Chorégraphie : Vigoureusement expressive !

Chorégraphie : Vigoureusement expressive !

Constat n La danse contemporaine, telle qu’elle est pratiquée en Algérie, diffère de la façon dont elle est exercée ailleurs.

Le Festival international de danse contemporaine d’Alger, dont la 7e édition s’est déroulée du 17 au 22 décembre, témoigne de cette différence.

Si les compagnies étrangères basent leur travail de création sur la recherche et la réflexion, les chorégraphes algériens structurent, quant à eux, les chorégraphies autour du physique.

Autrement dit, et du premier coup d’œil, ce qui ressort de leur jeu vivace, c’est bien l’expression du corps dans son intensité, voire dans sa virilité la plus brute ; le corps, au relief saillant, transpirant, luisant sous la lumière, s’impose sur scène avec force et insistance.  Les danseurs, torse nu, laissent paraître leur musculature saillante : abdos, pectoraux,  biceps et triceps…

Tout leur jeu est construit sur l’apparence. Toute leur expression corporelle tient de ce besoin de montrer leur muscle dans une expression démonstrative, comme si les danseurs cherchent à séduire et, par moments, à plaire et à paraître. Il se trouve toutefois que dans cette musculature pure, dans cette expression virile et originelle, on peut déceler, ressentir de la tendresse et de la sensibilité. Ce corps aux courbes proportionnelles, aux formes proéminentes recèle une sensualité lascive, exprimée qu’à travers la gestuelle et de la façon dont celle-ci est célébrée ; des gestes subtils et adroits.

Les danseurs — comme ceux des troupes de Sidi Bel-Abbès, de Aïn Defla… — ont une maîtrise certaine de leur corps, et à travers ce jeu musclé et viril, ils rivalisent de talent et d’expressivité corporelle. Tous, l’instant d’une performance, ont fait preuve de chorégraphie tout en mouvement.

Et force est de constater que le mouvement se tient au centre de leur jeu, il fait l’objet même de leur création chorégraphique ; le mouvement, qui a du caractère et du volume, de la vigueur revêt une tournure acrobatique, puisque les danseurs puisent leur inspiration dans la culture urbaine.

En effet, la culture urbaine constitue dans ses différentes déclinaisons le matériau de leur création, le moteur de leur jeu qui, massif, se dévoile dans son naturel et son originalité.

Par ailleurs, dire que les pièces chorégraphiques des troupes algériennes sont seulement basées sur le physique, que leur travail ne comporte pas de réflexion et sont en conséquence dépourvues de recherche, c’est à coup sûr faire injustice à leur talent, c’est ignorer leur effort créatif, c’est nier leur sensibilité artistique — d’ailleurs, toute leur expression corporelle tient de l’artistique.

C’est juste que les chorégraphes mettent en avant et de façon accentuée le corps dans tous ses états, dans ce qu’il a de plus saillant et de plus sculpté. Pour ceux qui, semble-t-il, privilégient plutôt la forme que le fond — celui-ci est néanmoins décrit et s’exprime en filigrane —, le corps relève d’une figure poétique, un modèle d’esthétique qu’il ne faut pas négliger, qu’il faut mettre en évidence artistiquement, qu’il faut s’employer à travers ses pulsations à en faire quelque chose de sensible, de profondément ressenti.

Yacine Idjer