Le ministère de la Justice a, dans un communiqué rendu public, samedi 31 août, démenti les informations « relayées par certains médias le 29 et 31 août 2019, faisant état de la privation de Mme Samira Messouci, incarcérée à l’établissement de rééducation et de réhabilitation à Alger, des soins médicaux, du port de la tenue traditionnelle ainsi que de l’avoir obligée de porter le voile. » Le communiqué précise aussi « qu’il s’agit de faits présentés par une source d’information, en dehors de leur contexte et par conséquent amplifiés d’une façon sensationnelle pour servir à des fins autres que celles déclarées ».
De facto, le communiqué du ministère de la Justice se base essentiellement sur des écrits de presse ayant repris un communiqué du Collectif d’avocats qui ont agi dans le cadre du tout nouveau Comité national de libération des détenus (CNLD), que le communiqué présente juste comme « une source d’information ».
Le communiqué apporte des précisions sur la question du port supposé imposé du voile pour Samira Messouci : « Tous ceux qui sont en contact avec les établissements pénitentiaires savent que le port de la tenue traditionnelle ou le non-port du voile sont des libertés individuelles garanties pour tout un chacun et qu’aucun établissement pénitentiaire ne peut imposer le contraire», toutefois, une allégation dans le communiqué qui laisse quelque peu dubitatif : « En revanche, il n’a été demandé à Mme Messouci que de se couvrir la tête en passant devant le bloc pour hommes, lors de son transfert vers le tribunal… » Quid du couvre-chef ? Casquette, chapeau, foulard, turban ou hidjeb ? Existe-t-il un règlement dans ce sens ? Dans un témoignage publié sur sa page Facebook et confirmé de vive-voix, Aouïcha Bekhti, avocate raconte avoir rencontré Samira Messouci, le mercredi 28 août 2019 : « Je l’ai trouvée resplendissante, son moral est celui de la battante qu’elle est. (…) Elle m’a bien dit que son épaule était guérie et qu’elle avait mal au coude pour avoir longtemps porté une écharpe. Pour rappel, elle avait été brutalisée lors de son interpellation et son épaule s’était déboîtée. Elle m’a dit qu’elle avait vu le médecin (une femme, précision verbale de Aouïcha Bekhti) de la prison, ce dernier lui a prescrit une radio qu’elle n’avait pas encore faite. En ce qui concerne le foulard, on lui a bien demandé de le porter pour le parloir sous prétexte de règlement intérieur ; Samira a refusé et j’affirme l’avoir vue sans foulard et en forme avec son magnifique sourire (…).»
Le communiqué revient aussi sur ses conditions d’incarcération et de santé : «qu’avant son entrée à l’établissement pénitentiaire, la concernée souffrait d’ecchymoses au niveau de l’épaule et que le médecin traitant affirme qu’elle se plaint actuellement de douleurs au niveau du coude, mais son état de santé est bon confirmé par un examen radiologique (absence de fracture, d’inflammation ou de complications). Pour ce qui est des conditions de détention, la concernée bénéficie d’un traitement ordinaire sans distinction aucune et tous ses droits sont garantis. » Entre la visite de Aouïcha Bekhti, le mercredi, le collectif d’avocats le jeudi et le communiqué du ministère samedi, Samira Messouci a donc eu le temps de passer un examen radiologique ?
Au-delà des doux euphémismes sur « les libertés individuelles » des détenus du communiqué de la Justice, et en attendant la réponse des avocats du CNLD aujourd’hui, cet épisode sur « le foulard de Samira » occulte, malencontreusement, les questions de fond liées à la détention et au devenir des porteurs de drapeaux amazigh. La justice va-t-elle trancher en faveur de leur acquittement comme elle l’a fait à Annaba ?