Dix-sept ans sont déjà passés du décès de Cheikha Remitti, qui a rendu l’âme le 15 mai 2006 à Paris. Elle est pionnière de la musique algérienne, une femme libre qui a révolutionné cette dernière en enfantant un genre entre tradition et modernité, le raï.
Dans un entretien accordé à Middle East Eyes et à l’occasion du 17e anniversaire de la disparition de Cheikha Remitti, l’anthropologue française Marie Virolles dresse le portrait de « la mère du raï » qui a vécu et consacré sa vie à son art et son public.
Cheikha Remitti, la femme qui a révolutionné la musique algérienne
Pour cette anthropologue française qui a rencontré, 1990, la Cheikha Remitti pour son livre « La Chanson raï, de l’Algérie profonde à la scène internationale », cette artiste compte parmi les pionnières qui ont permis au raï de dépasser les frontières algériennes et d’aller à la conquête de la France et du monde.
Née Saadia Bedief, elle est l’enfant de Tessela près de Sidi Bel Abbess, qui a vécu dans la misère avant de décider de rejoindre un groupe de musiciens nomades. Elle se produit alors dans les mariages, ou elle gagne son surnom de Remitti, qui vient de « remettez » en français.
En 1978, elle quitte l’Algérie pour s’installer à Paris, où elle tente sa carrière dans les cafés communautaires. Le festival du Rai de Bobiny était l’occasion pour Remitti de donner une autre impulsion à son art. Une opportunité que l’artiste a saisie pour se produire et dévoiler son talent pour un nouveau public. Quelques années plus tard, elle décroche le grand prix du disque de l’Académie Charles-Cros, association de défense de la diversité musicale. Et ce grâce à son album « Nouar » sorti en 2000. Remitti a donné son dernier concert avec Khaled au Zénith de Paris, deux jours avant son décès.
Marie Virolle : « la Cheikha Remitti était une féministe en âme et en parole »
Pour Marie Virolle, qui décrit la Cheikha Remitti comme une femme traditionnelle et exceptionnellement moderne », la « mamie du raï » était une femme qui se permettait d’être libre, sa pratique de l’Islam lui a permis de vivre dans une harmonie relative.
L’anthropologue française souligne également que Cheikha Remitti, qui comptait près de 200 chansons, a fait du raï une occasion pour se permettre de respirer en dehors de toutes les frustrations de la société. Remitti était une femme qui ne se laissait pas marcher sur les pieds, elle imposait sa pensée et défendait ses principes. De part son vécu, en étant d’abord une orpheline, mais surtout placée parmi les catégories sociales les plus dominées, elle connaissait la souffrance des femmes algériennes et du Maghreb.
« Cheikha Remitti était une féministe en âme et en parole, elle l’était aussi par son art et sa conduite », a fait savoir Marie Virolle. À travers ses textes, elle défendait le sort et la condition féminine de sa génération. C’est ce qui fait que beaucoup d’Algériens sont et restent admiratifs face à cette figure emblématique de la chanson algérienne.
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