Le rapport des experts de l’Organisation des Nations unies qui ont enquêté sur le massacre du 21 août dans les environs de Damas, en Syrie, a clairement apporté les preuves de l’utilisation de sarin imputable, selon Paris, Londres et Washington, au régime de Bachar Al-Assad. Un article du Guardian revient sur l’histoire de cette substance chimique – liquide en dessous de 150 °C, gaz au-dessus –, inventée dans un laboratoire de l’Allemagne nazie.
A l’origine, des chimistes planchaient sur la fabrication d’insecticides. En 1938, ils tombèrent sur la « substance 146 », bien plus létale que le cyanure, d’une efficacité redoutable pour ébranler le système nerveux. Répondant au nom chimique d’isopropyl methyl fluorophosphate, elle fut rebaptisée « sarin », en prenant quelques lettres au nom de chacun des quatre chimistes qui l’inventèrent. L’un d’eux, Otto Ambros, fut condamné pour crime de guerre au procès de Nuremberg, mais, libéré au bout de quatre ans d’emprisonnement. Il rejoignit les Etats-Unis, où il servit au programme de recherche d’armes chimiques. Ainsi, si l’armée allemande n’utilisa jamais de sarin pendant la seconde guerre mondiale, les Etats-Unis, la Russie et la Grande-Bretagne s’y intéressèrent de près pendant la guerre froide. Non sans en payer le prix : en 1953, un test de sarin sur un jeune chimiste se solda par sa mort.
En effet, si le sarin n’est pas si difficile à fabriquer, il l’est bien plus « sans se tuer soi-même », relève le journaliste du Guardian. Sa concoction nécessite donc des compétences techniques, du matériel et des précautions de sécurité rigoureuses. L’un de ses ingrédients, le dichlorure methylphosphonyl, est soumis à de fortes restrictions par la convention sur les armes chimiques. Et, depuis le conflit syrien, les pays occidentaux ont entrepris de bloquer leurs exportations de tels produits chimiques vers la Syrie. Mais le pays en avait déjà accumulé assez, relève leGuardian, qui rappelle que la Grande-Bretagne a livré, entre 2004 et 2010, quatre tonnes de fluorure de sodium à la Syrie, un autre composant du sarin.
L’article du Guardian revient également sur les terribles effets du sarin, qui, dénué d’odeur, de goût et de couleur, pénètre le corps par les poumons, les yeux et la peau. A côté de l’irritation des yeux, de l’aveuglement, des vomissements et autres troubles, il bloque dans le système nerveux une enzyme permettant de contrôler les muscles, provoquant ainsi des convulsions et, phase finale, bloquant la respiration. Une gouttelette de cette substance peut tuer en une à dix minutes, dit le Guardian.
Le quotidien britannique rappelle finalement que la principale attaque au sarin fut celle perpétrée par Saddam Hussein en 1988 contre les Kurdes du nord de l’Irak. Cinq mille personnes y perdirent la vie en deux jours. Cinq ans plus tard, cent soixante-deux pays signaient la convention sur les armes chimiques, s’engageant dans un processus, aussi long que coûteux et dangereux, de destruction de leurs armes chimiques. La Syrie n’en faisait pas partie, mais a demandé, au début de septembre, à rejoindre la convention. Et aura, si elle applique l’accord russo-américain, qui devrait se traduire par une résolution de l’ONU dans les prochains jours, à se lancer elle aussi dans la destruction de son arsenal chimique.