La suspension de la grève des magistrats continue de susciter débats et interrogations, tant le mouvement aura défrayé la chronique nationale avec des appréciations diverses depuis son déclenchement jusqu’à la reprise du travail par la corporation après l’accord conclu avec la tutelle.
Cet accord, qui a été mal accueilli par l’opinion publique, n’a également pas manqué de faire réagir le club des magistrats, qui s’est dit à la fois déçu et surpris par le choix du Syndicat national des magistrats (SNM) de reprendre l’activité après dix jours de débrayage et de climat tendu dans les tribunaux et les cours.
Ciblé visiblement par les critiques, qui lui reprochaient globalement d’avoir couru derrière des revendications purement matérielles, sans se soucier véritablement de la lancinante question de l’indépendance de la justice, le président du SNM, Issad Mabrouk, a fini par réagir.
D’emblée, le premier responsable du Syndicat national des magistrats a nié l’existence de pressions qu’auraient exercées les autorités publiques contre les magistrats grévistes pour les amener à abandonner leur action. « Nous n’avons jamais subi de pressions ni fait l’objet d’un quelconque chantage de quelque partie que ce soit», a-t-il indiqué en réponse à la thèse selon laquelle «les magistrats auraient monnayé leur mouvement en contrepartie de privilèges inavoués». Sur le contenu de l’accord, il a soutenu qu’il «n’était pas possible d’avoir un seuil plus haut de résultats compte tenu des circonstances et du climat général qui ont entouré la grève». Plus que le contexte,
M. Issad a tiré sur ce qu’il a désigné par « certaines mentalités », sans préciser quels genres de mentalités vise-t-il ni en quoi ces mentalités ont-elles impacté le cheminement de la grève. Il a également mis à l’index «les manœuvres du pouvoir exécutif et de ses bras» en restant vague à ce propos, alors que l’opinion publique ne cessait de s’interroger sur les motivations du SNM de suspendre son mouvement de grève.
Le président du SNM a confirmé, une nouvelle fois, que les négociations qui ont abouti à l’accord portant suspension de la grève ont impliqué plusieurs parties de l’Etat. Il a souligné, à cette occasion, que l’accord avec le ministère de la Justice « est l’aboutissement de plusieurs rencontres qu’il a eues avec de hauts responsables sécuritaires, les présidents de l’APN et du Sénat, le président du Conseil national des droits de l’Homme et certains ministres ».
Il précisera, à ce propos : « J’ai transmis à tout le monde et en toute fidélité les revendications des magistrats, comme elles ont été exprimées lors de nos différents rassemblements syndicaux et nos différentes correspondances », ajoutant que certaines parties ont agréé tandis que d’autres ont exprimé des regrets.
Dans sa plaidoirie, M. Issad a affiché de la satisfaction dès lors qu’il y a eu «remise en cause du mouvement partiel» opéré par le ministre de la Justice, Belkacem Zeghmati.
Le président du SNM a justifié son satisfecit en évoquant la possibilité accordée aux magistrats lésés dans ledit mouvement d’introduire un recours à la condition qu’ils « justifient par des arguments objectifs les motifs de leurs recours ».
Sauf que M. Issad n’explique pas les raisons pour lesquelles le SNM a reculé sur certaines de ses revendications, notamment celles portant sur l’indépendance de la justice se suffisant d’un atelier dont on n’a pas encore défini ni la mission ni les prérogatives.
Le président du SNM s’est abstenu par ailleurs de répondre à la réaction du club des magistrats qui s’est dit, mercredi, dernier étonné de la décision « unilatérale » prise par l’organisation présidée par Issad Mabrouk de suspendre le mouvement de grève. « L’accord conclu entre le syndicat et le ministère de la Justice a déçu de nombreux magistrats honorables et a choqué l’élite de la société algérienne qui a exprimé sa sympathie pour un secteur qui a longtemps été opprimé », avait indiqué le club des magistrats. Le club des magistrats a affirmé, dans le même communiqué, qu’«il n’a pas été consulté par le SNM dans la décision de suspendre la grève… »
Nazim Brahimi