D’une organisation, dont le rôle initial devait être la défense des droits des travailleurs, l’UGTA est devenue, sous Abdelmadjid Sidi-Saïd, un instrument d’inhibition des revendications socioprofessionnelles.
Pour la première fois depuis une vingtaine d’années, Abdelmadjid Sidi-Saïd ne sera pas “la vedette” de la célébration de la Journée internationale du travail. Le secrétaire général de la Centrale syndicale, qui a toujours profité de cette célébration pour faire la promotion du régime, est quasiment absent de la scène. L’ouragan populaire qui a emporté Abdelaziz Bouteflika risque de charrier tous les symboles du pouvoir de ces 20 dernières années.
Depuis plus de deux mois, Abdelmadjid Sidi-Saïd fait partie des personnes dont le départ est réclamé par la population. L’homme, au parcours professionnel très court — il était enseignant dans un centre de formation professionnelle avant de devenir salarié à vie de l’UGTA —, n’a pourtant jamais occupé de fonction officielle. Le secrétaire général de la Centrale syndicale est surtout accusé d’avoir dévié l’UGTA de son objectif initial. D’une organisation, dont le rôle initial devait être la défense des droits des travailleurs, l’UGTA est devenue, sous Abdelmadjid Sidi-Saïd, un instrument d’inhibition des revendications socioprofessionnelles. Pire, l’UGTA a été transformée, ces vingt dernières années, en une quasi-formation politique dont le rôle était de toujours appuyer les décisions du système.
Au lieu de soutenir les millions de travailleurs algériens qui souffrent quotidiennement pour mener une vie décente, les responsables de l’UGTA ont préféré soutenir, jusqu’au bout, le pouvoir d’Abdelaziz Bouteflika. Dans un énième coup de bluff, Abdelmadjid Sidi-Saïd avait même promis l’enfer à l’Algérie si son mentor n’était pas élu. C’était le 24 février, deux jours seulement après les historiques manifestations du 22 février. La suite, on la connaît. Plus qu’un comité de soutien au pouvoir d’Abdelaziz Bouteflika, la Centrale syndicale est devenue, ces vingt dernières années, un allié de l’organisation patronale FCE (Forum des chefs d’entreprise). Les deux “partenaires”, seuls admis aux rencontres avec le gouvernement dans le cadre de la tripartite, sont même devenus des alliés contre les revendications salariales.
Au nom de “l’intérêt national”, la direction de l’UGTA a fait avorter des mouvements de protestation dans bien des secteurs de la vie économique nationale. Même lorsque des fédérations puissantes comme celle de la zone industrielle de Rouiba ou celle du complexe sidérurgique d’El-Hadjar, à Annaba, tentent de briser l’omerta et de revenir à leurs traditionnelles luttes, la direction de l’UGTA se précipite pour devenir le pompier du régime. Face à des syndicats autonomes de plus en plus représentatifs, la Centrale syndicale a fait de l’opposition. Au lieu de s’allier avec les autres défenseurs des salariés, l’UGTA s’est alliée avec le pouvoir pour casser les initiatives des autres organisations syndicales.
C’est ainsi qu’à chaque fois que les syndicats autonomes, qui ont réussi à détrôner le “syndicat officiel” dans tous les secteurs de la Fonction publique, organisent une grève ou un mouvement de protestation, le premier adversaire qu’ils trouvent devant eux, c’est justement l’UGTA. Ce sont ces pratiques qui ont éloigné l’organisation syndicale, seule à être autorisée à se constituer en centrale, des classes ouvrières, et à perdre la confiance des Algériens. Si Sidi-Saïd, qui tente de prendre le train du mouvement populaire, est définitivement disqualifié du mouvement syndical, l’UGTA devra faire de gros efforts pour redorer son blason !
Ali Boukhlef