Conjoncture économique: Il y a matière à craindre…

Conjoncture économique: Il y a matière à craindre…

Rappelons-nous, avant de boucler une année 2017 de façon plutôt morose, l’économie nationale avait pourtant réussi un premier trimestre qui avait de quoi augurer une bien meilleure performance que le à peine plus du demi-point de fin d’année dernière.

Un mauvais finish auquel a succédé, au premier trimestre de cette année, un très léger mieux certes, avec un taux de croissance de 1,3%, mais pas de quoi appréhender la suite d’un bon œil, tant les incertitudes se sont accumulées ces derniers mois.



Petit indicateur : au premier trimestre 2018, l’activité commerciale, un secteur qui pèse dans le pays, a connu une baisse, selon l’opinion des détaillants et grossistes sondés par une enquête de l’Office national des statistiques (ONS), notamment chez ceux des machines et matériel d’équipement et de la droguerie, quincaillerie, appareils électroménagers et parfumerie. Un tout petit indicateur qui reflète l’état d’esprit des opérateurs économiques algériens en général qui, pourtant, avaient de quoi espérer une entame d’année d’un tout autre acabit, comme le leur promettaient les prévisions des autorités du pays qui, il faut le dire, n’ont pas été très regardantes sur les dépenses publiques pour couper définitivement avec les austères deux années précédentes.

Avec le 1,3% de croissance enregistré au bout du premier trimestre 2018, l’on se retrouve donc loin du compte, surtout lorsque l’on se rappelle que durant le même trimestre en 2017, et malgré les investissements budgétaires de moindre envergure, le taux de croissance frisait la tendance mondiale en accrochant les 3,4%. La «faute» incombe, pour le plongeon du premier trimestre 2018, en tout premier lieu à la locomotive de l’économie nationale. Les hydrocarbures ont, en effet, connu une baisse du taux de croissance de 2% durant la période considérée, pour demeurer dans la spirale des trois derniers trimestres de 2017, lorsque ce taux de croissance était respectivement de -2,2%, -6,1 % et surtout le dernier trimestre lorsqu’il avait atteint -9,0%.

Un coup d’œil sur l’état des comptes nationaux durant les trois premiers mois de cette année s’avère très révélateur sur la situation globale de la croissance.

Selon les chiffres publiés par l’ONS, il en ressort que le premier trimestre 2018 a été, donc, caractérisé par une baisse de la croissance dans le secteur des hydrocarbures de 2,0% alors qu’il avait enregistré une forte croissance au premier trimestre 2017. La croissance hors hydrocarbures enregistrée entre janvier et mars 2018 demeure presque comparable à celle de la même période en 2017 (2,0% au 1er trimestre 2018 contre 2,5%, au 1er trimestre 2017).

Cette croissance est de nouveau expliquée par celle de l’agriculture et celle des secteurs du bâtiment-travaux publics et hydraulique (BTPH y compris services et travaux publics pétroliers) et de l’industrie qui connaissent respectivement des taux d’accroissement de 4,2%, 4,7%, et 4,1%.

Le PIB en valeur courante a décliné durant le premier trimestre 2018 de 5,3 % par rapport à la même période en 2017. La croissance hors hydrocarbures, (2%) par rapport au 1er trimestre 2017, le doit surtout à l’agriculture et la pêche, le bâtiment, travaux publics et hydraulique (BTPH, y compris services et travaux publics pétroliers), et certaines branches de l’industrie.

En dehors de la «défaillance» des hydrocarbures et de leur impact sur la croissance durant le premier trimestre de l’année, il faut relever la passe difficile que traversent nombre de filières du secteur industriel. Elles sont, en effet, cinq filières à avoir influé sur le taux de croissance global pas insignifiant mais presque. Les bons points, ils sont à chercher dans les filières des matériaux de construction (+12,1%), l’eau et l’énergie (+8,2%), l’industrie agroalimentaire (+6,1%), de la chimie, plastique et caoutchouc (+3%) et le bois, papier et liège (+1,8%). Des performances qui ont à peine de quoi occulter la difficile réalité des opérateurs dans les mines et carrières (-10,2%), les industries sidérurgique, métallique, mécanique et électrique (-7,4%), les industries diverses (-6,9%), les textiles (-1,1%) et les cuirs et chaussures (-1,1%).

Des performances qui tranchent avec l’optimisme des pouvoirs publics d’en finir avec l’austérité et de la politique induite dans les dépenses budgétaires. Des autorités qui ne manquent pas de contrer le pessimisme, notamment celui des institutions internationales, avec des discours que beaucoup n’hésitent pas à qualifier de «en complet décalage» avec la réalité économique. En tous les cas, à l’allure prise par l’économie nationale et ses chiffres qui ne sont en aucune commune mesure conformes à une économie en principe émergente comme la nôtre, il y a matière à craindre pour ce second semestre et, partant, les années qui viennent.

Azedine Maktour