Réduire les importations peut créer des situations de pénurie dans un premier temps, mais provoquera sans nul doute un déclic qui permettra aux détenteurs de capitaux de retrousser leurs manches et de se mettre à «produire».
La restructuration du commerce extérieur constitue une priorité pour le gouvernement algérien ces derniers temps. Mais faute de pouvoir booster les exportations en diversifiant l’offre exportable et en faisant de sorte qu’elle soit compétitive sur le marché international, on s’attaque aux importations. La recette n’est pas la meilleure, mais pas la pire non plus. Le gouvernement, en décidant de limiter les importations vise, semble-t-il, à stopper la chute continue des réserves de changes. De ce fait, plus vite est la chute de ces dernières, plus brutale est le procédé de limitation des importations. C’est ainsi que, après l’annonce de l’affaissement des réserves de changes qui, selon certaines prévisions, seront inférieures à 100 milliards de dollars d’ici 2019, l’équipe Sellal a remis au goût du jour une mesure annoncée il y a quelque temps: l’interdiction de 2000 produits à l’importation. En effet, l’Algérie envisagerait d’interdire l’importation d’environ 2000 produits et, à cet effet, une liste serait déjà élaborée par le gouvernement pour l’adresser aux banques dans le but d’interdire les domiciliations bancaires de ces produits en attendant que la loi de finances 2017 soit adoptée.
Impact sur les réserves de changes
L’information n’est pas officielle et les accords signés par l’Algérie avec des institutions internationales, notamment le FMI et l’Union européenne, ne lui permettent pas d’agir unilatéralement dans ce sens. Mais la volonté politique de mettre fin aux importations tous azimuts étant là, la manière d’y arriver sera sans nul doute trouvée. Car, tout compte fait, l’Algérie dispose de la possibilité de mettre en place des barrières à l’entrée. Mais quels sont les produits concernés par les restrictions envisagées?
A bien analyser la structure des importations algériennes, on constate que les biens destinés à la consommation ne représentent pas, comme on le croirait, l’essentiel des importations. En effet, selon des statistiques du ministère du Commerce, les biens destinés à l’outil de production représentent la moyenne de 30% de la facture d’importation durant ces trois dernières années, et les biens d’équipement plus de 33%, tandis que les importations de produits représentent la moyenne de 18% et que les produits non alimentaires destinés à la consommation à peine 17%. De ce fait, si le gouvernement venait à imposer des restrictions sur les produits alimentaires ou non alimentaires destinés à la consommation, ce qui est fort probable, l’impact sur les réserves de changes ne sera pas très important car ces biens représentent au total la moyenne de 35% de la facture des importations et la liste de ces produits dépasse largement les 2000 même si les principaux produits sont relativement peu nombreux et que, de par leur nature élémentaire (blé, poudre de lait, etc.), il n’est pas possible de cesser leur importation.
Ce sont fort probablement les produits de luxe (fruits exotiques, meubles…) qui seront touchés. Les restrictions peuvent éventuellement toucher les biens destinés à l’outil de production et les biens d’équipement comme c’est déjà le cas avec les licences imposées pour l’importation des véhicules. Mais de telles restrictions risquent d’impacter négativement la marche de l’industrie naissante du pays, ce qui est contraire aux objectifs proclamés par le gouvernement. Il est donc exclu qu’elles soient appliquées, à moins qu’on en envisage une application partielle.
Impact sur l’économie
La restriction des importations, notamment des produits destinés à la consommation, va avoir un impact négligeable sur les réserves de changes, mais politiquement, elle constituera sans nul doute un déclic. Jusque-là, plusieurs détenteurs de capitaux informels que nous avons rencontrés justifient leur pérennité dans le «bazarisme» par l’impossibilité d’exister dans une jungle d’importateurs. «Je fais du commerce, je cherche des opportunités d’affaires dans le commerce parce qu’il est impossible de produire des biens compétitifs devant tous les produits importés sans taxes des quatre coins du monde. Il est nettement plus facile et plus lucratif de faire du commerce que de produire», nous a confié un «affairiste» coté dans les milieux algérois. Néanmoins, la décision du gouvernement de limiter les importations sonne chez lui comme une vraie volonté de pousser les Algériens à entreprendre et à investir dans la production car, estime-t-il, «ce sont les importations qui nous font peur».
«J’aimerais bien avoir une unité de production, m’y consacrer et la développer tranquillement. Mais, tous les créneaux sont pratiquement saturés par les produits importés. Il faut être un gros boss et investir des tonnes d’argent pour réussir un projet. Le risque est trop grand, c’est pourquoi je préfèrerai commercer. Mais si le gouvernement limitait les importations, les choses changeaient. L’Algérie est un pays vierge. On ne produit presque rien. Tous les créneaux sont pratiquement vierges. Moi, je n’attends que ça», nous a-t-il indiqué. L’interdiction des importations, ou plus objectivement leur limitation, quel que soit le nombre des produits concernés, ne va pas avoir un impact notable sur les réserves de changes comme on pourrait s’y attendre, mais constituera un geste politique fort pour ceux qui ont toujours vu dans les importations anarchiques un obstacle à l’investissement.