Le gouvernement de Noureddine Bedoui, fortement contesté par le mouvement populaire, projette de donner un tour de vis aux importations de blé et de poudre de lait, deux produits qui comptent pour plus de la moitié de l’ensemble des importations alimentaires. L’objectif visé est “la préservation des réserves de changes, la régulation de ces deux filières et l’arrêt des transferts des subventions publiques aux indus bénéficiaires”. L’Exécutif a également décidé de “mettre fin à l’octroi des licences pour de nouvelles minoteries ou l’élargissement de celles existantes”. Le gouvernement tente ainsi de mettre de l’ordre dans deux filières sur lesquelles, l’importation exerce sa dominance.
Le secteur agricole, dans son ensemble, a besoin d’être réformé, pas par des réformettes, dans un pays qui traverse un passage à vide aux plans économique et politique, mais par des réformes en profondeur. Or, des réformes très diverses et significatives, le cabinet Bedoui, souffrant d’un défaut de légitimité et étant censé expédier les affaires courantes seulement, ne peut en faire. Un gouvernement chargé d’expédier les affaires courantes ne peut arrêter des choix, prendre des décisions ou poser des actes qui engageraient durablement l’État algérien, que ce soit à l’échelle du pays ou au niveau international. Pourtant, l’actuel Exécutif le fait sous le couvert de vouloir assurer la continuité du service et ne pas impacter l’activité économique… Depuis son installation, il a, en fait, organisé ses actions dans une approche à la petite semaine, faisant intervenir de multiples parties prenantes et secteurs, sans prise sur la réalité. Il s’attaque à des dossiers sensibles tels que celui des céréales et du lait. Ces deux filières ont besoin de mesures concrètes qui les aideront à atteindre le seuil de rentabilité et à contribuer à la baisse de la facture alimentaire.
Cela ne pourra, cependant, être possible que dans un plan d’action établi par un gouvernement disposant de la légitimité populaire pour ce qu’il fait. Au-delà de cela, l’Exécutif ne peut compter, à l’heure actuelle, sur aucun moyen tout prêt lui permettant de réduire les importations, a fortiori lorsqu’il s’agit de postes d’importations incompressibles comme c’est le cas pour le blé et la poudre de lait, la production étant encore faible dans ces deux branches. La production céréalière réellement obtenue durant la campagne 2017-2018 a été estimée à 60,5 millions de quintaux, contre 34,7 millions de quintaux durant la campagne précédente. Dans la filière laitière, le pays produit, aujourd’hui, 2,8 milliards de litres. Et, il veut arriver à l’horizon 2022 à une production de 4,8 milliards de litres.
Le gouvernement affirme ne vouloir importer que ce dont a besoin le marché national en blé et en lait. Sauf qu’il en ignore les besoins. Aussi, a-t-il appelé les services concernés à procéder à une évaluation précise des besoins réels du marché national en blé et en lait, particulièrement pour ce qui a trait à l’industrie de transformation. Dans la même perspective, il a demandé aux opérateurs publics, assurant la régulation du marché, de garantir une meilleure gestion du stock stratégique à travers l’adoption de nouvelles formes d’intervention, afin de rationaliser les importations de blé et d’autres produits alimentaires cotés en bourse. Ainsi, le gouvernement fait semblant d’avoir un mandat pour travailler, visant à rétablir un semblant de normalité dans la vie quotidienne. Pendant ce temps, les attentes de la population évoluent rapidement vers l’impatience et le mécontentement.
Youcef Salami