L’échec de la révolution algérienne est inconcevable
La lumière qui brille actuellement autant dans le regard des Algériens que dans les rues des villes et villages de leur pays vient de loin. De très loin, à la fois dans le temps et dans l’imaginaire collectif de la nation pétri des valeurs de novembre. Certes, il y a eu des moments de l’histoire où cette lumière a été détournée ou confisquée, souvent dans la souffrance, par les pouvoirs en place, mais à chaque fois, dans un sursaut de dignité, le peuple algérien a su la rallumer pour éclairer son combat de liberté, de justice et de démocratie.
Le 22 février 2019, quand la soupape du silence a explosé et jeté dans les rues le peuple longtemps abusé et sa jeunesse marginalisée, c’est pour mettre fin au régime du mépris, de l’humiliation et du pillage qui a dévasté l’Algérie ces dernières décennies. Un régime désigné officiellement par le terme de «issaba» qui se traduit par bande de gangsters.
Confier l’avenir aux faussaires du passé?
Du moment que cette désignation de Issaba a pris fait et acte dans le continuum algérien, il devient impensable que l’autorité actuelle représentée par le vice-ministre de la défense Ahmed Gaid Salah exige des millions d’Algériens qui déferlent chaque vendredi dans les rues d’accepter la tutelle de cette issaba. Ça heurte la raison. D’autant que depuis le début des marches, le peuple a fait du changement de régime une revendication constante et non négociable. Nous savons pertinemment que le régime actuel même décapité par la démission de Bouteflika conserve une capacité de nuisance capable d’entraver l’émancipation du peuple et sa marche vers la démocratie et l’État de droit.
Comment faire confiance à un chef d’État, (un des fameux B) coutumier de faux-semblants, de simulacres négociations, et de fausses conférences au profit du régime pour lui confier aujourd’hui la conduite du processus d’abolition de ce même régime?
Comment accepter qu’un ministre de l’intérieur (un autre B), pilier du régime de gangsters, pétri dans le faux et les fraudes électorales des années durant soit encore le premier ministre aujourd’hui et choisisse le nouveau gouvernement contre la volonté de la grande majorité du peuple estimée à plus de 25 millions de personnes ?
Composer avec la feuille de route qui enferme la révolution pacifique du peuple dans l’article 102 de la constitution, c’est trahir les aspirations de toute cette jeunesse algérienne qui s’est soulevée pour se réapproprier son pays, sa liberté et son avenir. Autant d’objectifs que Gaid Salah doit mettre dans la balance quand vient le temps de demander au peuple de faire preuve de patience et de suivre la constitution.
Un niet à la feuille de route du régime
En continuant de manifester pacifiquement depuis plus de deux mois, malgré la non satisfaction de ses revendications essentielles, le peuple et sa jeunesse font déjà preuve de patience et d’une grande responsabilité à l’égard des intérêts de leur pays. Cependant, par leur détermination, ils font savoir qu’il n’est pas question pour cette révolution de s’arrêter en chemin et de s’ajouter aux rendez-vous de la démocratie et l’État de droit que les Algériens ont raté, et ce, dès le lendemain de leur indépendance.
La jeunesse algérienne de 2019 est consciente de ses forces et de ses compétences à relever les défis de son pays. Elle est suffisamment motivée pour aller vers cette nouvelle Algérie, libérée de ses gourous éclaboussés de toutes parts. Et la seule feuille de route que les millions d’Algériens conçoivent est celle qui rende justice à la légitimité de leur révolution et replace la souveraineté du peuple au cœur du pouvoir. Rien de plus simple pour sortir de la crise si on veut réellement accompagner le peuple algérien vers la construction d’un État de droit.
Zehira Houfani, écrivaine
Montréal
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