Alors pour mettre fin à ce déclin annoncé, on ne pouvait trouver mieux qu’un homme d’affaires qui symbolise le fameux rêve américain. Ce messie des temps modernes devait être à l’image de ce socle sur lequel s’est construit le pays, la population «blanche» et une administration tentaculaire et efficace qualifiée aujourd’hui d’Etat profond. On mobilisa la fameuse majorité silencieuse de la population dite «blanche» qui a souffert de cette mondialisation qui devait soi-disant perpétuer le rêve américain. Mobilisation facile dans un pays rodé aux techniques de la propagande, pardon de la communication. Facilement mobilisables, ces catégories sociales, appauvries et paniquées par les changements démographiques ressentis comme un danger pour la suprématie «raciale» chère à l’idéologie du Ku Klux Klan, apportèrent leurs voix à Trump. Normal, ce  dernier les avait caressés dans le sens du poil en promettant la construction d’un mur (devenu aussi à la «mode» ailleurs), pour mettre fin au flux de ces «basanés» de Mexicains, ces étranges étrangers comme dirait le poète.

Une fois installé sur le trône, Trump s’attelle sans attendre à sa mission pour déblayer la voie et enfin concrétiser son obsessionnel «America First». Menaces et accentuations des sanctions contre les ennemis historiques. La liste est longue : Corée du Nord, Russie, Chine, Iran. Et comme cela ne suffit pas, il ajouta à cette liste les amis traditionnels en reprenant à son compte le slogan de Bush, «qui n’est pas avec moi est contre moi». A ces amis traditionnels, il fit passer le message subliminal suivant :

«N’oubliez pas que nos boys ont libéré vos pays des bottes des nazis, pensez aussi à  la cargaison de dollars qu’on a déversés sur vos économie dévastées. Et n’oubliez surtout pas que nous utiliserons la grosse artillerie de nos banques qui contrôlent le système financier international.(1) Enfin, nous pouvons clouer vos avions au sol et paralyser vos entreprises de pointe qui utilisent nos licences de haute technologie. Inutile de protester, j’ai été élu pour concrétiser ‘’America First’’. Nous ne céderons pas à votre colère car notre fermeté est aussi un message à l’adresse de nos ennemis historiques qui, eux, sont coriaces.»

Message de fermeté sauf qu’en face de lui, il y a les grosses pointures de la Russie et de la Chine mais aussi de plus «petits» pays dont les capacités de résistance ne sont pas négligeables, l’Iran et la Corée du Nord. Défier cette colonne d’amis et d’ennemis ne correspond nullement à l’art de la guerre où l’on apprend à ne pas affronter tant d’obstacles simultanément. Mais Trump est pressé et en bon Américain, il ne va pas perdre son temps (times is money). Sauf que ces ennemis obéissent à une autre horloge, pétris qu’ils sont d’une culture aussi vieille que le temps lui-même. Les conseillers de Trump auraient dû lui conseiller que le B à BA en politique comme en guerre est de connaître la façon de raisonner et d’appréhender leur rapport des adversaires à la réalité dont le temps est une pièce maîtresse. Car les fanfaronnades même soutenues par de la force n’impressionnent nullement des hommes de la trempe d’un Poutine ou de Kim le Coréen, jeune certes mais grand joueur d’échecs. Car ces deux stratèges ont compris que derrière la guerre économique que Trump impose au monde, se cachent des considérations de haute politique qui les menaceraient vraiment. Ils ne vont donc pas céder à des sanctions économiques ou aux promesses des aides mirobolantes qui peuvent faire de pays récalcitrants de petits paradis (des Singapour ou des Hong Kong). Quelle naïveté ou cynisme ! Car ces ennemis historiques ont de quoi résister aussi bien aux sanctions qu’aux sirènes des paradis terrestres.

La Russie et la Chine sont de grandes puissances militaires qui ont des frontières communes qui favorisent et facilitent leurs relations économiques. Ces deux pays font partie de la même organisation régionale en Asie et du Brics.(2) Leurs économies gagnent de plus en plus des parts sur le marché mondial. La Chine après avoir inondé le monde entier de ses gadgets passe aujourd’hui à un stade qualitatif, celui de l’achat de ports et aéroports en Europe et bouscule en Afrique des entreprises occidentales, etc. Elle possède aussi une arme financière constituée de son épais matelas de bons de trésor américains. Maniée avec délicatesse et intelligence, cette arme peut embêter le dieu dollar.

