Convention des Nations Unies et de l’Union Africaine contre la corruption: Les ratifier, pour quoi faire ?

Convention des Nations Unies et de l’Union Africaine contre la corruption: Les ratifier, pour quoi faire ?

L’Office des Nations unies contre le crime et la drogue (UNODC), dont le siège est à Vienne, a piloté, de 2001 à 2003, le processus de rédaction de la Convention des Nations unies contre la corruption, Uncac, selon l’acronyme anglais. Le 15 décembre 2000, sous l’égide des Nations unies, 124 pays sur les 148 représentés ont signé une convention contre la criminalité transnationale organisée.

L’Uncac, adoptée en 2003, est entrée en vigueur en décembre 2005 — trois mois  après le dépôt de la 30e ratification —, l’Algérie l’ayant ratifiée en 2004.

Ce texte vise à lutter plus efficacement contre les mafias en renforçant la coopération entre les États et en harmonisant leur législation. Parmi les engagements contenus dans le document, on note : «incriminer la participation à un groupe criminel organisé, le blanchiment d’argent, la corruption et l’entrave au bon fonctionnement de la justice».

Ces quarante dernières années, les Nations unies ont adopté de nombreuses résolutions et recommandations contre la corruption. Il faut rappeler la résolution 3514 de l’Assemblée générale, en date du 15 décembre 1975, dans laquelle l’Assemblée condamnait, entre autres, toutes les pratiques de corruption, y compris les actes de corruption commis par des sociétés transnationales.  Au sein du Conseil économique et social des Nations unies, dont le siège est aussi à Vienne, en Autriche, il existe une «commission pour la prévention du crime et pour la justice pénale» qui traite notamment des questions de corruption et de crime organisé.

En 2001, les Nations unies devaient réunir les représentants de ses États membres et des partenaires internationaux pour adopter une nouvelle convention contre la corruption. Le 2e Forum mondial sur la lutte contre la corruption, qui a eu lieu à La Haye du 28 au 31 mai 2001, aux Pays-Bas, devait contribuer à la préparation de l’initiative des Nations unies. On y a abordé les questions d’intégrité et de bonne gouvernance, l’application des lois, les douanes, la corruption, la transition et le développement, et enfin le gouvernement et le monde des affaires. Après des travaux préparatoires et près de deux années de négociations formelles à Vienne, échelonnées sur sept sessions, la cérémonie de signature de la Convention des Nations unies contre la corruption a eu lieu à Mérida, au Mexique, du 9 au 11 décembre 2003.

L’alibi de la protection de la souveraineté

La lecture de cette convention a été  source d’espoir comme de déception. Du côté de l’espoir peuvent être mises en avant l’étendue et la diversité des sujets traités. Tout ce qui touche de près ou de loin à la corruption semble avoir été abordé tant au niveau des mesures préventives que des incriminations, des questions relatives à la confiscation et à la saisie, à la coopération internationale, à la restitution des fonds détournés…  Nettement plus décevantes sont les précautions de vocabulaire qui semblent retirer toute force contraignante à cette convention : «d’une manière compatible avec les principes fondamentaux de son système juridique», «selon qu’il convient», «peut adopter», «dans toute la mesure possible dans le cadre de son système juridique interné»… Si l’on ajoute à cela les dispositions qui apparaissent dès l’article 4 sur la protection de la souveraineté, l’inquiétude gagne. Cet article rappelle avec vigueur les principes de l’égalité souveraine, de l’intégrité territoriale et de la non-intervention dans les affaires intérieures d’autres Etats. Aussi serait-il facile de se laisser convaincre que cette convention n’est qu’un instrument illusoire. N’oublions pas toutefois que ce texte, sur lequel un grand nombre d’Etats se sont mis d’accord, est le signe que la corruption est enfin perçue, au plus haut niveau international, comme un mal contre lequel il faut lutter. Plus encore, les négociations serrées auxquelles cette convention a donné lieu sont la preuve que les Etats considèrent que la signature d’une telle convention pourrait un jour leur être opposée, tant par leur population que par d’autres Etats ou par des institutions internationales.

Crise au sein du Comité consultatif africain

La plus grande évolution sur le continent africain a été l’adoption au mois de juillet 2003 — lors du Sommet des chefs d’Etat de l’Union africaine à Maputo, au Mozambique ­—­­ de la Convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption et les infractions assimilées.

