L’affaire de la vente de villas situées dans d’autres pays par des étrangers, dont des Libanais, par la formule du time-share, interdite en Algérie, suscite à nouveau des interrogations quant la nature des activités des citoyens d’autres nationalités chez nous.
Pourtant, ce ne sont pas les formules légales d’activité qui manquent. Pour preuve, de nombreux ressortissants étrangers n’ont aucun mal à solliciter le Centre national du registre du commerce, lorsqu’ils sont en situation régulière, pour obtenir une autorisation de monter une affaire.
Il n’y a pas d’écueil particulier à ces activités, y compris dans des secteurs protégés ailleurs comme celui du commerce extérieur.
Parmi les 25.548 importateurs en Algérie en 2008, on dénombre 1665 sociétés étrangères pour 52 nationalités.
Des gérants et des directeurs ou des présidents de conseil d’administration sont issus quelquefois de la communauté libanaise. Les Libanais ne sont pas les plus représentés.
Ils sont 5,95% dans ce cas avec 99 sociétés. Ils sont loin derrière les Syriens (16,68% et 261 unités), les Français (14,53% avec 242 unités).
On observe toutefois, que les Libanais se répartissent à travers de nombreuses wilayas comme Alger, Oran, Annaba, Blida, Boumerdès et Tipasa.
Comme si la légalité ne suffisait plus, il n’est pas rare de prendre connaissance d’affaires qui impliquent des Libanais, et pas seulement depuis ces dernières semaines.
Déjà en 2004, les services de sécurité, après avoir mené des enquêtes, avaient découvert un réseau spécialisé dans les vols de câbles électriques et téléphoniques.
Les coupables agissaient pour le compte d’autres personnes qui se chargeaient de les vendre, notamment à des Libanais. On voit alors qu’il n’y a pas de domaine de prédilection pour agir.
Des perquisitions ont permis la récupération à Ouled Ziad, wilaya de Saïda, de 120 kg de câbles téléphoniques et 220 kg de câbles électriques et à Chaïba, de 3200 kg de câbles électriques et téléphoniques ainsi que 615 kg de cuivre.
L’un des coupables a reconnu avoir vendu le cuivre à des étrangers de plusieurs nationalités y compris pour des Libanais et des ressortissants d’autres nationalités.
Ils procèdent ensuite à l’exportation de containers de cuivre rapportant plusieurs milliards de dinars.
Les affaires des exportations des déchets ferreux et non ferreux ont fait couler beaucoup d’encre et ont même fait l’objet d’enquêtes par l’Inspection générale des finances, des douanes, du commerce et des finances.
Le préjudice causé au Trésor public peut être estimé à 1,5 milliard de dollars en six ans. Et les étrangers participent, pour une grande part, à ces formes d’atteinte à l’économie nationale.
En bons commerçants, réputation acquise depuis la nuit des temps, les Libanais ne se concentrent pas seulement sur l’Algérie pour en faire une base leur garantissant des sources de revenus.
Outre l’Algérie, ils font des autres pays africains, notamment de l’Est, des lieux privilégiés pour s’adonner à toutes sortes d’activités.
Une forte communauté du pays du Cèdre s’est installée partout en Afrique. Actuellement, les membres de cette communauté remontent de ces pays pour se diriger vers l’Algérie. Ils viennent du Burkina Fasso.
Globalement, ce flux a fait que cette communauté n’est pas loin de prendre des proportions de plus en plus importantes. Ils seraient près de 3000 Libanais à s’être établis dans le pays à l’heure actuelle.
Les activités illégales des étrangers ne semblent pas constituer une crainte quelconque pour les autorités qui ne réagissent guère à ce genre de comportements.
Nous avons passé une journée entière à tenter de joindre un responsable de la direction des affaires juridiques et consulaires au sein du ministère des Affaires étrangères pour nous renseigner sur cette donne mais en vain.
Doit-on attendre que le phénomène prenne davantage d’ampleur pour qu’enfin il y ait un semblant de réaction ?
Déjà, les réseaux des trafiquants algériens ont pignon sur rue dans plusieurs domaines et une connexion avec des réseaux étrangers ne ferait que multiplier les préjudices.
Les faux billets, la drogue, les transactions immobilières douteuses sont d’autres combines auxquelles ont recours ces populations pour gagner leur vie et avec des moyens pas toujours catholiques.
Même ceux qui rentrent au pays avec des visas ne se gênent plus pour s’adonner à toutes sortes de trafics.
Là aussi, il appartient aux consulats d’Algérie d’enquêter avec beaucoup de rigueur sur les personnes désirant entrer sur le territoire national.
Finalement, ce ne sont pas que les Chinois qui sont mis à l’index par la population à cause de certains de leurs comportements. Dans ce cas, au moins, la différence de culture peut justifier les incompréhensions.
Dans le cas des Libanais, les écarts de certains membres de cette communauté ne peuvent que nuire aux relations restées bonnes et fraternelles entre les deux pays.
D’ailleurs, il n’y a pas qu’une minorité qui s’est bien intégrée au pays. Les restaurants libanais sont, par exemple, de bons ambassadeurs de la culture de ce pays.
Il y a même des banques d’origine libanaise qui se sont installées en Algérie. Les autres ont préféré investir dans le secteur automobile en créant des sociétés de concessionnaires.
De toute façon, la diaspora libanaise a toujours été très forte à l’étranger. Que ce soit dans des pays européens, en Amérique ou dans des pays arabes, comme l’Algérie, les Libanais n’ont trouvé aucune difficulté à poser leurs bagages sur des terres d’accueil afin d’y prospérer.
La maîtrise des langues et des règles du commerce ainsi que leur formation acquise dans des universités prestigieuses ont fini par leur ouvrir plus d’une porte.
C’est ce qui a fait que même la société de l’ex-Premier ministre, Rafic Hariri, a toujours des ambitions de décrocher des projets en Algérie dans le bâtiment.
Toutefois, cela n’exclut pas des risques de résurgence de comportements qui sont loin d’apporter une quelconque valeur ajoutée au pays.
Quelquefois, même si les intentions sont bonnes, il arrive toujours un moment où les mauvaises habitudes finissent par avoir le dessus.
Ce sont les Algériens qui imprègnent alors les étrangers de leurs comportements au point de leur inculquer toutes les ficelles «du métier».
Et ce ne sont pas les filières qui manquent. Les réseaux ne laissent au hasard aucun domaine d’activité.
Ahmed MESBAH