Ce sont les collections SKD destinées au montage des véhicules de transport de personnes et de marchandises des parties et des accessoires des véhicules qui ont provoqué cette forte hausse, et non les véhicules de tourisme.
Les constructeurs automobiles algériens devront faire de la résistance face aux dernières mesures du gouvernement pour pouvoir mener à terme leurs plans business de l’année en cours et prétendre rester dans le paysage automobile du pays, plus que jamais menacé par une récession, essentiellement marquée par la rationalisation des dépenses en devises. Plafonnées à 2 milliards de dollars pour l’année 2019, les importations des kits SKD/CKD destinés au montage automobile ont déjà siphonné 1,23 milliard de dollars durant les quatre premiers mois de 2019, contre plus 1,02 milliard de dollars à la même période de 2018.
Avec moins de 800 millions de dollars répartis sur quelques marques automobiles qui s’étaient investies dans l’assemblage des véhicules de tourisme, les 20 chaînes de montage connaîtront les pires moments de crise et sont menacées, à défaut des plans de charge, de baisser rideau et de mettre au chômage technique des milliers de travailleurs. Avec une hausse de 20,36% par rapport à la même période de l’année précédente, les importations des kits SKD/CKD ont buté sur la décision unilatérale du gouvernement de limiter les quotas aux opérateurs qui, sous la pression des maisons-mères, ont tiré la sonnette d’alarme sur la situation qui prévaut dans les usines.
Contrairement à l’année 2018 où l’Algérie avait importé pour un montant global de 3,7 milliards de dollars, révèle la Direction générale des Douanes (DGD), le montant de l’importation des collections SKD utilisées dans le montage des véhicules légers a atteint 928,07 millions de dollars durant les quatre premiers mois de 2019, contre 882,44 millions de dollars à la même période de 2018, soit une hausse de 45,63 millions de dollars. Cela étant dit, ce sont les collections SKD, destinées au montage des véhicules de transport de personnes et de marchandises, qui ont enregistré une forte hausse de plus de 113%, atteignant 306,64 millions de dollars durant cette période, 143,41 millions de dollars à la même période de comparaison en 2018. Aussi, constate la même source, la tendance haussière provient des parties et des accessoires des véhicules servant à l’entretien, et qui ont atteint 140,10 millions de dollars, en hausse de 24,20% !
Des hausses injustifiées et des recours sans lendemain
Finalement, de gros montants sont versés dans deux filières qui siphonnent le plus les devises et qui n’apportent guère de valeur ajoutée à cette industrie naissante et qu’on étouffe déjà dans l’œuf. En effet, la facture des machines et des appareils agricoles a été évalué à 24,07 millions de dollars, soit une hausse de 85,6%, alors que celle des machines, des appareils et des engins pour la récolte ou le battage des produits agricoles a totalisé 8,86 millions de dollars, soit une hausse de 155,79%.
Dans le même sillage, la facture des importations des machines pour le nettoyage, le triage ou le ciblage des grains ou légumes secs ont baissé à 10,96 millions de dollars (-59,40%), mais aussi celle des tracteurs qui a atteint 89,17 millions de dollars (-12,52%). Face à cette situation, les principaux opérateurs de montage de véhicules de tourisme en Algérie ont été saisis par le gouvernement pour leur signifier que le montant débloqué pour l’année 2019 ne couvrira que les modèles validés par le Conseil national de l’investissement (CNI). En revanche, le ministère de l’Industrie et des Mines n’a soufflé mot sur cette correspondance qui était signée par l’ex-secrétaire général, Ziani Belkacem.
Une instruction qui a suscité le courroux et l’incompréhension des opérateurs et de leurs partenaires, d’une part, et qui coïncide avec l’annonce des ministères des Finances et du Commerce relative à l’élaboration d’une démarche permettant au citoyen d’importer les véhicules d’occasion de moins de trois ans, d’autre part. En ce sens, des dizaines de recours ont été introduits par des opérateurs au niveau du ministère de tutelle, dont certains ont même apporté des justificatifs positifs et liés au développement de la sous-traitance, de la hausse du niveau du taux d’intégration et la mise en branle de contrats de performance en vue d’exporter la pièce de rechange de première monte dès le printemps prochain vers les usines de fabrication des maisons-mères établies en Europe.
D’autres actions de proximité avaient été menées au niveau de certaines wilayas où ces usines de montage sont établies pour sensibiliser les pouvoirs publics à venir constater de visu les avancées enregistrées au sein des usines. Ces deux démarches auraient pu déboucher, conformément au cahier des charges, sur des visites d’inspection et des audits avant de sanctionner, au cas par cas, tel ou tel opérateur. Mais la démarche des pouvoirs publics à vouloir pénaliser ces usines d’assemblage découle d’une décision qualifiée d’“illégale” par les opérateurs et de cette précipitation à mettre sur un pied d’égalité les constructeurs engagés et ceux qui continuent à investir dans les “importations déguisées”. Du reste, les observateurs s’interrogent sur le silence de l’Association des concessionnaires et des constructeurs algériens (AC2A) censée défendre les intérêts de ses adhérents.
FARID BELGACEM