Contribution : Des élections cadeau pour le régime

Contribution : Des élections cadeau pour le régime

Tout le monde convient que l’application de l’article 102 de la constitution sans les articles 7 et 8 a conduit le pays dans l’impasse politique et que le pouvoir l’a fait en connaissance de cause.

Dès les premières marches, le peuple a montré sa réticence, voir son refus pur et simple de l’article 102. Cette détermination populaire a contraint le pouvoir représenté par Gaid Salah à revoir sa copie et revenir avec une nouvelle proposition à savoir l’application de l’article 102 pour la démission de Bouteflika, incluant cette fois les articles 7 et 8 qui consacrent la souveraineté populaire comme source de pouvoir.

En accord avec la volonté du peuple, Gaid Salah a pris le ferme engagement d’accompagner le peuple dans ses revendications de changement de régime pour construire l’état de droit en Algérie. Cela a suscité une certaine vague d’enthousiasme au sein du hirak, des personnalités politiques et des partis. Un enthousiasme symbolisé par le fameux slogan (djeich cha3b khawa khawa) brandi à travers toutes les wilayas du pays. Surtout après le départ forcé de Belaiz, un des 3 ou 4 B dont le peuple réclamait le départ et bien-sûr l’arrestation spectaculaire de Saïd Bouteflika (ras el issaba) et ses puissants généraux Toufik et Tartag. Idem pour les convocations des anciens ministres et premiers ministres de Bouteflika devant la justice.

Si les arrestations de Haddad, Rebrab et autres «hommes d’affaires» ont suscité des interrogations au sein du Hirak et semé quelques doutes quant aux intentions réelles du pouvoir militaire, celles de la Issaba étaient revendiquées dès le début des marches et attendues par le peuple qui y voit un début de satisfaction de ses revendications. D’où ce capital confiance placé en l’institution militaire, seule détentrice du pouvoir actuel au pays et dont la légitimité semble moins compromise par le régime de Bouteflika. Beaucoup d’Algériens voit en elle un rempart qui protège à la fois le pays et le caractère pacifique des marches empêchant ainsi toutes les tentatives de déviation du mouvement populaire vers la violence. Durant plusieurs semaines des marches, le deal du cha3b djeich khawa khawa semblait relativement viable.

Mais au fil des Vendredis, alors que les millions de manifestants exigent toujours le départ des symboles du régime dont le premier ministre et son gouvernement, le pouvoir fait la sourde oreille et choisit de faire défiler d’anciens ministres et responsables devant les tribunaux pour satisfaire le désir de justice du peuple et peut-être calmer la rue.  En vain. Car malgré la soixantaine d’ex. hauts responsables convoqués par la justice la veille du 13e vendredi du Hirak, les millions d’Algériens sont sortis dans les rues avec la même détermination que les 12 vendredis précédents pour exiger encore et toujours le départ des symboles du régime et la transition vers la démocratie et l’État de droit. Les marches de ce 13e vendredi, malgré le jeûne et la chaleur, ont prouvé que les Algériens sont résolus à faire aboutir leurs revendications et que les manœuvres d’où qu’elles viennent ne viendront pas à bout de leur détermination.

Dans cette équation, la manœuvre de l’impasse politique dans laquelle se trouve le pays incombe à Gaid Salah (représentant l’institution) qui s’est porté garant du processus de changement de régime revendiqué par le peuple. Avec notamment le départ des 4 B et l’application des articles 7 et 8. Or, les fameux B sont toujours aux commandes et aucune application des articles qui consacrent la souveraineté du peuple. En faisant l’impasse sur ces mesures, et en optant pour une élection (4 juillet) vide de sens qui ne fera que régénérer le système politique actuel, le pouvoir renie ses engagements envers le peuple et perd la confiance suscitée les premières semaines de la révolution silmiya. Parce que faire des élections sous la gouverne d’un premier ministre spécialiste de la fraude, c’est se moquer des millions d’Algériens qui revendiquent le changement de régime.

De nombreux experts s’entendent pour dire que l’Algérie vit une situation exceptionnelle et que la solution doit être exceptionnelle, autrement dit qu’elle doit contenir 2 composants : constitutionnel par l’article 102 et politique par l’idée de la transition. Plusieurs initiatives vont dans ce sens et le pouvoir n’a d’autre choix que de composer avec la réalité du Hirak et sortir le pays du blocage actuel.

Zehira Houfani, écrivaine
Montréal

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