Quoi de mieux, pour remettre le pays dans la voie du progrès, qu’une nouvelle Constitution fondée sur la garantie des droits fondamentaux, l’indépendance de la justice, les élections libres, le contrôle démocratique à tous les niveaux ?
Lors de la conférence de presse animée par le président du parti, le 27 mars 2019, le RCD a soumis à débat une proposition de sortie de crise intitulée “Pour une transition de rupture”. Dans cette feuille de route, durant la période qui précède l’élection d’un chef de l’État, un comité constituant est chargé de rédiger un texte fondateur soumis à référendum qui fixe les grands principes de fonctionnement du futur État démocratique algérien. Les membres de ce comité constituant sont nommés par la haute instance de transition. “Il est composé de compétences nationales reconnues dans le domaine (constitutionnalistes, enseignants, membres de la société civile…). Il a pour tâche de procéder à de larges consultations avec les partis politiques, les syndicats, la société civile, les personnalités nationales… Sa mission est de proposer la mise en place d’une organisation institutionnelle et un système politique fondé sur le multipartisme, l’élargissement des libertés et des droits humains et l’autonomie des pouvoirs avec comme objectif final : la garantie de l’alternance politique et démocratique au pouvoir. Une attention particulière doit être accordée à la garantie d’une indépendance effective de la justice et pour placer l’armée et les appareils sécuritaires sous contrôle démocratique.”
Quelle est la problématique ?
La recherche de textes constitutionnels durables pour reconstruire l’État prend débat dans toutes les périodes de transition. Cette demande est légitime sur un double plan. D’une part, les citoyens veulent enterrer vite et définitivement l’ancien régime avec ses institutions illégitimes, sa justice aux ordres, ses discriminations et ses symboles. D’autre part, quoi de mieux pour remettre le pays dans la voie du progrès qu’une nouvelle Constitution fondée sur la garantie des droits fondamentaux, l’indépendance de la justice, les élections libres, le contrôle démocratique à tous les niveaux ? En somme, l’exact contraire des pratiques du passé. Cette aspiration légitime à graver dans le marbre toutes les garanties d’un nouvel ordre démocratique et juste peut prendre des chemins inétendus avec l’évolution des rapports de force. C’est le sens de l’impératif du maintien de la mobilisation pour peser sur le cours des événements, quelles que soient les tournures conjoncturelles, d’autant que le système politique a plus que des prétentions à se maintenir par le biais d’un coup de force de la hiérarchie militaire qui veut circonscrire la responsabilité du désastre et de la revendication à des individus qu’il faudra éliminer (limogeages, incarcérations…).
Les nombreuses expériences contemporaines qui ont eu comme théâtre l’Afrique, l’Europe centrale ou l’Amérique latine montrent bien qu’aucune dictature ne peut durablement résister à une lame de fond de rejet pacifique mais aussi que rien n’est écrit d’avance. La conséquence première est que le processus constituant peut prendre plusieurs formes en relation avec l’histoire de notre pays, la nature et la force (ou faiblesse) des organisations, la situation socioéconomique et la donne régionale et internationale. Dans tous les cas, une transition est toujours compliquée, elle ne peut pas avancer à coups de fetwas ou de sentences, surtout lorsque celles-ci ne sont destinées qu’à disqualifier d’autres acteurs politiques. Le mouvement est d’abord l’œuvre de la jeune génération nourrie par les luttes, les querelles de chapelle, les louvoiements ou les lâchetés des générations post-indépendance. Ceux qui avancent cachés pour servir de béquilles pour une partie de l’ancien système ou ceux qui ne sont mus que par la vengeance ou le positionnement creusent leur tombe en ne prenant pas la mesure de la force du mouvement, incluant dans ce “dégagisme” les symboles des extrémismes ou des clivages de tous bords. Pour le reste, la convocation d’une Assemblée constituante ou le passage par un comité constituant et le référendum ne sont que des mécanismes. Une Constitution est l’instrument objet vivant d’un compromis pour un “vivre ensemble” qui tourne la page d’une gouvernance faite de violences multiformes, de discriminations et de divisions.
Pourquoi le choix du comité constituant ?
Le contenu du mouvement révolutionnaire que notre pays vit depuis le 22 février 2019 est connu de tous. Il s’agit de la volonté de construire un État dans lequel l’exercice des libertés fondamentales est garanti pour tous sans discrimination, des élections libres à tous les niveaux, une justice indépendante, un équilibre des pouvoirs… La Constitution actuelle est inapte à conduire une transition démocratique car il ne s’agit pas uniquement d’introduire une commission indépendante pour l’organisation d’autres élections pour transmettre le pouvoir à un nouveau président de la République. Il y a lieu en premier de fixer toute la feuille de route des nouvelles institutions et de l’agencement des différents scrutins pour la concrétisation du nouvel État algérien. Le comité constituant formé d’experts (constituants, universitaires…) a les pouvoirs d’entendre toutes les parties (partis politiques, associations, personnalités…) pour élaborer une Constitution qui encadre toute la transition et qui sera soumise à référendum populaire.
Quelle est la nouvelle organisation de l’État ? Quel type de régime (parlementaire, présidentiel, semi-présidentiel…) ? sont parmi les questions qui doivent être tranchées lors de ce référendum. D’autres principes doivent être posés aussi. À ce sujet, la contribution de l’avocat Mohamed Kebir parue dans Liberté, intitulée “Pour une pré-Constitution transitionnelle et une Cour constitutionnelle de contrôle”, ouvre des pistes de réflexion dans ce domaine. Dans sa démarche de sortie de crise, le RCD propose que la nouvelle loi électorale élaborée par la commission nationale indépendante pour l’organisation des élections passe au référendum populaire le même jour que la nouvelle Constitution. Pour notre part, après cette double adoption par le peuple, le calendrier électoral doit commencer par l’élection présidentielle. Une fois l’unité de la Nation incarnée par une présidence de la République légitime et crédible, le nouveau président met en place la nouvelle organisation de l’État et des nouvelles institutions conformément au texte constitutionnel adopté lors du référendum.
O. S.
Secrétaire national du RCD (*)