En juin 2006, le ministre de l’Emploi et de la Solidarité nationale, M. Djamel Ould Abbès, s’était engagé publiquement en présence de deux autres ministres et du représentant de l’Unicef à interdire la fabrication et la circulation sur le territoire national des jouets violents, notamment ceux imitant des armes à feu.
La promesse avait été faite à Boumerdès lors d’une cérémonie de destruction symbolique d’un lot de jouets d’enfant ressemblant à des armes à feu.
Trois ans plus tard, non seulement cet engagement n’a pas été tenu mais, en plus, la commercialisation de ces produits a pris des proportions alarmantes au point où ces armes sont vendues avec des uniformes militaires complets.
Pourtant, la législation algérienne, notamment le décret 97 494 du 21/12/1997 et l’arrêté ministériel du 12/02/1997 ne souffrent d’aucune ambiguïté : “La fabrication, la distribution, la commercialisation de jouets imitant des armes à poing, ou d’autres sont interdites sur l’ensemble du territoire national”.
Malheureusement, ce que nous avons vu en ce premier jour de fête de l’Aïd dépasse l’imagination.
Au moins 90% des jouets entre les mains des enfants ou exposés sur les étals sont des armes de guerre.
Certaines d’entre elles ressemblent à des armes, d’autres tirent des balles en caoutchouc ou des fléchettes.
Des armes s’arrachent par les enfants qui trouvent un malin plaisir à s’habiller de treillis de para pour s’identifier davantage à leurs héros de la télévision ou à ces enfants engagés dans des conflits armés.
Du Kalachnikov à 300 DA ou du PA à balles en plastique à 250 DA en passant par les pistolets-mitrailleurs à 500 DA ou des lance-roquettes à 400 DA, les enfants ont eu l’embarras du choix durant cette fête de l’Aïd el-Fitr.
Il existe d’autres armes plus sophistiquées mais plus chères et surtout plus dangereuses.
Ainsi à 1 000 DA ou 1 500 DA, on peut acquérir une arme de poing qui lance des balles en plastique jusqu’à une distance de 50 mètres. Les plus petits ont eux aussi leur ration de ce type de jouet.
Des chars T 34 en plastique à 120 DA, des hélicoptères Apache à 300 DA, des grenades ou des roquettes antichars.
Ces jouets qui sont vendus au nez et à la barbe des policiers et des gendarmes sont généralement importés de Chine.
Ils sont utilisés par les enfants dans une ambiance de guerre comme cela a été vérifié durant l’Aïd à Boumerdès, Bordj Menaïel, Réghaïa ou à Alger avec ces enfants simulant des combats de rue et des embuscades avec des armes tirant des billes susceptibles de provoquer de graves lésions sur le corps d’un être humain.
Sur les autoroutes, des enfants à bord de voitures simulent également des situations d’attaques à armes à feu où ils sont contraints de tirer sur les autres véhicules “ennemis”.
Dans ce décor, qui nous rappelle étrangement des cas similaires avant que le pays ne sombre dans la spirale de la violence, même des enfants de policiers faisaient partie de ces “groupes de choc” en train de “s’entretuer” sous l’œil indifférent des parents.
Bien que ces derniers soient parfois mitraillés par des balles perdues en plastique tirées des pistolets de leurs bambins, ils ne bronchent pas.
Au-delà du danger physique qu’ils représentent, ces jouets facilitent la propagation de la violence chez les enfants, notamment les plus jeunes d’entre eux, affirme un psychologue de Boumerdès.
“Les enfants sont influencés par leur environnement, notamment par la télévision et ils ont tendance à reproduire cette violence au niveau de leurs quartiers en jouant avec ces armes”, précise notre interlocuteur qui ajoute que ces jouets encouragent et facilitent l’agressivité.
Les enfants veulent ressembler à leurs héros mais ils imitent également des faits et actes qui relèvent carrément du terrorisme.
L’on se rappelle de Nabil, ce collégien de 15 ans connu pour être un bon élève et qui s’est mis dans la peau d’Abou Mossaâb Zerkaoui, un des chefs d’Al-Qaïda tué par les Américains en Irak.
Nabil s’est transformé en kamikaze et s’est fait tuer le 8 septembre 2007 dans le camion qui a explosé dans la caserne des gardes-côtes à Dellys tuant plus de 35 marins.
Comme Nabil, beaucoup d’enfants veulent imiter, non seulement des héros de télévison, mais parfois des chefs terroristes.
L’exemple de 13 innocents collégiens de Thénia, dont certains se sont même entraînés au maniement des armes, reste encore vivace.
Comme on se souvient également de ce policier tué par son propre fils. Ce dernier a confondu l’arme en plastique de son frère avec celle du père.
À Dellys, une patrouille de l’ANP a failli tirer sur un véhicule à bord duquel se trouvait un bambin qui jouait avec “son arme”.
Des exemples comme ceux-là font légion. “Les enfants ne peuvent pas mesurer les conséquences de leurs actes et ceci peut conduire à des accidents pouvant aller jusqu’à la mort, lorsqu’ils trouvent une vraie arme et qu’ils l’utilisent sans se rendre compte des conséquences”, note un document de l’Unicef.
En attendant leur interdiction et leur remplacement par des jouets éducatifs comme l’avait promis M. Djamel Ould Abbès, ces armes de plus en plus développées commencent sérieusement à inquiéter surtout que leurs conséquences socioculturelles sont très néfastes voire dangereuses.