L’entrée en vigueur de cette dernière requiert 15 ratifications.  L’Algérie est le 15e pays africain à avoir ratifié cette convention (juillet 2006) : elle est entrée en vigueur en août 2006.

La convention entend renforcer l’arsenal juridique de la lutte contre la corruption en établissant la liste de tous les délits qui devraient être sanctionnés par la législation nationale, en matière de corruption, et en présentant des mesures permettant de les détecter et de les instruire.  La convention délimite également la juridiction des États-parties, définit l’assistance juridique mutuelle en matière de lutte contre la corruption et infractions assimilées, encourage l’éducation et la sensibilisation du public sur les effets néfastes de la corruption et offre un cadre pour le contrôle et la supervision de son application. Une faiblesse de cet instrument est   qu’elle laisse à chaque signataire l’option de renoncer à certaines des dispositions, voire à l’ensemble de celles-ci.

Concernant le mécanisme de suivi — défini par l’article 22 —, la CUA a prévu la création d’un «comité consultatif sur la corruption et les infractions assimilées» au sein de l’Union africaine.  Composé de 11 experts, ce comité a pour fonction principale de «promouvoir et d’encourager l’adoption et l’application de mesures de lutte contre la corruption», en établissant notamment «des partenariats avec la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, la société civile africaine, les organisations gouvernementales et non gouvernementales, afin de faciliter le dialogue sur la lutte contre la corruption et les infractions assimilées». Mais ce «comité consultatif» n’a pas brillé par son efficacité depuis sa création : plus grave, il y a quelques semaines, un de ses membres les plus éminents a démissionné avec fracas, confirmant  publiquement la paralysie de cette structure… C’est dire que l’adoption et la ratification de ces conventions n’est pas une fin en soi, surtout quand la volonté politique à les traduire en actes concrets est inexistante.

Office central de répression de la corruption

Le gouvernement veut le réformer

Selon une dépêche de l’APS (Algérie presse service), le ministre de la Justice, gardes des Sceaux, a annoncé, jeudi 19 juillet 2018, à Tipasa, la formation d’un groupe de travail restreint début septembre prochain qui se chargera de la «réforme» de l’Office central de répression de la corruption (OCRC), et ce, dans le but de «consolider davantage les mécanismes à même de contribuer à la lutte contre ce phénomène». «Il est devenu impératif de réactiver les mécanismes de prévention qui est de la responsabilité de tous les secteurs et de la société de façon générale et qui est considérée comme l’un des moyens efficaces de lutte contre la criminalité», a-t-il ajouté. Créé par une ordonnance du chef de l’Etat le 26 août 2010, l’OCRC a pour mission d’effectuer des recherches et des enquêtes en matière d’infractions de corruption. Les infractions en matière de corruption  prévues par la  loi du 20 février 2006 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption relèvent de la compétence des juridictions à compétence étendue conformément aux dispositions du code de procédure pénale. Les officiers de police judiciaire relevant de l’OCRC exercent leurs missions conformément aux dispositions du code de procédure pénale et de la loi du 20 février 2006.

Installé 3 ans après sa création

Leur compétence territoriale s’étend sur tout le territoire national en matière d’infractions de corruption et des infractions qui leur sont connexes.

Il a fallu attendre trois longues années pour que l’OCRC soit installé, en 2013, alors que son directeur général — Abdelmamek Sayeh— avait été nommé en… 2011. Placé à ses débuts sous la tutelle du ministère des Finances, il sera «récupéré» en 2014 par le ministère de la justice.

Un décret présidentiel signé le 8 décembre 2011 précisera que l’OCRC peut recourir à l’auto-saisine en exploitant les informations rapportées par la presse ou par d’autres sources, comme il peut être saisi par l’Inspection générale des finances, la Cellule de traitement du renseignement financier, les commissions nationales des marchés, les services de police ou encore par de simples citoyens.

En avril 2016, un nouveau directeur général, Mohamed Mokhtar Rahmani,  est nommé à la tête de l’OCRC. Ce dernier dispose de l’autonomie d’action et de gestion (décret présidentiel du 23 juillet 2014) ; son directeur général établit le rapport annuel d’activités de l’Office qu’il adresse au ministre de la Justice.

Deux arrêtés interministériels fixent le nombre d’officiers et d’agents de la police judiciaire relevant des ministères de la Défense nationale et de l’Intérieur (10 pour chacun des deux ministères) mis à la disposition de l’OCRC, arrêtés signés le 10 avril 2012.

Djilali Hadjadj