Cours particuliers de soutien scolaire à Sétif : L’anarchie règne en maître

Cours particuliers de soutien scolaire à Sétif : L’anarchie règne en maître

À tous les coins de rue, des locaux sont transformés en salles de cours.

Le phénomène des cours de soutien particuliers prend de l’ampleur. Les parents constatent que ces cours qui leur coûtent cher deviennent nécessaires. À tous les coins de rue, des locaux sont transformés en salles de cours. Une véritable anarchie qui devient inquiétante. Beaucoup de parents disent qu’ils sont obligés de payer les cours pour leurs enfants car ils ont peur des représailles des professeurs qui demandent à leurs élèves de suivre des cours particuliers. “Nous sommes en train d’acheter les différents examens officiels. Pour comprendre et être compétent, il faut suivre des cours particuliers soit dans des groupes soit en individuel”, nous dira un parent d’élève. Et de renchérir : “Ma fille est excellente, cependant son professeur de mathématiques lui a indiqué qu’il assure des cours non loin du lycée et qu’il est bénéfique pour se perfectionner de suivre des cours.” Il est à noter que chaque année, le nombre de professeurs assurant des cours particuliers augmente, le nombre de garages et d’écoles illégales aussi. De véritables établissements scolaires ouvrent leurs portes dans l’illégalité. Des parents estiment que les résultats réalisés par les élèves ne sont pas les résultats des établissements publics mais des garages où les professeurs, contrairement aux établissements publics, se donnent à fond. Les prix affichés sont exorbitants, car pour le primaire et le moyen, les potaches payent 1 000 dinars la matière. Pour les élèves du secondaire, notamment ceux des classes de terminale, la facture est plus salée. Kamel, un parent d’élève nous a confié que l’année dernière, le baccalauréat de son fils lui a coûté pas moins de 500 000 dinars entre cours particuliers dans presque toutes les matières. “Outre les désagréments causés par ces cours de soutien, les tarifs adoptés sont très élevés. En hiver, je ne rentrais pas à la maison avant 23 heures”, nous dira notre interlocuteur. Plusieurs formules de cours particuliers sont proposées aux parents. Les tarifs du groupe normal dont le nombre d’élèves dépasse parfois les 120 personnes est fixé entre 2 500 et 2 600  dinars. Le groupe dit spécial est souvent composé de 40 à 60 élèves est payé 5 000 dinars. Quant aux cours individuels, ils sont payés 2 000 dinars l’heure par matière. Pour le professeur Noui Djemaï, chercheur en sociologie à l’université de Sétif 2, le phénomène des cours particuliers s’est répandu telle une traînée de poudre, notamment après les réformes du système éducatif en 1999. L’arrivée de la cohorte en terminale a fait que les élèves étaient à la recherche d’une compréhension, voire d’un soutien. “Les élèves ainsi que leurs parents voyaient qu’il n’y avait pas d’équilibre entre le contenu des programmes et le temps alloué à chaque discipline. Le problème a continué à exister même après la stabilité constatée dans les réformes car le laxisme des pouvoirs publics a fait qu’une école privée illégale et désorganisée a été créée en parallèle”, nous dira professeur Noui. Notre interlocuteur voit que les différents intervenants n’ont pas pris la position adéquate pour lutter contre ce phénomène qui fausse l’évaluation de la réforme et qui touche la crédibilité d’une institution étatique qui doit être sacralisée afin d’assurer l’égalité des chances. “Les cours particuliers, qui étaient une spécificité des milieux urbains, a touché même les milieux ruraux. Cette contagion doit être l’objet d’une lutte sans merci”, a tenu à souligner notre interlocuteur. Et de renchérir : “Nous avons constaté que les familles jouent pleinement leur rôle dans l’instruction de leurs enfants au point où celle qui n’adhère pas à ces cours de soutien est dans l’imaginaire social mal vue ou vue comme défaillante et négligente à l’égard de son enfant.” Les sociologues voient que pour endiguer ce phénomène les pouvoirs publics doivent installer une commission composée des différents acteurs potentiels. “L’État régalien, à travers le ministère de l’Intérieur et autres institutions, doit fermer ces lieux”, dira professeur Noui. De son côté, M. Lahlou Azeradj, inspecteur, estime que “ce phénomène qui s’explique par des facteurs socio-psychologiques revient d’abord à la société qui a de gros doutes quant aux compétences professionnelles du corps enseignant ; en second lieu, la peur de l’échec et son effet immédiat la rue et quelquefois la délinquance”. “Par ailleurs la pression exercée sur les parents et les enfants est souvent source de stress qui trouve son unique remède dans les cours particuliers ; enfin il faut ajouter qu’il est de plus en plus difficile d’aider ses enfants à réviser ou à faire leurs devoirs”, ajoutera M. Azeradj qui voit qu’il est tout à fait naturel de voir les parents payer de plus en plus cher pour accroître les chances de réussite de leur progéniture. “Je considère que les cours particuliers constituent un appoint, un complément de formation et une aide précieuse pour les élèves. Néanmoins, il serait judicieux de mettre en place une réglementation pour lutter contre les effets pervers que tout le monde dénonce en limitant le nombre d’élèves par groupe tout en interdisant à tout professeur d’enseigner des élèves du même établissement scolaire dans lequel il exerce car les dérives en matière d’évaluation sont connues et décriées par tous.” Les professeurs doivent dispenser des apprentissages liés aux besoins des élèves. Notre interlocuteur propose de louer les établissements scolaires en dehors des heures de cours.

F. Senoussaoui