Constructeurs automobiles :A la conquête de la Silicon Valley

Constructeurs automobiles :A la conquête de la Silicon Valley

Depuis cinq ans, les grands noms du secteur installent des centres de R&D. Les constructeurs multiplient les partenariats avec l’écosystème high-tech.

Qu’il s’agisse d’un bureau de veille paré du nom de «laboratoire», d’un véritable centre de recherche et développement ou d’une branche de leur fonds d’investissement, tous les constructeurs automobiles veulent désormais disposer d’une adresse le long de la Route 101, au sud de San Francisco. Si les allemands Mercedes-Benz et Volkswagen ont installé de petites équipes dans la Silicon Valley dès la seconde moitié des années 1990, ce n’est que depuis cinq ans que tous les autres s’y précipitent : Ford, Renault-Nissan, Toyota, Honda…

Une dizaine de constructeurs automobiles y sont désormais installés, dans l’espoir de trouver des solutions pour faire face à deux révolutions : le déplacement de la valeur ajoutée vers les logiciels, la voiture autonome en étant l’incarnation la plus poussée et l’évolution des modes de consommation de la propriété à la location, symbolisée par le succès d’Uber. La combinaison des deux — une voiture autonome partagée — pourrait conduire à une baisse de 40% des ventes de voitures aux Etats-Unis d’ici à 2040, selon l’analyste Brian Johnson, de la banque Barclays.

L’installation d’un laboratoire en Californie doit permettre aux fabricants de mieux répondre à cette menace. D’abord, en débauchant plus facilement les meilleurs ingénieurs et développeurs des entreprises high-tech (il est très compliqué de persuader un salarié d’Apple de quitter le soleil de Cupertino pour la banlieue enneigée de Detroit). Ensuite, en leur permettant d’être en contact permanent avec les start-up et les universités de la région, notamment Stanford, à la pointe sur les sujets de voiture autonome, d’intelligence artificielle et d’interface homme-machine.

Toyota vient ainsi de lancer au début de l’année un laboratoire de recherche spécialement consacré à l’intelligence artificielle et à la robotique, dont l’effectif, actuellement de 70 personnes, va monter à 200.

Il convient aussi de tenter de s’adapter à la vitesse de la Silicon Valley, très éloignée des «cycles longs» des fabricants automobiles, explique Jeremy Carlson, analyste chez IHS Automotive. «Les cultures peuvent sembler irréconciliables», tranche John Suh, le directeur de Hyundai Ventures en Californie. «La vitesse de développement d’un produit est de cinq à sept ans pour une voiture, contre de six à huit mois pour un smartphone et une heure pour un site Web !» pointe-t-il. Pour s’y faire, les fabricants multiplient les partenariats avec l’écosystème high-tech. Ford, qui dispose d’un laboratoire de 130 personnes à Palo Alto, s’est récemment associé à Amazon pour intégrer Alexa —l’assistante numérique de son enceinte Echo — dans son système de bord. Mercedes-Benz a, lui, travaillé à l’intégration du thermostat connecté Nest de Google – pour que le chauffage de la maison s’adapte en fonction de la distance restant à parcourir par la voiture. Désormais, les constructeurs vont au-delà de la simple collaboration, en investissant ou rachetant des start-up. Le coréen Hyundai, qui dispose sur place d’une petite équipe de 10 personnes depuis 2011, a investi dans un outil de reconnaissance musicale, une technologie de recharge sans fil et un fabrique d’un nouveau type d’ampoules écologiques.

L’ironie veut que ce soit Fiat Chrysler, l’un des rares à ne pas avoir d’antenne dans la Vallée, qui soit le premier à avoir décroché un partenariat avec Google — tandis que Ford s’est allié à l’entreprise de Mountain View pour créer un lobby réclamant une législation plus souple sur le sujet ces derniers mois.