Condition de la femme en Algérie, Le code de la famille est source de violences

Condition de la femme en Algérie,  Le code de la famille est source de violences

Les statistiques officielles, bien en deçà de la réalité, font état de dizaines de milliers de femmes battues, le plus souvent par des membres de leur famille, principalement l’époux et, à un degré moindre, le frère et le père.

Partout, dans le monde, la violence faite aux femmes et aux filles provoque des dégâts qui ne sont pas des moindres et, parfois, entraîne la mort de la victime. Jusqu’à 70% des femmes sont victimes dans le monde de la violence au cours de leur vie, mais seule une minorité d’entre elles ose parler de son expérience et dénoncer. Un tel fléau, défiant le domaine de santé publique, est considéré comme une des plus graves violations des droits de l’Homme.

Son existence en ce début du XXIe siècle confirme, si nécessaire, la présence d’inégalités entre les hommes et les femmes, et celle de déséquilibres, voire de précarité, au sein des sociétés encore “patriarcales”. Et, parce cette violence est un problème mondial, devenu intolérable, l’Assemblée générale des Nations unies a proclamé le 25 novembre “Journée internationale pour l’élimination de la violence contre les femmes”, en 2022, en mémoire des 3 sœurs Mirabal, militantes en République dominicaine, assassinées le 25 novembre 1960.

Qu’en est-il de l’Algérie ? À eux seuls, les chiffres témoignent de la gravité des violences faites aux femmes, où la violence conjugale figure en tête de liste. Les statistiques officielles, bien en deçà de la réalité, font état de dizaines de milliers de femmes battues, le plus souvent par des membres de leur famille, principalement l’époux et, à un degré moindre, le frère et le père. L’espace privé est désormais vu comme un espace “dangereux” pour les Algériennes ! D’ailleurs, pour la seule année 2012, 297 femmes ont été violées et 261 autres tuées. Cette année, la célébration de la Journée internationale pour l’élimination de la violence contre les femmes coïncide avec l’assassinat crapuleux d’une concitoyenne, Razika Chérif, à M’sila : cette dernière a été harcelée par un conducteur, puis abattue dans un espace public, la rue, pour avoir refusé ses avances.

Ce grave événement est qualifié de “drame de l’oppression patriarcale”, puisque la violence envers les femmes, physique, juridique ou symbolique, est destinée à les dévaloriser, à les rabaisser et surtout à les exclure des espaces publics et, donc, de leurs droits de citoyennes. De nombreuses voix se sont élevées dans la société pour dénoncer l’assassinat de Razika. Outre la marche de M’sila initiée à la suite de ce “crime”, deux rassemblements importants ont été organisés à la mi-novembre, l’un dans la capitale et l’autre à Béjaïa, en solidarité avec la famille de la défunte et de toutes les victimes du harcèlement sexuel. Lors de ces rencontres, femmes et hommes ont exprimé leur indignation face aux agressions quotidiennes faites aux femmes, tout en condamnant “l’impunité dont bénéficient les agresseurs”. Cela a été également l’occasion pour les manifestants d’interpeller les consciences, mais aussi pour dénoncer les dispositions iniques contenues dans le code de la famille, qui font de la femme une éternelle mineure. Non sans rappeler qu’“une nation ne pourra jamais évoluer si elle continue à opprimer la moitié de son peuple”.

Aujourd’hui, avec le recul de l’État et les disputes partisanes autour notamment de la succession du président Bouteflika, il est légitime d’être inquiet et de s’interroger sur les raisons des comportements “rétrogrades et violents” de certains concitoyens, qui ciblent la femme. N’est-elle pas encouragée par cette “première violence” d’ordre institutionnel qu’est le code de la famille ? La réponse est affirmative pour les militantes des droits des femmes, des enfants et de la famille, ainsi qu’à ceux des droits humains et même de certains partis politiques, qui ne cessent d’alerter sur le caractère “discriminatoire et inégalitaire” du code de la famille, empêchant les femmes d’être “des citoyennes à part entière”. De l’avis de Nadia Aït Zaï, responsable du Ciddef, également présidente de la nouvelle Fondation pour l’égalité, ce code doit être “revu, recorrigé et reconstruit dans la perspective de reconstruction des rapports égalitaires entre femmes et hommes”.

H. A.