Des télévisions privées, sans analyses, annoncent triomphalement le 01er août 2016 que le grand quotidien américain The Washington va favoriser la destination investissement /Algérie en espérant influencer les rapports fin 2016 de la Banque mondiale et du FMI.
La question qui se pose est la suivante : est-ce une opération purement commerciale pour ce quotidien, comme par un passé récent, pour bon nombre de quotidiens européens qui ont par la suite critiqué l’Algérie, pages publicitaires payées en devises, étant un dossier hors série donc moins lu. Ou et cela serait plus crédible, des écrits de grands reporters et experts internationaux de renom qui s’engagent en faveur de l’Algérie ?
1.- La ligne éditoriale de The Washington Post a été au début de centre gauche mais depuis quelques années le journal se rapproche du centre droit. Comme tous les médias écrits de par le monde, le tirage s’élevant à environ 500.000 exemplaires /jour tandis que le tirage dominical étant évalué à 650.000 exemplaires, est en baisse par rapport aux années passées, concurrencés par les sites électroniques. Dans ce cadre, l’initiative du Forum des chefs d’entreprises (FCE), de solliciter le grand journal américain The Washington Post (Wash Post) et l’agence True Media pour une publication, « Algeria Investment Report » qui s’étalera sur 12 pages en hors-série publié et distribué à l’occasion de la réunion annuelle du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque Mondiale (BM) qui se tiendra du 7 au 9 octobre prochain à Washington est louable afin comme le stipule l’Accord afin de «promouvoir le marché algérien et encourager les investisseurs américains à découvrir l’Algérie».
2.- Pour l’ambassadrice des Etats-Unis d’Amérique, Joan A. Polaschik, dans une récente déclaration je la cite : «il n’y a pas que la règle 51/49% qui dissuade les hommes d’affaires américains de venir investir en Algérie dans d’autres secteurs économiques hors hydrocarbures mais le climat des affaires qu’il faut améliorer au lieu de se focaliser uniquement sur une loi». La dernière visite d’un haut responsable américain fin juillet 2016 a abondé dans ce sens, point de vue semblable largement développé par bon nombre d’ambassadeurs et hommes d’affaires occidentaux. Depuis la découverte du pétrole et gaz de schiste, les échanges commerciaux entre les USA l’Algérie ont fortement baissé : comme client selon les statistiques douanières en 2015, le montant a été de 1,97 milliard de dollar et comme fournisseur 2,710 milliards de dollars contre un montant dépassant les 10/11 milliards de dollars vers les années 2007/2008, loin très loin derrière l’Europe et la Chine. Selon les données officielles pour 2015, les pays de l’Union Européenne sont toujours les principaux partenaires de l’Algérie, avec les proportions respectives de 49,21% des importations et de 68,28% des exportations. Et surtout depuis le 25 juillet 2016, les USA ont commencé leurs exportations vers l’Europe, étant un concurrent sérieux de Sonatrach.
3.- Afin que cette publicité, – car c’est une publicité certainement payanteb- c’est une loi aux USA ou tout de paye, soit fructueuse je relaterai quelques constats et quelques conditions en rappeler que l’Algérie a sollicité un grand quotidien américain fin 1999 et récemment plusieurs quotidiens européens dont le prestigieux quotidien français « Le Monde » plusieurs pages payés par l’Algérie en devises fortes ce qui n’ a en aucune manière influencé leurs lignes éditoriales, ni d’ailleurs les investisseurs qui ont eu une position critique vis à vis du climat des affaires en Algérie. Ne renouvelons pas les mêmes erreurs d’appréciation.
– Des experts américains ou hommes d’affaires de renom contribueront-ils à la rédaction ?
– Combien ces pages coûteront au FCE en devises, quel sera le retour d’investissement, éventuellement le quotidien américain lors de ce contrat y a-t-il contribué et pour quelle part car 12 pages coûtent ?
– Est-ce comme le passé, l’on fera intervenir seulement des officiels, des ministres qui exposeront bureaucratiquement du déjà-vu, l’état de leurs secteurs, ou des personnes algériennes connues pour leurs discours démagogiques et donc peu crédibles auprès de l’opinion américaine et des investisseurs mondiaux ?
– Au vu de bon nombre de rencontres algéro-américaines qui ont déjà eu lieu : a-t-on fait le bilan et quelle valeur ajoutée de plus de cette initiative par rapport à ces rencontres ?
– Une des fonctions les plus importantes au niveau des ambassades est la fonction de chargé des affaires économiques et financières, donc connaissant déjà parfaitement à travers leurs rapports quotidiens (c’est leur mission) la situation économique, sociale de l’Algérie, qu’a fait l’ambassade algérienne aux USA pour promouvoir la destination Algérie et d’ailleurs tous nos ambassades et combien coutent-ils au budget de l’Etat ?
3.- Connaissant parfaitement le fonctionnement des institutions internationales depuis de longues années et bon nombre de personnalités du monde des d’affaires étrangers, je doute fort que sans une cohérence et visibilité dans la politique socio-économique de l’Algérie (donc passant par de profondes réformes structurelles), en plus des enjeux géostratégiques qui se dessinent au niveau de la région, et si ces conditions ne sont pas remplies que même un quotidien comme le Washington Post puisse influencer le FMI ou la banque mondiale ou des investisseurs de renom qui ont des critères précis d’appréciation. En fait si l’on veut attirer les investisseurs, il faut d’abord redonner confiance aux investisseurs nationaux devant éviter cette utopie bureaucratique des années 1970.
D’ailleurs si des ministres algériens sont reçus dans des forums mondiaux, cela n’est souvent pas dû à leurs niveau intellectuel ou écrits mais parce qu’il représente un grand pays comme l’Algérie. Nos ministres sont hors circuit des rencontres internationales. Aussi pour paraphraser les militaires, ne nous trompons pas de cibles. Si l’Algérie améliore, outre l’aspect sécuritaire qui a un coût, le climat interne des affaires, dont la débureaucratisation de la société et si le taux de profit comparé aux taux de profit des autres zones est attractif, du fait de la forte concurrence, les investisseurs américains viendront alors d’eux-mêmes. Les dirigeants algériens doivent s’adapter au nouveau du monde et être pragmatiques, dans la pratique des affaires n’existant pas de sentiments.
4.- En bref, en ce XXIème siècle, les relations internationales, politiques et surtout économiques se font de moins en moins entre chefs d’Etat ou entre ministres mais à travers des réseaux efficaces, excepté pour certains pays encore sous-développés notamment africains. Or dans la mentalité bureaucratique de certains responsables algériens, croyant encore au miracle des Lois, les relations sont encore entre Etats, ministres ou de certains cercles proches mandatés par le pouvoir. Aussi, ne devant pas avoir une position négative mais seulement être objectif, l’initiative certes louable du Forum des chefs d’entreprises (FCE) de solliciter le Washington Post qui en 2013 a cité dans ses dossiers le Maroc et la Jordanie comme des exemples dans la région méditerranéenne? Cependant, combien cette rencontre en transferts en devises supportées par l’Algérie coûtera-t-elle d’autant plus que le bureau d’études américain sera encore sollicité pour couvrir le sommet Algérie/Afrique en décembre 2016, au moment où le gouvernement parle de rigueur budgétaire ? En finalité cette rencontre permettra t-elle d’attirer des investisseurs américains, sans réformes en Algérie ? N’oublions jamais que les USA, pragmatiques (business/business) ont une stratégie planétaire à travers leurs réseaux, tant sur le plan militaire, politique qu’économique.