Contribution: Les sept axes de la transition énergétique pour l’Algérie

Contribution: Les sept axes de la transition énergétique pour l’Algérie

Cette présente analyse est une synthèse de nombreuses contributions parues au niveau national et international sur la transition énergétique (1). Les différentes rencontres actuelles n’apprennent pas grand-chose au gouvernement et aux décideurs du pays qui ont été les destinataires de nombreux rapports sur ce sujet parallèlement aux nombreuses contributions de nombreux experts. Il faut passer des discours aux actes.

Ne plus se faire d’illusion d’un cours du baril entre 2017/2020 supérieur à 70/80 dollars.

En effet, tenant compte de l’évolution des coûts croissants, des nouvelles mutations énergétiques mondiales et de la concurrence de nouveaux producteurs, des exportations et de la forte consommation intérieure induits par de nouveaux investissements dans le doublement des capacités des centrales électriques qui fonctionneront à partir des turbines de gaz, favorisé par des bas prix, l’Algérie sera importatrice de pétrole dans 10/ans et de gaz conventionnel dans 15 ans D’où l’importance, dès maintenant, de prévoir la transition énergétique que je résumerai en sept  axes directeurs.

-Le premier axe est d’améliorer l’efficacité énergétique car comment peut –on programmer deux (02) millions de logements selon les anciennes normes de construction exigeant de fortes consommations d’énergie alors que les techniques modernes économisent 40 à 50% de la consommation?

Le second axe est de repenser la politique des subventions qui doit être ciblée pour les produits énergétiques , dossier que  j’ai dirigé avec le bureau d’études américain Ernest Young et avec les cadres du Ministère de l’Energie  et de Sonatrach   que j’ai présenté personnellement à la commission économique de l’APN en 2008,  renvoyant à  une nouvelle politique des prix ( prix de cession du gaz sur le marché intérieur environ un dixième du prix international occasionnant un gaspille des ressources qui sont gelées transitoirement pour des raisons sociales.

A cet effet, une réflexion doit être engagée par le gouvernement algérien pour la création d’une Chambre nationale de compensation, que toute subvention devra avoir l’aval du parlement pour plus de transparence, Chambre devant réaliser un système de péréquation, segmentant les activités afin d’encourager les secteurs structurants et tenant compte du revenu par couches sociales, impliquant une nouvelle politique salariale.

-Le quatrième   axe, l’Algérie a décidé d’investir à l’amont pour de nouvelles découvertes. Mais pour la rentabilité de ces gisements tout dépendra du vecteur prix au niveau international et du coût, pouvant découvrir des milliers de gisements non rentables, posant le problème de la rentabilité des 100 milliards de dollars annoncés par le Ministère.

-Le cinquième axe est le développement des énergies renouvelables devant combiner le thermique et le photovoltaïque dont le coût de production mondial a diminué de plus de 50% et il le sera plus à l’avenir. Or, avec plus de 3 000 heures d’ensoleillement par an, l’Algérie a tout ce qu’il faut pour développer l’utilisation de l’énergie solaire, ou presque. Le soleil tout seul ne suffit pas. Il faut la technologie et les équipements pour transformer ce don du ciel en énergie électrique.

La production à grande échelle permettrait de réduire substantiellement les coûts tout en favorisant à l’aval une multitude de PMI-PME, renforçant le tissu industriel à partir des énergies propres (industries écologiques). La promotion des énergies renouvelables suppose des moyens financiers importants en investissement et en recherche-développement. Le Fonds technologique pour les énergies renouvelables décidé en conseil des ministres dont le taux est passé de 0,5% à 1% de la rente des hydrocarbures devrait être revu à la hausse à 3% minimum afin de pouvoir permettre le soutien entre le tarif garanti permettant la rentabilité de l’investissement.

Grâce aux recettes d’hydrocarbures alimentant ce Fonds, l’Algérie peut éviter de faire supporter ces investissements sur le consommateur à revenus faibles, à l’instar de l’Allemagne où la différence entre le prix garanti et celui du marché, est reportée sur les factures des consommateurs via une surtaxe, suite à sa décision de sortir du nucléaire d’ici à 2022. L’Algérie a réceptionné en mi-juillet 2011 la centrale électrique hybride à Hassi R’mel, d’une capacité globale de 150 MW, dont 30 MW provenant de la combinaison du gaz et du solaire. Cette expérience est intéressante. La combinaison de 20% de gaz conventionnel et 80% de solaire me semble être un axe essentiel pour réduire les coûts et maîtriser la technologie.

