Que doivent porter les Algériennes pour s’adonner aux bains de soleil? Contrairement à ce que l’on croit, ce dilemme se pose, que l’on porte un bikini ou un burkini! Explications…
Aller à la plage est devenu ces dernières années un véritable dilemme pour les Algérien-nes. Que doivent-elles porter pour s’adonner aux bains de soleil? Et contrairement à ce que l’on croit, ce dilemme se pose, que l’on porte un bikini ou un burkini! En effet, des plages publiques de Bab El Oued aux plages et piscines privées, on se rend compte du contraste des pratiques vestimentaires. Deux mondes se sont créés où personne n’accepte l’autre. Gare à celle qui tentera de franchir les frontières établies, les rafales de regards méchants et indiscrets lui feront vite comprendre qu’elle n’est pas la bienvenue. Une sorte d’apartheid volontaire qui a divisé en deux la société algérienne. Une bataille entre l’Orient et l’Occident dont les acteurs sont des femmes algériennes. D’un côté, maillots légers à la brésilienne, robe de plage à la dernière mode, shorty,…On se croirait en Côte d’Azur où à Ibiza! Surtout quand les DJ lancent la musique et qu’elles se trémoussent sans aucun complexe.
Les femmes y viennent seules avec leurs familles ou même des amies. «Je suis pratiquante donc je ne nage pas en maillot de bain, mais en maillot de bain islamique», fait savoir Lamia, médecin de son état. «J’ai été, il y a deux ans dans une plage privée de la capitale. Je suis rentrée à la maison en pleurant, on me déshabillait du regard. J’avais l’impression d’être un véritable ovni», raconte-t-elle choquée, même deux ans après. Fahima, elle, s’est vu renvoyer d’une piscine d’un grand hôtel de l’Ouest du pays. «J’étais pourtant cliente. J’ai payé ma chambre rubis sur l’ongle, mais la direction ne voulait pas me laisser nager en burkini pour, disait-elle, des raisons d’hygiène», rapporte-t-elle. «En «djeba» ou autre vêtement je comprends que ce ne soit pas hygiénique, mais le burkini est fait de la même matière qu’un maillot de bain. Alors je ne comprends pas…», ajoute-t-elle avec colère.
Là où le «mahrem»est obligatoire
De l’autre côté, ce n’est pas mieux question tolérance! Pour ce qui est de l’ambiance, c’est plus en mode «djeba» et burkini où il ne faut pas qu’un centimètre de peau apparaisse. Sinon, c’est le drame assuré! On y vient avec son «mahrem» (tuteur) en «djellaba» qui, malgré le fait que ses femmes soient couvertes de la tête jusqu’au cou, trouve le moyen de les mettre encore plus à l’abri des regards. Ils construisent de véritables camps de toile, qui bouchent la vue aux autres baigneurs, et sont fabriqués en quelques secondes pour y «ranger» les dames. Toute approche de moins de 100 m d’un homme qui n’est pas de la même famille est considérée comme suspecte. On se croirait à Kaboul.
Même des mosquées sont improvisées avec des prières collectives, organisées à même le sable. Ils sortent de l’eau, puis ils mettent une serviette sur le sable, et commencent à prier. «Un jour avec mon mari, on a eu la malchance de se retrouver dans une plage publique de Jijel fréquentée que par les frérots. Quand on a lu plage familiale, on s’est dit que c’était l’endroit rêvé pour nous. Qu’on n’allait pas se faire embêter, surtout que le panorama était magnifique», se souvient-elle. «Au final, on a failli se faire lyncher car je ne portais pas le foulard. Je n’étais même pas en maillot de bain. En cycliste et tee-shirt. Mais il semblerait que cela avait réveillé leur instinct animal», souligne cette dame dont le mari en est arrivé aux mains car l’un deux est venu lui dire «astar mertek» (couvre ta femme). Que dire alors de la mésaventure de Meriama qui était en vacances dans un complexe censé être touristique du côté de cap Djinet (wilaya de Boumerdès).
«Ma petite soeur n’a que 12 ans. Elle nageait en maillot de bain. Ce qui était insupportable pour les autres enfants de son âge qui lui lançaient des pierres. Vous vous rendez compte, des enfants qui font ça!», relate-t-elle. «Moi et ma soeur qui avons la vingtaine, ils nous ont reproché de jouer au beach-volley avec nos frères. Le directeur est même venu voir notre père pour nous signifier cette interdiction. On a vite quitté cet endroit de malades», regrette-t-elle avec amertume. Deux mondes qui s’affrontent, mais qui démontrent la réalité d’une Algérie, non pas divisée pour des raisons sociales, mais par des convictions religieuses…
Les plages de la tolérance
Heureusement qu’au milieu de tout ce tralala, on trouve des plages de la tolérance où les deux Algérie se côtoient sans aucun problème. On cite celle des Canadiennes et du Kadous à Aïn Taya, celles de l’Ouest ou encore celle de la Kabylie maritime. C’est un monde de «bisonours» où peu importe le maillot de bain qu’elles choisissent, les Algériennes profitent sans complexe des délices de la mer. Une vraie leçon de tolérance. Hommes, femmes et enfants se pavanent tranquillement dans une ambiance bien de chez nous. Ils peuvent profiter avec l’esprit tranquille de la beauté de leur contrée. Et ils ne se font pas prier! Ici, pas de places aux discours radicaux prônés par les deux extrêmes de la société! Des deux côtés, on semble accepter l’Autre. L’obsession et le déni laissent place au bon vivre ensemble. Tout le monde se mélange et chacun accepte l’Autre sans que cela ne puisse choquer ni l’un ni l’autre. «Djellaba» et maillot deux-pièces se côtoient dans ces plages de l’Algérie plurielle. On est agréablement surpris par cette Algérie de l’ordre amoureux (ordo amoris), tolérante et ouverte à l’altérité où l’islam est oecuménique, démocratique, en un mot, post-moderne.
Un pays, loin de l’obscurantisme, pluraliste et tolérant. Une Algérie où le bout de tissu avec lequel va se baigner la femme n’est pas l’objet de toutes les polémiques, taxée comme un objet responsable de tous les maux du pays. C’est l’Algérie que l’on rêve de voir. Celle où tout ce beau monde vit en totale harmonie, comme de vrais frères, malgré les différences idéologiques qui les séparent. Et heureusement, il n’est pas aussi difficile que cela de la trouver. Faut juste aller aux plages de l’espoir et de la tolérance…