Quant à la Russie elle n’est pas encore un défi dans le champ de l’économie, Quoique ! Ses anti-missiles S 300 et S 400 qui se font une place dans le club fermé du commerce de l’armement rapportent des devises qui viennent s’ajouter au marché juteux de la rustique et si efficace kalachnikov (AK 47). Les S 300 et S 400, armes aussi d’influence politique, séduisent un membre de l’OTAN, la Turquie. Les coups de griffes de Trump contre la monnaie turque ne sont pas étrangers au potentiel danger de sortie de la Turquie de l’OTAN qui ferait tant plaisir à Poutine. Un Poutine qui a une dent contre cette OTAN venue le chatouiller à des frontières que la Russie partage avec la Pologne et les pays baltes. Et pour parer à la gloutonne organisation atlantique aux mains de l’Oncle Sam qui voulait attirer l’Ukraine dans son giron, la Russie mit un frein à cette expansion en mettant sous «surveillance» l’Ukraine et en récupérant la Crimée.

Ainsi vues leur guerre économique et les sanctions infligées à une flopée de pays, les Etats-Unis sont engagés dans une aventure complexe de l’ordre de la quadrature du cercle. Restaurer des secteurs économiques (industries), maintenir l’hégémonie du dollar dans le système financier international pour appuyer leur puissance économique. A côté de cette tâche pas si facile que ça, s’ajoute le maintien de son statut de «gendarme du monde» pour garantir la sécurité de ses alliés (Israël et Arabie Saoudite) et être maître des routes maritimes qui correspondent comme par hasard à l’emplacement des puits de pétrole et à la position géographique de leurs amis-alliés.

Alors oui, le monde a peur de l’Amérique de Trump qui peut se noyer dans ses nombreux objectifs et pratiquer la fuite en avant qui déboucherait sur le chaos dans le monde. Car outre la difficulté à résoudre les nombreuses équations à la fois économique, politique et idéologique, on craint une faute de ce dirigeant imprévisible. Une faute que l’on commet par arrogance, par manque d’intelligence de l’Histoire peut mettre le feu aux poudres. Ça s’est vu dans l’Histoire et notamment récemment en Irak par exemple.

Il y a une dialectique du dérapage dans les conflits. Ceux-ci peuvent éclater en l’absence d’une pensée stratégique qui aide à cerner la nature et le degré des contradictions qui opposent des camps adverses. Et une pensée qui repose sur la force uniquement et se contente d’analyser le réel avec le schème de l’apparence des choses, cette dite pensée est incapable  de stopper une machine qui s’emballe.

On se souvient des délires de certains politiques au lendemain de la chute du mur de Berlin.(3) Cet événement a donné lieu à certains propos oiseux et naïfs «accueillant» une nouvelle ère dans notre monde qui va enfin jouir des dividendes de la paix. Car pour ces naïfs, les contradictions qui gisent dans les entrailles des pays et de l’Histoire allaient s’évaporer par la magie du Saint-Esprit avec la chute d’un mur. Ces naïfs croyaient que le triomphe de l’économie de marché allait apaiser l’atmosphère. Oui, naïfs ils le sont car les deux Guerres mondiales entre pays chérissant l’économie de marché ont été plutôt déclenchées par l’exaspération des fameuses contradictions tapies dans un même système économique.

A. A.

1) Les Américains ont tout bonnement élevé leur droit national au rang de droit «international» usurpant ainsi le rôle de l’ONU à qui revient le «privilège» de faire des lois relevant du droit international. Les USA ont ainsi condamné la BNP française à payer 9 milliards de dollars pour n’avoir pas répondu aux injonctions de lois américaines sur l’Iran.

2) Brics composé du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine, Afrique du Sud. Association de pays émergents qui veulent développer des échanges entre eux et échapper au diktat du système bancaire international dominé par le dollar.

3) Pour la petite histoire, lors de la chute du mur de Berlin, Poutine était colonel du KGB, le service de renseignement soviétique à Berlin. On comprend pourquoi il mène mieux la barque de son pays par les temps qui courent.