À cet effet, le CREG (l’agence de régulation) a annoncé la publication de décrets destinés à accompagner la mise en œuvre du programme algérien de développement des énergies renouvelables. Des mesures incitatives sont prévues par une politique volontariste à travers l’octroi de subventions pour couvrir les surcoûts qu’il induit sur le système électrique national et la mise en place d’un Fonds national de maîtrise de l’énergie (FNME) pour assurer le financement de ces projets et octroyer des prêts non rémunérés et des garanties pour les emprunts effectués auprès des banques et des établissements financiers.

Le programme algérien consiste à installer une puissance d’origine renouvelable de près de 22 000 MW dont 12 000 MW seront dédiés à couvrir la demande nationale de l’électricité et 10 000 MW à l’exportation. D’ici 2030, l’objectif de l’Algérie serait de produire, 30 à 40% de ses besoins en électricité à partir des énergies renouvelables.

Le montant de l’investissement public consacré par l’Algérie à la réalisation de son programme de développement des énergies renouvelables, à l’échéance 2030, est contradictoire, annoncé une fois à 100 milliards de dollars  selon le Ministère de l’énergie, et une autre fois  à 100 milliards de dollars.

Le problème, l’Algérie aura-t-elle les capacités d’absorption, la maîtrise technologique pour éviter les surcouts, la maitrise du marché mondial et ne sera-t-il pas préférable de réaliser ces projets dans le cadre d’un partenariat public privé national, international et pourquoi pas dans le cadre de l’intégration de l’Afrique du Nord, pont entre l’Europe et l’Afrique, marché naturel du Maghreb et de l’Europe, continent à enjeux multiples qui horizon 2O3O/2040, tirera la croissance de l’économie mondiale.

– -Le sixième   axe, l’Algérie compte construire sa première centrale nucléaire en 2025 pour faire face à une demande d’électricité galopante, où selon le 19 mai 2013 du ministre de l’Energie et des Mines, l’Institut de génie nucléaire, créé récemment, devant former les ingénieurs et les techniciens en partenariat, qui seront chargés de faire fonctionner cette centrale. Les réserves prouvées de l’Algérie en uranium avoisinent les 29 000 tonnes, de quoi faire fonctionner deux centrales nucléaires d’une capacité de 1 000 Mégawatts chacune pour une durée de 60 ans, selon les données du Ministère de l’Energie.

La ressource humaine étant la clef à l’instar de la production de toutes les formes d’énergie et afin d’éviter cet exode de cerveaux massif que connait l’Algérie, le poste services avec la sortie de devises étant passé de 2 milliards de dollars en 2002 à 10/12 milliards entre 2010/2015, dont une grande partie destinée au secteur hydrocarbures, Sonatrach se vidant de sa substance, il convient de résoudre le problème récurrent des chercheurs du nucléaire( cela s’applique à l’ensemble des chercheurs) qui depuis des années demandent l’éclaircissement de leur statut, la revalorisation de leur rémunération et surtout un environnement propice par la levée des obstacles bureaucratiques qui freinent la recherche.

-Le septième   axe, l’option du pétrole/gaz de schiste (3ème réservoir mondial selon des études internationales)  introduite dans la nouvelle loi des hydrocarbures de 2013, dossier que j’ai l’honneur de diriger pour le compte du gouvernement et remis en janvier 2015. En Algérie, devant éviter des positions tranchées pour ou contre, un large débat national s’impose, car on ne saurait minimiser les risques de pollution des nappes phréatiques au Sud du pays.

L’Algérie étant un pays semi-aride, le problème de l’eau étant un enjeu stratégique au niveau méditerranéen et africain, doit être opéré un arbitrage pour la consommation d’eau douce, (les nouvelles techniques peu consommatrices d’eau n’étant pas encore mises au point, malgré le recyclage, quel sera le coût, fonction de l’achat du savoir-faire), un milliard de mètres cubes gazeux nécessitant 1 million de mètres cubes d’eau douce et être pris en compte les coûts (en plus de l’achat des brevets) devant forer plusieurs centaines de puits moyens pour un milliard de mètres cubes gazeux.

Sans compter la durée courte de la vie de ces gisements et la nécessaire entente avec des pays riverains se partageant ces nappes. -Le sixième axe, rentrant dans le cadre des résolutions de la COPE21 et de la COP22 est l’action climatique qui ne peut être conçue dans le cadre d’une Nation, impliquera une large concertation avec notamment les pays du Maghreb et de l’Afrique.

