NAZIM BRAHIMI
La crise politique et institutionnelle que traverse le pays, depuis l’irruption du mouvement populaire réclamant le changement du système, se corse visiblement avec un recours décidément inquiétant à la force et à la répression alors que, sur le champ politique, c’est le statu quo que les initiatives soumises peinent à bousculer.
L’impasse est plus que jamais au rendez-vous alors que les intentions de solution ne manquent pas au moment où le pays s’apprête à célébrer vendredi prochain le 57e anniversaire de son indépendance.
Hasard de calendrier, la célébration de la fête de l’indépendance coïncidera avec l’acte 20 de la mobilisation populaire pour lequel les appels à la mobilisation se multiplient pour en faire un rendez-vous de réussite contestataire. Surtout que le 19e vendredi de mobilisation citoyenne pour le changement du système aura été une énième confirmation de la capacité de mobilisation du mouvement populaire qui ne faiblit pas après plus de quatre mois de manifestations de rue.
Il a été aussi celui du recours manifeste des autorités à la répression policière avec des interpellations de manifestants créant une tension perceptible dans les rues alors que les marches se distinguaient par leur caractère pacifique. Le traitement réservé aux manifestants, du moins depuis deux vendredis, est révélateur par ailleurs d’un durcissement dans les mesures de coercition et de dissuasion contre les marcheurs qui compte investir la rue en dépit des restrictions policières.
Blocage
Cette évolution n’est pas en vérité de bon augure pour une crise politique et institutionnelle qui tend à s’inscrire dans la durée, alors que les appels au dialogue et autres initiatives de sortie de crise fusent de partout.
Les partis réunis au sein des forces de l’alternative démocratique ont rendu public un « pacte politique pour une véritable transition démocratique » dans lequel ils réclament des mesures d’apaisement sans lesquelles « aucune négociation » n’est possible. Cette condition renvoie justement à des faits qui marquent la scène politique en lien avec le mouvement populaire, notamment les arrestations de manifestants et leur traduction devant la justice. Dans leur document, les partis signataires du pacte ne manquent pas de s’attaquer à la solution constitutionnelle défendue becs et ongles par le pouvoir politique. « L’organisation d’une élection présidentielle dans le cadre du système actuel ne servira qu’à sa régénération », ont-ils soutenu, réitérant ainsi leur désapprobation de la feuille de route du pouvoir qui peine à gagner des partisans.
Cette feuille de route ne suscite pas, cependant, une franche opposition au sein des « forces du changement », l’autre conglomérat de partis politiques et autres personnalités nationales, qui déclineront leur copie le 6 juillet prochain et dans laquelle la tenue d’une élection présidentielle avant la fin de l’année en cours « ne serait pas franchement rejetée ». Cela marquera vraisemblablement une évolution significative dans le champ politique, mais ne « garantira pas en revanche une solution à la crise qui persiste tant que les conditions de déroulement du scrutin présidentiel ne sont pas encore réunies », estiment des observateurs de la scène nationale.
Pendant ce temps, l’institution militaire tient à sa feuille de route qui se réfère au respect du cadre constitutionnel duquel elle ne compte pas s’éloigner. Pour le chef de l’état-major de l’ANP, Ahmed Gaïd Salah, « s’écarter sous quelque forme que ce soit du cadre constitutionnel signifie tomber dans des éventualités aux conséquences désastreuses, à savoir basculer dans le chaos ».