Le livre scolaire représente un immense marché
L’Office national des publications scolaires est, selon le Snel, impliqué dans une grave affaire de corruption. Des milliards sont en jeu avec, explique-t-on, des faits et des chiffres à l’appui.
Un nouveau scandale a été déclenché hier par le Syndicat national des éditeurs de livres lors d’uune conférence de presse animée à Alger. Ce scandale concerne l’Office national des publications scolaires et est, selon le Snel, plus grave que Sonatrach 1 et Sonatrach 2, car, explique-t-on, «en plus de la dilapidation des deniers publics et de l’argent du peuple, il y a le préjudice moral parce qu’il s’agit du livre scolaire, de l’école et de l’avenir de nos enfants». En effet, selon Fayçal Houma, directeur des éditions El Maârifa et membre du Snel, «l’Onps vole annuellement environ 400 milliards de centimes aux Algériens». «L’Onps est une entreprises publique mais elle n’agit pas en tant que telle. Elle a lancé un appel d’offres restreint à travers le quotidien national Le Soir d’Algérie pour la confection de livres scolaires le 29 octobre 2015, soit le premier jour du Salon international du livre d’Alger (Sila). D’abord, selon l’article 15 de la loi sur le livre, il est clairement stipulé que c’est le ministère de l’Education nationale qui lance l’appel d’offres et élabore le cahier des charges. Ensuite, les lois régissant les marchés publics stipulent que le dépôt des offres se fait dans un délai de 45 jours alors que l’appel d’offres en question réduit le délai à 15 jours. Le cahier des charges enfreint par ailleurs la loi sur le livre en précisant que l’éditeur, pour qu’il soit éligible à ce marché, est tenu d’être obligatoirement imprimeur. Plus grave encore, le cahier des charges ne donne aucune précision sur l’objet de l’appel d’offres, à savoir le nombre de livres, le nombre de pages des livres, etc.,» précise Fayçal Houma, Néanmoins, toutes ces remarques ne sont que l’arbre qui cache la forêt. Car l’Onps fonctionne, selon Ahmed Madi, président du Snel, dans l’opacité la plus totale et ce, depuis des années. «Nous avons dénoncé la façon avec laquelle a été fait l’appel d’offres parce qu’il a été fait sur mesure pour favoriser certains éditeurs.
Nos appréhensions ont été confirmées jeudi dernier lors de l’ouverture des plis avec la reconduction des deux éditeurs Casbah et Chihab, et le choix des éditions Enag, Houda Al Hilal et Aurès Emballage, ces derniers étant, pour l’un importateur de papier qui s’est improvisé éditeur pour l’occasion et l’autre un fabricant d’emballage. En vérité, ces choix sont faits pour justifier la reconduction inconditionnelle de Chihab et Casbah dont l’ancienne convention était arrivée à expiration», a tonné Ahmed Madi qui rappelle, texte à l’appui, que tout cela est illégal.. Mais pas seulement.
Prenant la parole, Fayçal Houma a révélé qu’entre l’Onps et le groupe El Hilal, qui dispose de filiales dans l’importation, l’imprimerie et l’édition, une grande machine de corruption a été mise en place. «Fin décembre 2012, après deux appels d’offres conçus de sorte à être infructueux, l’Onps a passé une transaction commerciale avec le groupe El Hilal, pour l’achat de 12.000 tonnes de papier. Cette quantité peut couvrir les besoins de l’Onps pendant cinq ans avec une production annuelle moyenne de 4,5 à 5 millions de livres. Le comble, c’est que le prix du papier en 2012 n’excédait pas les 90 DA au détail. Or, les 12.000 tonnes achetées par l’Onps auprès du groupe El Hilal ont été facturées à 120 DA le kilo. Le directeur de l’Onps ce moment-là était Abdelfatah Hemani. Contre toute attente, l’Onps a récidivé en 2014 avec le nouveau directeur, Samir Boubeker en achetant 3000 tonnes de papier auprès du même fournisseur et suivant le même procédé, au prix de 125DA le kilo alors que dans le marché, le papier ne coûte que 98DA et au détail. Ces deux opérations cumulent, une surfacturation globale de 46 milliards de centimes.
Le même groupe, à savoir El Hilal, imprime des livres scolaires petit format (16.5X24) pour le compte de l’Onps pour le même prix que celui du livre grand format (20X28) qui est de 0,62 DA la page alors que le prix du petit format ne doit pas excéder 0,35% DA, soit un surplus de 0,27% la page. Pour un livre de 160 pages, cette surfacturation est estimée à 43DA; pour un tirage moyen de 4,5 millions de livres de cet acabit par an, la surfacturation annuelle est de 17,5 milliards de centimes. Quand on sait que le groupe El Hilal est dans cette démarche depuis sept ans, on peut avancer un chiffre global inhérent à la surfacturation de 120 milliards de centimes,» a-t-il détaillé en appelant à l’ouverture d’une enquête le plus vite possible pour vérifier les faits. Toutes ces révélations choquante faites, des dénonciations émises, le Snel s’est dit décidé à mener son combat à terme afin que «la corruption qui gangrène le monde du livre» cesse et, dans ce sens, n’exclut pas d’aller vers la justice, notamment dans l’affaire de l’Onps qui agit, selon le syndicat, dans l’illégalité la plus totale.