Les députés et sénateurs, mis sous pression par le gouvernement, ont expédié au pas de charge des textes de loi pourtant décisifs quant à l’avenir du jeu politique et institutionnel.
La session parlementaire de printemps arrive à son terme aujourd’hui jeudi, jour où elle sera clôturée, selon le rituel protocolaire d’usage. Un parfum de nostalgie planera certainement sur les hémicycles de l’APN, puis du Conseil de la nation au moment où les parlementaires quitteront leurs sièges, car ce sera bien la dernière du genre.
La nouvelle Constitution adoptée en janvier 2016 instaure une session unique alors que jusque-là, les deux Chambres du Parlement ont fonctionné sur une saisonnalité de deux sessions, l’une de printemps et l’autre d’automne. En effet, l’article 118 de la nouvelle Constitution stipule que “le Parlement siège en une session ordinaire par an, d’une durée minimale de dix mois. Celle-ci commence le deuxième jour ouvrable du mois de septembre”. Au-delà de cet aspect, somme toute anecdotique lié à la périodicité, cette session aura été caractérisée par la densité de son agenda.
En effet, les parlementaires des deux Chambres ont été soumis à une cadence menée au pas de charge pour expédier d’abord le passif hérité de la précédente session.
On peut citer pêle-mêle, à ce propos, la loi portant règlement budgétaire 2013, le code pénal, la procédure d’identification de l’empreinte génétique, l’organisation de la fonction de commissaire-priseur, le code des investissements, la lutte contre la contrebande, de la promotion de l’investissement et du développement de l’entreprise… Des projets de loi qu’on peut considérer comme techniques.
Mais il y a eu du “lourd” avec les fameuses lois organiques découlant de la nouvelle Constitution de 2016. Il s’agit en substance, du nouveau régime électoral, la Haute instance indépendante chargée du suivi des élections, l’organisation des relations entre les deux Chambres parlementaires, l’obligation de réserve pour les militaires en retraite, les mesures pour l’amélioration du climat des affaires. “Le gouvernement aura à s’atteler avec diligence et avec le concours du Parlement à préparer et faire adopter les lois qui découleront de cette révision constitutionnelle”, avait, pour rappel, insisté le président Bouteflika lors du Conseil des ministres consacré à la révision de la Constitution. Mais en l’occurrence, les députés, ayant visiblement mal compris le sens du mot “diligence”, ont confondu entre vitesse et précipitation. Le débat sur des lois d’une telle importance, qui reconfigurent le jeu politique et le fonctionnement institutionnel aurait été sans doute plus fécond s’il avait pris un surcroît de temps.
D’autant plus que rien n’urge. Telles que les choses se sont emmanchées, tout le monde avait l’impression que les députés et sénateurs étaient engagés dans une sorte de course contre la montre. Ce que les députés de l’opposition, bien que minoritaires, ont vigoureusement contesté, en accusant le gouvernement d’avoir mis la pression sur le Parlement, qui a fatalement escamoté totalement le débat. Outre la question du rythme, les députés de l’opposition ont émis des jugements négatifs sur ces lois, les considérant “liberticides” pour les unes, “insuffisantes” pour les autres. Pour mémoire, les députés du FFS ont boycotté les séances de vote, alors que ceux du PT et de l’AAV ont voté contre. On retiendra aussi de cette session cette charge violente du député “Spécific” contre le ministre de l’Industrie et des Mines.
Dans l’entretien accordé hier à l’APS, le président de l’APN, faisant un bilan de cette session, la qualifie “d’exceptionnelle à tous points de vue”, car marquée par l’adoption de lois qui instituent “le nouveau départ d’une République qui réunit toutes les conditions du pluralisme politique et de la liberté d’expression”. Voire !