Cheikh Abdelghani Bouchiba 1903 -1957 : Une résurrection de l’oubli

Cheikh Abdelghani Bouchiba 1903 -1957 : Une résurrection de l’oubli

Cheikh Abdelghani Bouchiba qui a été lâchement assassiné le 5 Janvier 1957 à Saint-Eugène (Bologhine) par la sinistre et sanguinaire «Main rouge»

Hélas, une grande figure populaire de l’âge d’or de la chanson chaâbie est encore happée par les affres hideuses de l’oubli.

C’est celle de cheikh Abdelghani Bouchiba natif de «Zoudj aâyoun» à la Casbah le 24 mars 1903, qui, très jeune, a connu l’éveil lyrique à la mélodie et aux délices de la poésie.

Celà à une étape charnière de notre histoire marquée par l’épreuve dévastatrice d’une colonisation française de peuplement, dont les fondements politiques s’articulaient sur une insidieuse entreprise de déculturation d’un peuple, viscéralement attaché à ses valeurs civilisationnelles et identitaires ancestrales.

C’est dans ce contexte de résistance culturelle, d’éclosion poétique d’une verve expressive que la chanson a impulsé le sentiment national à travers ses vecteurs stimulants d’engagement et de mobilisation populaires.

L’adolescence et la jeunesse de cheikh Abdelghani Bouchiba ont baigné dans cette atmosphère d’avant-garde nationaliste pour découvrir un univers qui l’a séduit à l’écoute et à l’inspiration méditative de la prestigieuse école de l’apôtre du med’h et du aâroubi, incarnée par le monumental cheikh Mustapha Nador.

A cette source lumineuse, il acquiert les prémices du savoir et de l’art musical prodiguées par ce providentiel artisan de l’avènement de la chanson chaâbie pour prendre l’envol d’une trajectoire qui le mènera au succès avec le talent affirmé et très apprécié qui fut le sien.

Les envolées incantatoires de «h’nana» tendresse d’âme de ses «sebouhiates», les traditionnelles louanges de panégyriques spirituels chantées à l’aube naissante d’un évènement heureux, transposaient ainsi dans l’extase boréale des assistances captivées d’adeptes et de fins connaisseurs de l’univers spatio-temporel du patrimoine «chaâbi».

C’est ainsi qu’il a été revisité avec bonheur et émotion, en présence d’une très nombreuse affluence composée de jeunes et de son fils unique El Hadi aujourd’hui âgé de 81 ans à la faveur de la récente commémoration du 60ème anniversaire de la mort de Hadj M’rizek, organisée par l’Assemblée populaire communale d’Alger -Centre et l’Association des amis de la Rampe Louni Arezki Casbah à la salle de cinéma «Echabab ex-Casino» le 28 mars dernier.

C’est en cette circonstance qu’un témoignage a révélé les derniers instants d’intimité de la vie de Hadj M’rizek maître absolu du «hawzi».

Ce dernier, malade et très souffrant, a dans un ultime geste d’affection à ses admirateurs confié les dernières soirées qu’il devait animer à cheikh Abdelghani Bouchiba qui était également un de ses proches amis.

Celui-ci a promptement exhaussé le voeu de l’illustre disparu, en l’honorant d’une solennelle et pieuse pensée à travers des concerts de chants du répertoire M’rizekien qu’il a magistralement interprété après sa mort en une fidélité de serment, de reconnaissance et de gratitude à l’endroit de ce symbole culturel emblématique de tous les temps.

Les chaleureuses soirées qu’il a animées à Alger et dans les douérates de la Casbah ont laissé une empreinte indélébile pour être remémorées par des témoignages vivaces de ceux qui, à l’époque, étaient les hôtes de liesses et de fêtes dont le souvenir est ancré à ce jour en leur pensée.

Pour compléter cette évocation, il y a lieu de rappeler que le sort tragique ait voulu que cheikh Abdelghani Bouchiba soit lâchement assassiné le 5 Janvier 1957 à Saint-Eugène (Bologhine) par la sinistre et sanguinaire «Main rouge» des services secrets de l’armée française pour rejoindre à l’éternité son compagnon de toujours Hadj M’rizek à l’âge de 54 ans.

Cette rétrospective se veut être un ressourcement mémoriel pour la réappropriation de fragments épars de notre patrimoine à extirper du phénomène dégradant de l’oubli et à transmettre à la jeunesse dépositaire légitime du legs générationnel de la culture algérienne.