Bouteflika recevra-t-il cette fois-ci l’émissaire de Sarkozy ? La visite annoncée du secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, le 20 juin prochain à Alger serait-elle le prélude à une relance des relations politiques algéro-françaises minées ces dernières années par les éternelles polémiques mémorielles ?
S’il est bien prématuré de s’avancer sur ce terrain tant que l’on ne sait pas encore si l’émissaire de Sarkozy sera reçu ou pas par le président de la république. Dans le cas où le chef de l’Etat accordait une audience au SG de l’Elysée, on pourra dire que les deux parties ont l’intention de dépasser la brouille qui plombe les rapports politiques entre les deux capitales.
Car, et il est utile de le rappeler, la dernière fois que Claude Guéant était venue à Alger, flanqué d’une cohorte de responsables de l’Elysée, les choses ne s’étaient pas passées comme le voulait la partie f rançaise. Bouteflika, encore sous le choc de la déclaration faite quelques jours auparavant par le chef de la diplomatie française, Bernard Kouchner, sur l’avenir des relations entre les deux pays, avait tout simplement refusé de recevoir la délégation conduite par l’émissaire de Sarkozy.
Et c’est f inalement le Premier ministre Ahmed Ouyahia qui a été chargé de recevoir tout ce beau monde pour lui exprimer toute la déception d’Alger sur la sortie médiatique de Bernard Kouchner qui avait conditionné l’amélioration des relations entre les deux pays par le départ du pouvoir de la » génération des anciens combattants de la guerre » de libération, comprenez les anciens moudjahidines.
Cela a suff it pour envenimer encore les rapports bloqués entre les deux pays depuis l’épisode de l’arrestation du diplomate algérien Mohamed Ziane Hasseni, accusé d’implication dans l’assassinat de l’opposant Ali Mecili. En sus, le débat enclenché en France sur la galéjade de l’identité nationale avait viré à un procès en règle contre l’émigration, notamment algérien dans l’Hexagone.
D’un autre côté, la relance de la polémique sur la mort des moines de Tibhirine et la prétendue implication de l’armée algérienne n’étaient pour ainsi dire des signes allant dans le sens de l’apaisement pourtant souhaité par la société civile et les acteurs économiques. Elément encore plus pesant dans le pourrissement que connaissent les relations entre les deux pays, cette initiative française de classer l’Algérie dans la liste des pays à risque.
Cette situation a poussé les autorités algériennes à durcir davantage le ton dans le débat sur les crimes commis par l’armée coloniale durant la présence française en Algérie. Les relations en sont restées là jusqu’à ce déplacement surprise du président Boutef lika à Nice pour le sommet France-Afrique.
Le chef de l’Etat qui répondait favorablement à une invitation de son homologue français fait donc le choix de l’apaisement. S’ensuivit cette accolade bien appuyée entre les deux présidents et cette déclaration perçue presque comme une supplication de Sarkozy à l’adresse de Bouteflika : » Je t’en prie, viens… « .
Cette ambiance était peut-être annonciatrice d’une détente, mais, faut-il le dire, les rapports sont encore trop froids pour pouvoir rapidement avancer dans ce sens là. En envoyant Guéant, son plus proche collaborateur à l’Elysées, Sarkozy espère certainement prof iter de la nouvelle situation née du déplacement de Bouteflika à Nice pour tenter ce qui s’apparente à une redynamisation des relations entre les deux rives.
C’est sans aucun doute dans cette perspective que s’inscrit la visite annoncée de Claude Guéant en Algérie. Le sort qui sera réservé par la partie algérienne à ce déplacement nous renseignera de manière plus précise sur l’avenir des relations entre Alger et Paris.
Abdelkader Bachiri