D’une manière générale, pour le Maghreb dont l’Algérie, les ressources hydriques sont vulnérables aux variations climatiques. L’eau et sa gestion sont des problèmes conditionnant son avenir, le volume maximal d’eau mobilisable étant déficitaire d’ici à 2020 selon Femise (réseau euro-méditerranéen sur la région MENA. Dans la région du Maghreb, les effets négatifs toucheront la production de légumes dont les rendements diminueraient de 10 à 30 % et une baisse du blé à près de 40%. Ainsi, le changement climatique pourrait entraîner une véritable crise migratoire, l’or bleu, enjeu du XXIème siècle qui non résolu pouvant provoquer des guerres planétaires.

En résumé, la transition pouvant être définie comme le passage d’une civilisation humaine construite sur une énergie essentiellement fossile, polluante, abondante, et peu chère, à une civilisation où l’énergie est renouvelable, rare, chère, et moins polluante ayant pour objectif le remplacement à terme des énergies de stock (pétrole, charbon, gaz, uranium) par les énergies de flux (éolien, solaire). La transition énergétique renvoie à d’autres sujets que techniques, posant la problématique sociétale.

Il ne suffit pas de faire une loi car le déterminant c’est le socle social Cela pose la problématique d’un nouveau modèle de croissance : tous les secteurs économiques, tous les ménages sont concernés : transport, BTPH ; industries, agriculture. Les choix techniques d’aujourd’hui engagent la société sur le long terme. Dès lors la transition énergétique suppose un consensus social car la question fondamentale est la suivante : cette transition énergétique, combien ça coûte, combien ça rapporte et qui en seront les bénéficiaires.

Pour une transition énergétique cohérente de renforcer les interconnexions des réseaux et l’optimisation de leur gestion (smart grids) pour contribuer à l’efficacité énergétique, au développement industriel, aller  vers un nouveau modèle de croissance, afin de favoriser l’émergence d’une industrie de l’énergie, au service de l’intégration économique, les avantages octroyés par l’Etat devant être fonction de ce taux. Dans ce cadre, il est souhaitable un partenariat public privé national et international afin de favoriser la concurrence, le monopole étant forcément des surcoûts.

Pour ce segment, la règle des 49/51%, reposant sur une vision idéologique dépassée, est inappropriée, devant prévoir d’autres mécanismes pour protéger la production nationale, (autres critères balances technologique et financière positive). Pour cela une nouvelle politique des prix est nécessaire car la détermination de la politique des tarifs est inséparable des mécanismes de répartition du revenu national.

Il faudra mieux cibler ces subventions qui sont supportées par le trésor sans distinction de revenu. En Algérie existe un véritable paradoxe : la consommation résidentielle (riches et pauvres payent le même tarif ; idem pour les carburants et l’eau) représente 60% contre 30% en Europe et la consommation du secteur industriel 10% contre 45% en Europe montrant le dépérissement du tissu industriel, soit moins de 5% du produit intérieur brut.

Les décisions dans le domaine de l’énergie engagent le long terme et la sécurité du pays au regard des priorités définies sur le plan politique (indépendance nationale, réduction des coûts, réduction des émissions de carbone, création d’emplois). Chaque décision majeure devra être préalablement analysée par le conseil national de l’Energie, présidé par le président de la République, après un large débat national.

Comme je l’ai préconisé il y a deux ans à Bruxelles à l’invitation du Parlement européen, thème que j’aborderai en cas de ma disponibilité   lors d’ une conférence programmée le 08 décembre 2016, toujours à l’invitation du Parlement européen, le co-développement et le co-partenariat avec des partenaires étrangers peuvent être le champ de mise en œuvre de toutes les idées innovantes, l’avenir étant au sein des espaces euro-méditerranéens et africains.

L’Afrique avec 25% de la population mondiale horizon 2040, des ressources tant matérielles qu’humaines considérables, sous réserve de sous régionalisations homogènes et d’une meilleure gouvernance, sera la locomotive de l’économie mondiale horizon 2030/2040.

Intervention du professeur Abderrahmane MEBTOUL Expert international  professeur des Universités le 16 novembre 2016 à la bibliothèque nationale d’Alger ( El Hamma)   lors de la  présentation de l’ouvrage collectif  «  Quel modèle économique pour l’Algérie 2020 »