Coup de théâtre au Qatar: le cheikh Hamad ben Khalifa Al Thani a abdiqué hier au profit de son fils. Un geste plutôt rare dans le monde arabe. Le dirigeant de ce petit pays n’en est cependant pas à son premier geste audacieux. Voici cinq choses à savoir sur cette dynastie à la tête de l’État le plus riche de la planète
Une famille qui s’entredéchire
La famille dirigeante du Qatar a connu des turbulences internes marquées par les coups d’État. Hamad a lui-même déposé son père, l’émir Khalifa, en 1995. «Il a peut-être un traumatisme d’être renversé à son tour», suggère Sami Aoun, politologue spécialiste du Moyen-Orient pour expliquer l’abdication soudaine du cheikh Hamad. «Le cheikh pense sûrement que la période est propice, car il peut encore garantir une succession paisible en restant influent», poursuit F. Gregory Gause, du Brookings Doha Center, professeur de sciences politiques à l’Université du Vermont. Officiellement, Hamad dit vouloir ouvrir un nouveau chapitre pour le Qatar avec une nouvelle génération au pouvoir.
Cheikh Hamad, le père du Qatar Bling Bling
L’exploitation des importantes ressources de gaz naturel, soutenue par Hamad, a permis au Qatar et ses 2 millions d’habitants de s’enrichir. «Il a fait prospérer le Qatar à un niveau jamais vu avec le plus haut revenu per capita au monde», indique M. Gause. Cet argent a servi à créer une image de marque avec des immeubles d’envergure dans la capitale, Doha, avec la Cité de l’Éducation, ce centre de recherche qui accueille plusieurs campus universitaires américains, ou encore avec la Coupe du monde de football, qui s’y tiendra en 2022.
Hamad, le diplomate
Hamad a fait du Qatar un acteur majeur de la diplomatie du Moyen-Orient. «Le conflit libyen, libanais, syrien… il n’y a pratiquement aucun conflit dans la région dans lequel le Qatar ne s’est pas impliqué», précise M. Gause. Hamad et son premier ministre, cheikh Hamad Ben Jassem Al-Thani, sont aussi les pères du réseau Al-Jazeera, qui s’est fait l’écho des soulèvements du Printemps arabe. «Le réseau a comblé un vide et ouvert un débat public dans le monde arabe, malgré le populisme et la démagogie», croit M. Aoun.
Cheikh Tamim: le sport comme arme de séduction
À 33 ans, le cheikh Tamim devient le plus jeune dirigeant du monde arabe. Il est le fils de la deuxième épouse du cheikh, l’influente cheikha Moza. Il a été nommé prince héritier en 23 ans et a étudié dans les meilleures écoles militaires de Grande-Bretagne. Tamim s’est depuis impliqué dans l’appareil étatique et a acquis ses lettres de noblesse avec l’obtention de la Coupe du monde de football et la candidature de Doha aux Jeux olympiques de 2020. C’est également lui qui a piloté l’achat du club de soccer le Paris Saint-Germain.
Cheikh Tamim, le point d’interrogation
Il est difficile de savoir quel genre de leader sera Tamim, qui a grandi dans l’ombre de son père «C’est un point d’interrogation, affirme M.Gause. La question est de savoir s’il a autant d’ambition que son père, ce qui ne sera pas facile à assumer, car on se fait des ennemis lorsqu’on se jette à pieds joints dans le jeu de la politique étrangère.» M. Aoun ne croit pas que ce changement de garde marquera une rupture. «Il continuera de jouer sur l’alliance avec les Américains [qui ont une base militaire au Qatar], tout en appuyant les islamistes du Printemps arabe.»