Clôture des 15es Raconte-arts: Tomber de rideau sur une édition difficile

Clôture des 15es Raconte-arts: Tomber de rideau sur une édition difficile

La 15e édition du festival itinérant Raconte-arts s’est clôturée jeudi au village Tiferdoud, dans la commune d’Ath Bouyoucef, à Aïn-el-Hammam. Plus de 400 invités algériens et internationaux ont pris part à cet événement considéré comme l’un des plus riches d’Algérie.

Concerts de musique, expositions d’arts plastiques, performances artistiques, mini-galas improvisés, conférences, street-art et carnaval berbère ont rythmé cette 15e édition qui a tenu toutes ses promesses en matière de programmation artistique et littéraire en dépit d’une série de couacs et dérives commerciales qui ont déçu plus d’un.

Du 19 au 26 juillet, des milliers de personnes ont afflué des quatre coins de Kabylie et d’ailleurs pour assister aux activités de ce festival et découvrir en même temps ce hameau rendu célèbre après son élection village le plus propre de Kabylie en 2017. Comme plusieurs autres villages, Tiferdoud séduit par le modèle d’autogestion et d’autonomie qu’il a pu concrétiser grâce au principe de financement participatif. Une fois sur place, on se heurte néanmoins à certaines pratiques et dérapages qui jettent une ombre sur ce tableau idyllique. Si la plupart des habitants ont accueilli avec joie et générosité participants et visiteurs, le comité de village et les éléments du «service d’ordre» qu’il a installés à chaque coin de rue semblent avoir mal compris la démarche du festival tant ils avaient la hantise de l’ordre et du contrôle.

A cela s’ajoute une vision commerciale également en contradiction avec l’esprit des Raconte-arts dont la survie même s’appuyait dès la première édition sur le principe d’hospitalité. En dépit de ces désagréments, le festival a pu se poursuivre tant bien que mal grâce notamment à l’engagement des artistes participants et le dévouement de l’équipe organisatrice. Parmi les chanteurs invités cette année, Arezki Meziane a animé mercredi soir un gala devant un public nombreux mais malheureusement séparé selon une règle de non-mixité instaurée par le comité de village.

Résidant en France où il a produit son premier album Lehna, Arezki se produit généralement sur de petites scènes indépendantes à Paris et en Kabylie. Son style à la croisée des répertoires se veut à la fois gorgé de sonorités familières, notamment celles ayant marqué la chanson de l’émigration, et enrichi par de fructueuses collaborations avec des musiciens de toutes nationalités. D’ailleurs, à Tiferdoud, le chanteur s’est produit avec une équipe dont il venait de faire la connaissance à l’occasion du festival. Après plusieurs jours de répétition, les voilà donc sur scène pour interpréter et jouer des titres chaleureux et légers dont une reprise de Slimane Azem.

Excellent mandoliste et soliste à la voix riche en possibilités, Arezki est particulièrement généreux avec son public et malgré la brièveté de son passage, il a réussi à laisser un souvenir agréable aux villageois. On aura également noté le passage remarqué du poète et parolier d’expression kabyle Rezki Rabia qui a déclamé un texte particulièrement poignant où est sublimé cet amour proverbial pour les monts du Djurdjura. Les deux complices préparent d’ailleurs un album où le verbe tranchant et l’humour acidulé du poète sont portés par un chanteur et compositeur plein de promesses.

La 15e édition des Raconte-arts s’est clôturée le lendemain, jeudi, avec la parade du fameux carnaval berbère «Ayred» : héritage païen ancré dans la région des Béni-Snouss à Tlemcen, célébré notamment à l’occasion du Nouvel An de Yennayer. Contrairement à ce qui a été prévu pour la soirée de clôture, le chanteur vedette Oulahlou n’a pu monter sur scène, celle-ci ayant été désinstallée suite à la décision du comité de village. L’artiste s’est rendu quand même à Tiferdoud en vue de chanter dans un cadre intimiste pour les villageois mais a dû repartir bredouille tard dans la nuit.

Cette 15e édition du festival aura démontré que le choix du village-hôte devrait se faire selon d’autres critères : parmi les candidatures, il s’avère aujourd’hui nécessaire de bien étudier la capacité d’accueil et la disposition du village à comprendre et à accepter l’esprit Raconte-arts.

Ce dernier mérite de poursuivre son chemin dans les meilleures conditions tant il porte des valeurs, des projets et des richesses inestimables pour la région.

S. H.