Chirurgie esthétique : Les Algériens de plus en plus soucieux de leur image

Chirurgie esthétique : Les Algériens de plus en plus soucieux de leur image

Une des conséquences de l’ouverture médiatique de la société algérienne est cette tendance croissante de recourir aux miracles de la chirurgie esthétique, qui, il n’y a pas si longtemps, était un sujet tabou.

Aujourd’hui, la médecine esthétique et la notion du mieux-être connaissent un engouement sans précédent car les Algériens sont de plus en plus soucieux de leur image. Sur ce sujet, des professionnels ont eu l’amabilité d’éclairer un peu plus les lecteurs du Jour d’Algérie.

Pour le docteur Ahcène Madjoudj, qui pratique depuis 20 ans la chirurgie esthétique et plastique, «la chirurgie esthétique est une discipline médicale qui engage le médecin envers son patient. Chaque patient est unique et une recommandation pour un patient ne s’applique qu’à lui seul». «C’est une chirurgie de mieux-être non indispensable mais pour laquelle il faut prendre plus de précautions», a-t-il ajouté.

A ce titre, le spécialiste affirmera que la demande de cette pratique en Algérie «bien que saisonnière, ne s’est jamais tarie». Il reconnaîtra que la médiatisation de la discipline est récente.

Selon lui, l’intérêt pour cette médecine n’est pas l’apanage des femmes qui sont majoritaires lors des consultations, mais les hommes, les vieux et jeunes sont tout aussi séduits par cette pratique. «C’est en général une clientèle familiale. C’est par exemple, une mère qui a été traitée chez nous qui emmène sa fille ou sa sœur».

L’esthétique en Algérie n’est pas encore une chirurgie de caprice

Ainsi, le Dr Madjoudj expliquera que pour les femmes, la demande est essentiellement concentrée sur les liftings du visage, les liposuccions et les augmentations ou réductions mammaires.

Quant aux hommes, c’est en général la génicomastie (problème de gros seins chez l’homme), lifting du visage et les rhinoplasties qui sont le plus demandés. Cela étant, le plasticien soutiendra qu’en Algérie la chirurgie esthétique «n’est pas une chirurgie de caprice. Nous n’en sommes pas encore là ».

La chirurgie réparatrice, pour le spécialiste, consiste à réparer les organes mutilés suite à un accident, à une brûlure ou à une maladie congénitale. Soulignant que dans ce contexte «la frontière entre la chirurgie esthétique et réparatrice est minime», citant le cas de l’hypertrophie du sein à titre d’exemple.

Toutefois, il dira que pour les deux types de chirurgie, «nous sommes tenus par plus de sévérité et de rigueur à travers l’obligation de moyens et de la technicité». Dans la clinique où il exerce, l’acte chirurgical et le suivi post opératoire sont exclusivement pratiqués par les soins du docteur Madjoudj lui-même, assisté par un staff médical compétent.

A la question de savoir s’il est tenu par le résultat escompté par le patient, le docteur affirmera qu’au préalable «une consultation est obligatoire afin d’expliquer aux patients, qui souvent viennent avec des idées préconçues, l’apport de l’acte chirurgical et les risques qui en découlent après avoir déterminé le type d’intervention s’il y a lieu et suite à cela, déterminer les honoraires».

Ensuite, un délai de réflexion leur est accordé au bout duquel l’accord de pratiquer l’intervention est donné. Là, le patient s’engage pour un résultat. Il est essentiel, selon le médecin, que les patients comprennent que modeler un corps humain est tenu par des impératifs physiologiques que la chirurgie ne peut pas contourner.

Pour ce qui est des tarifs, le Dr Madjoudj, sans aller dans les détails, affirmera que ces derniers sont déterminés selon le type d’intervention, soutenant que «la consultation est de 1 000 DA. Pour les interventions, nos tarifs sont beaucoup plus bas que ceux pratiqués dans les pays voisins».

Pour une structuration et une réglementation de la profession

Par ailleurs, le plasticien déplorera qu’à défaut d’une structuration de la profession en Algérie, des pays voisins, particulièrement la Tunisie qui «cible le public algérien grâce à un marketing via des agences de voyages spécialisées dans le tourisme. Bien souvent les Algériens qui s’y rendent subissent des interventions sans aucune préparation, sans connaître la compétence du médecin. Et dans la plupart des cas, ils reviennent en Algérie pour réparer les dégâts».

A ce propos, le Dr Madjoudj regrette que la médecine esthétique ne soit pas incluse dans l’enseignement de base de la médecine en Algérie. «La chirurgie plastique souffre davantage d’un problème structurel que professionnel», affirmera-t-il, ce qui, d’après lui, isole quelque peu ces plasticiens qui ont réussi à se former à l’étranger.

C’est une chirurgie facile, qui peut rapporter gros, mais qui peut aussi causer de gros problèmes

Quant au docteur Mohamed Bekkat, président du Conseil national de l’Ordre des médecins, la chirurgie esthétique n’est pas une science parfaitement définie. En Algérie, elle n’est pas dispensée en tant qu’enseignement permettant d’obtenir des diplômes ou des équivalents dans les universités, déplorera t-il. Sur ce point, il dira que «nous sommes en décalage avec les pays voisins».

«Nous avons demandé aux autorités pour qu’il y ait un enseignement de cette spécialité dans les universités pour assurer une formation diplômante et qualifiante. Mais sans doute pour des raisons de priorité notre demande n’a pas reçu d’écho». Il existe en Algérie une société de chirurgie et de médecine esthétique qui regroupe des médecins esthéticiens formés à l’étranger.

En outre, le Dr Bekkat insistera pour distinguer la chirurgie esthétique de la chirurgie réparatrice. La première «n’est pas une chirurgie obligatoire, c’est un contrat entre le patient et le chirurgien».

D’ailleurs, soulignera t-il, «c’est le seul métier de la médecine qui est tenu par l’obligation de résultat». Précisant qu’«elle répond au désir des personnes ayant certaines disgrâces anatomiques ou congénitales qui ne les empêchent cependant pas de vivre normalement.

Ces personnes veulent changer d’apparence, par exemple réduire les rides ou les bourrelets graisseux, remodeler les seins, le nez ou les paupières, affiner la silhouette». «C’est une chirurgie facile, qui peut rapporter gros, mais qui peut aussi causer de gros problèmes», lancera-t-il.

En effet, si la personne n’est pas satisfaite du résultat obtenu après l’acte chirurgical, elle est en droit de porter l’affaire en justice et d’ester le chirurgien devant les tribunaux. Il faut savoir que, selon lui, la chirurgie esthétique n’est ni réglementée ni reconnue par les lois régissant la santé publique.

La chirurgie réparatrice quant à elle, est pratiquée dans les hôpitaux dans les services maxillo-facial, selon le président du Conseil de l’ordre des médecins. On corrigera par exemple le nez d’un patient qui a un problème anatomique, telle la déviation de la cloison nasale qui engendre véritablement des problèmes respiratoires.

En raison de l’affluence des Algériens vers la chirurgie esthétique, organiser et réglementer cette discipline est plus que nécessaire afin d’assurer de meilleures conditions de traitement pour les patients et lutter contre la clandestinité de ce métier.

Lynda N.Bourebrab