Par Abdenour MERZOUK
Les plus véreux n’ont pas attendu le début du mois de Ramadhan pour revoir à la hausse les prix de tous les produits à forte consommation, en ce mois de bouffe.
Même si quelques-uns ont tenté de faire croire au père Noël, en parlant d’un marché de fruits et légumes à 50 DA, voire des produits gratuits, la réalité a vite rattrapé tout le monde. Dans la commune de Chorfa, à l’extrême nord-est de la wilaya limitrophe de Béjaïa, des commerçants ont mené une opération de marketing d’envergure dans laquelle tout le monde a piqué du nez. Une chaîne de télévision, avide des scoops, avec des écriteaux portant la mention «Tout à 50 DA», quelques acteurs et le tour est joué. Le jour d’après, l’entrée de Chorfa était envahie totalement par des clients venus de toutes les régions de la wilaya. Seulement voilà, quelques produits seulement coûtaient 50 DA, pour la gratuité annoncée il faut revenir une autre fois. Finalement et comme chaque année, le Ramadhan est une opportunité pour les intermédiaires de saigner davantage les citoyens. Les plus véreux n’ont pas attendu le début du mois de Ramadhan pour revoir à la hausse les prix de tous les produits, à forte consommation, en ce mois de bouffe.
En effet, et depuis hier, l’ensemble des fruits et légumes, les viandes rouges et blanches, ont connu une nette augmentation de leurs coûts respectifs. Les abats aussi ont connu une révision du prix puisqu’ils coûtent désormais 850 DA le kilo. Les viandes rouges ne sont pas restées en marge. La viande d’importation qui, l’année dernière se vendait à 800 DA, coûte cette année 1100 DA. Même le produit local, plus prisé pour ses valeurs nutritives, a sensiblement augmenté, atteignant les 1300 à 1600 DA pour la viande sans os. L’inexistence d’un marché de gros, la liberté des prix et le diktat des intermédiaires, les marchés de proximité qui tardent à naître, restent les trois facteurs à l’origine de l’anarchie, qui règne sur les marchés.
les prix connaissaient déjà une flambée, si l’on excepte la pomme de terre, cédée à 55 dinars. Le paradoxe montre si besoin est que le problème n’est point celui de l’offre et de la demande, puisque Bouira reste une wilaya à forte production. Dès que la production de Bouira intègre le marché, les prix flambent. Même s’il a été annoncé en grande pompe, le marché de gros domicilié à Aïn Bessem tarde à voir le jour, même si les responsables multiplient les visites à une aire désaffectée depuis des années. La décision d’évacuer les marchés informels, prise par l’autorité, qui aura servi la fiscalité et une meilleure maîtrise, reste un autre facteur qui a amené les commerçants à saisir l’occasion de soumettre les clients à leurs diktats et imposer les prix à leur guise, surtout qu’au nom de la liberté de ces derniers, personne ne peut leur faire entendre raison. Cette situation avantage l’informel. Chassez le naturel, il revient au galop.
Cet adage s’applique à une activité mercantile qui, désormais, concerne toute forme de produits. Il s’agit de l’informel qui, par moment, vient à bout de l’activité dûment réglementée. Bouira et l’ensemble des agglomérations de la wilaya connaissent une intense recrudescence du phénomène. Des marchés poussent aux divers coins de la ville. Les rues et les endroits fortement fréquentés, sont la destination de jeunes qui installent des étals de fortune et proposent leurs marchandises. La vente des fruits et légumes reste l’activité qui mène le bal. Autour des marchés couverts de la cité des 1 100 Logements, aux abords du marché hebdomadaire de Bouira, de Aïn Bessem et de l’ensemble des points de vente de chaque ville, «fleurissent» des espaces. Malgré la nette hausse des prix sur ces lieux, comparativement au marché réglementé, les citoyens s’y rendent et achètent. A la question de savoir pourquoi ce choix, nombreux disent être victimes d’un manque de temps, mais aussi de l’éloignement du marché couvert quotidien situé au niveau de l’ex-gare routière.
Un autre lieu est exploité comme point de vente. A la sortie sud-est du chef-lieu de wilaya et sur la RN5, vers El Asnam, les accotements sont occupés par des marchands ambulants. En plus du danger que représente la position de ce marché, la saleté y prolifère. Aussi et au risque de se faire écraser par les véhicules, des citoyens s’arrêtent pour faire leurs emplettes. Cet exemple n’est pas, hélas, unique. Sur la Route nationale qui relie Bouira à Aïn Bessem, deux marchés identiques perturbent considérablement la circulation. Le premier est domicilié à Sidi Ziane et le second à l’entrée de l’ex-village socialiste Saïd Abid. Même le centre-ville du chef-lieu de wilaya n’aura pas échappé au phénomène. La rue Cherarak ex-rue de France est envahie par des jeunes qui garent leurs véhicules ou parquent leurs charrettes et s’adonnent à cette activité. En plus des nuisances causées aux riverains, la rue est souvent difficile à emprunter, en raison de son exigüité.
La hausse qui va crescendo pour les fruits et légumes touche aussi les viandes blanches. Les fellahs de la wilaya, qui sont affiliés à la Chambre d’agriculture, ont soulevé ces problèmes de commercialisation qui sanctionnent les producteurs. «Les véritables bénéficiaires restent les propriétaires des chambres froides, les intermédiaires qui ont pignon sur rue. Nos productions, et devant l’inexistence de circuits dûment organisés et contrôlés, laisse le champ libre aux spéculateurs», nous dira un adhérent à cette structure. La force de ces groupes de pression qui font et défont le marché, défient les quelques associations de défense des consommateurs qui, pour la plupart n’activent que conjoncturellement, d’où un manque de crédibilité auprès des citoyens.
Devant cette situation, il reste une solution aux clients: celle de bouder les marchés, surtout qu’avec l’arrivée des grandes chaleurs, les commerçants risquent de se retrouver avec des produits qui peuvent pourrir facilement. L’absence totale d’organismes de contrôle, le laxisme de l’administration, avantagent cette solution qui reste l’unique alternative pour le consommateur, l’éternelle victime.