Huit mois après, seuls 25 pays représentant 2% des émissions mondiales ont ratifié le texte issu de la COP21. De quoi inquiéter son ancien président Laurent Fabius, qui s’en émeut publiquement. La Chine et les Etats-Unis peuvent-ils changer la donne à la veille du prochain G20 ?
Devant l’urgence de la situation, Laurent Fabius redonne de la voix sur la COP21. Fort de son aura d’ancien président d’une conférence couronnée du succès de l’Accord de Paris, le Président du Conseil constitutionnel, qui a dû abandonner son siège à Ségolène Royal lors de sa nomination, lance un cri d’alarme. Dans une interview accordée au Monde, il alerte sur l’urgence climatique qui s’emballe et la nécessité de ratifier au plus vite l’Accord adopté en décembre dernier. La litanie des signes de cet emballement et de ses conséquences dramatiques s’allonge chaque jour un peu plus : records de chaleur battus pour la troisième année consécutive, réapparition de l’Antrax en Russie suite à la fonte du permafrost, inondations en Louisiane, sécheresse et incendies en Californie, coupures d’électricité sur la côte Est américaine suite aux températures caniculaires, etc.
Entretenir un climat de confiance à Marrakech
Mais, près de 9 mois après qu’il a, d’un coup de marteau, mis un terme à treize jours et nuits de négociations, Laurent Fabius ne peut que constater la lenteur avec laquelle les pays s’acquittent de leur ratification. Certes, le 22 avril dernier à New York, en présence de François Hollande et Ségolène Royal, plus de 130 pays (sur les 195 parties qui composent la Conférence des Parties – COP) avaient fait le déplacement à l’ONU pour le signer. Depuis, le compteur a atteint 180 Etats signataires. Mais ce ne sont que des préambules à la ratification elle-même. Pour que l’Accord de Paris puisse entrer en vigueur, il faut que 55 pays au moins, responsables de 55% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, l’aient ratifié. Certes, cet accord devant prendre le relais de celui de Kyoto en 2020, en théorie rien ne presse. Mais les acteurs de la COP21 et la présidence marocaine de la COP22, tout comme les Nations unies ou encore la communauté scientifique au chevet du climat, misent sur une ratification nettement plus rapide. Idéalement, la France et le Maroc souhaiteraient que l’affaire (le quorum des 55 pays/55% des émissions mondiales) soit entendue avant la COP22 qui se tient à Marrakech du 11 au 18 novembre. Cela serait nettement plus en ligne avec la volonté du Maroc de faire de cette conférence celle de l’action et avec la nécessité maintes fois réaffirmée d’entretenir le climat de confiance et de solidarité qui semblait s’être dégagé de la COP21, notamment entre pays du Nord et pays du Sud.
L’Europe enlisée dans un processus complexe
Si Laurent Fabius reprend sa casquette de Monsieur climat, c’est qu’aujourd’hui, le compte n’y est pas. Loin s’en faut. 24 pays, représentant à peine plus de 3% des émissions mondiales ont à ce jour ratifié l’Accord. C’est le cas de la France. Mais si François Hollande s’est plié à l’exercice le 15 juin, ce geste n’a d’autre poids que symbolique. En effet, l’Accord doit avoir préalablement été ratifié par l’Europe (9% des émissions mondiales), c’est-à-dire que les 28 aient déposé conjointement leurs instruments de ratification auprès des Nations unies. Mais les pays gros consommateurs de charbon (Pologne en tête, mais aussi Tchéquie ou Slovaquie) ne sont pas pressés. Aussi, bien que Ségolène Royal, en tant que présidente en exercice de la COP, n’ait pas ménagé sa peine pour convaincre ses homologues européens, l’Union pourrait bien faire figure de mauvais élève à la veille de la COP22. La difficulté de parvenir à un accord sur la répartition de l’effort devant permettre à l’Union européenne d’atteindre son objectif de réduction de ses émissions de 40% (par rapport à 1990) à l’horizon 2030, qui se déroule en parallèle, ne facilite pas les choses.
Parmi les grands pays, le Brésil devrait ratifier l’accord de façon imminente mais l’Inde, la Russie ou le Japon, qui viennent juste derrière la Chine, les Etats-Unis et l’Europe en matière de poids dans les émissions mondiales, n’ont pas encore annoncé leurs intentions.
La menace républicaine aux Etats-Unis
Les choses pourraient bouger à l’occasion du G20 qui se tient les 4 et 5 septembre à Hangzhou (Chine). Les investisseurs regroupés au sein du IIGCC (Institutional Investors Group on Climate Change), qui gère 13 000 milliards de dollars d’actifs, ont en effet adressé à tous ses membres une demande de ratification de l’Accord de Paris dans les meilleurs délais. De leur côté, des assureurs pesant 1200 milliards de dollars les pressent de présenter leurs feuilles de route pour cesser d’ici à 2020 leurs subventions aux énergies fossiles, principales responsables du changement climatique.
Il se murmure que les Etats-Unis et la Chine, responsables à eux deux de 42% des émissions mondiales, ajouteront leurs voix à ces requêtes pour faire pression sur leurs partenaires. Bien que la Maison blanche se soit refusée à toute confirmation, les rumeurs affirmant que les deux pays pourraient même s’exprimer conjointement sur leur ratification à la veille du G20 se font de plus en plus insistantes. C’est d’ailleurs ce qu’ils avaient déjà fait en amont de la cérémonie à l’ONU le 22 avril.
A quelques semaines de la fin de son mandat, Barak Obama, que le texte issu de la COP21 exempte a priori de l’accord du Congrès, entend laisser sa marque dans la protection de l’environnement. Quoi qu’il en soit, le plus grand doute plane sur l’avenir de l’Accord de Paris dans le cas d’une victoire républicaine. En effet, Donald Trump reniant le rôle des activités humaines dans le changement climatique, il a d’ores et déjà annoncé son projet de faire annuler l’Accord de Paris