L’entreprise portuaire d’Alger (EPAL) a recouru hier à l’affichage publicitaire dans la presse nationale pour faire paraître une mise en demeure à l’endroit des propriétaires, consignataires de navires, armateurs et consignataires des marchandises chargées dans les 1 152 conteneurs entreposés au site des douanes de Sidi Moussa.
La liste publiée dans certains quotidiens ne mentionne ni le nom du consignataire, ni l’origine, encore moins la nature de la marchandise ou le temps passé sur le site.
Seul le numéro du conteneur y est indiqué. Par le passé, l’EPAL, qui recourt souvent à ce genre de procédé (voie de presse), fournissait les informations complètes. Or cette fois elle s’est contentée d’indiquer seulement le n° du conteneur sans autres précisions aucunes.
Pourquoi donc ? S’agit-il de marchandises prohibées ou interdites par la règlementation algérienne ? S’agit-il de fausses déclarations, une pratique devenue courante ? La correspondance de l’EPAL adressée aux intéressés indique que la commission permanente chargée de l’inspection et de l’évaluation des marchandises avariées ou en séjour prolongé au niveau des ports nationaux de commerce (ports secs) invite ces derniers à, soit réexporter leurs marchandises, soit les transférer dans un entrepôt sous douanes dans un délai de cinq jours à compter de la publication de la mise en demeure.
Passé ce délai, il sera procédé ou à la vente aux enchères ou à sa destruction, et ce, indépendamment des poursuites judiciaires éventuelles. Ces cargaisons en souffrance contiennent des produits variés, incluant autant des produits périssables que des produits non périssables dont l’éventail est illimité.
Escroquerie à grande échelle ?
Généralement, les marchandises importées et abandonnées entrent dans les ports algériens avec des fausses déclarations douanières. Ces pratiques coûtent à l’Etat algérien entre 1 et 3 milliards de dollars.
Un fichier des fraudeurs a été établi début 2015 au niveau de la direction générale des Douanes. Ces opérateurs mafieux ont utilisé des registres de commerce avec des prête-noms. S’agit-il de transfert illégal de capitaux, ou de blanchiment d´argent ? La question reste posée. Car le phénomène des conteneurs abandonnés touche la grande majorité des ports algériens.
Ce phénomène (conteneurs en souffrance dans les ports), représente, à lui seul, près de 40 % des activités commerciales avec l’étranger. Le contrôle douanier des opérations de commerce extérieur a commencé à cibler, depuis 2015, les gros importateurs dans l’objectif de s’attaquer à la fuite des capitaux vers l’étranger.
Dans une première étape, un contrôle douanier sera renforcé pour les entreprises privées qui importent des produits agroalimentaires, des médicaments, des véhicules, des matières premières et des logiciels. Le ciblage de ces entreprises n’est pas fortuit, puisqu’elles sont considérées comme un « secteur à risque » pouvant constituer une source importante de fuite de capitaux.
L’affaire du laboratoire français Sanofi Aventis, condamné en 2012 par la justice algérienne pour surfacturation de ses importations en est l’exemple parfait. Les transferts illicites des capitaux à travers la surfacturation ont pris des proportions énormes ces dernières années.
En 2015, quatre sociétés spécialisées dans l’importation de produits alimentaires, ont été épinglées pour surfacturation et dont les montants de pénalités encourues ont été de 18 milliards de DA.
Une autre affaire de transfert illicite de capitaux a concerné une entreprise de production mixte entre deux opérateurs algérien et étranger auxquels il a été infligé des pénalités de 9 milliards de DA, ainsi que deux autres cas d’infractions de change commises, respectivement, par une société spécialisée dans la sidérurgie et une autre dans l’importation de bétail et dont les montants de pénalités encourues se sont chiffrées, respectivement, à 4,5 et 8,7 milliards de DA.
Globalement, les importations majorées sont souvent celles réalisées dans le cadre des régimes douaniers préférentiels accordés par l’accord d’association avec l’Union européenne, la grande zone arabe de libre échange (Gzale) ainsi que dans le cadre du dispositif de l’ANDI.
La majoration de valeur touche des produits comme le ciment, les céréales, la poudre de lait, le riz, les produits sidérurgiques et les biens d’équipements destinés au secteur du BTPH comme les centrales à béton.
Les « pseudos-importateurs » n’hésitent pas à utiliser des registres de commerce prête-nom pour importer des marchandises à des prix très élevés mais, en réalité, sans valeur réelle et qu’ils abandonnent ensuite dans les enceintes portuaires.
Dans un grand nombre de conteneurs abandonnés, les douanes ont découvert du sable, du parpaing et des machines usagées destinées à la casse, et pour lesquels des sommes importantes de devises ont été transférées vers l’étranger.