Daesh, empêtré dans une forte résistance aux portes de Benghazi, a choisi depuis octobre de progresser en direction de Ajdabiya, distante de quelque 350 km de sa base de Syrte.
Salah al Makhzoum, vice-président du Parlement de Tripoli (CGN), et Mohamed Choueïb, un responsable du Parlement rival de Tobrouk, avaient annoncé, voici quelques jours, la signature de l’Accord parrainé par la médiation onusienne sur la mise en place d’un gouvernement d’union, demain 16 décembre.
Pressées par l’ensemble des pays participants à la Conférence de Rome, qu’ils soient occidentaux, arabes ou africains, ainsi que par les représentants de l’ONU et de l’UE, les deux principales factions vont-elles demain honorer les engagements? De plus en plus inquiètes par la lente mais inexorable avancée de l’Etat islamique sur le terrain, les puissances occidentales s’efforcent d’arracher la décision qui permettrait à un gouvernement d’union nationale d’engager une lutte sans merci contre Daesh et les trafiquants responsables des tragédies de migrants, observées depuis des mois en Méditerranée.
Or, certains observateurs mettent en garde contre ces «pressions» qui peuvent contrecarrer le processus de réconciliation patiemment élaboré depuis des mois et même accentuer les rivalités entre des factions dont le moins que l’on puisse dire est qu’elles ne respirent pas la confiance absolue.
Voilà pourquoi à la rencontre de Rome, mais aussi dans de nombreuses autres circonstances, les dirigeants occidentaux reviennent sans cesse à la charge, arguant à juste titre que l’Etat islamique est encore en train de progresser, lentement mais sûrement, vers les zones pétrolières de la Libye dont il ambitionne le contrôle, à brève échéance.
Comme nous l’avions indiqué voici deux semaines, Daesh, empêtré dans une forte résistance aux portes de Benghazi, a engagé, depuis octobre dernier, une progression en direction de Ajdabiya, distante de quelque 350 km de sa base de Syrte mais qui présente l’avantage de rayonner sur la quasi-totalité des sites pétroliers et gaziers libyens, aussi bien les gisements que les terminaux.
Cette offensive se heurte à une farouche résistance des milices de Fadjr Libya qui ont perdu, dans plusieurs batailles, des centaines de combattants pourtant appuyés par des tribus locales, alors que l’EI dispose de renforts qui proviennent des zones de guerre irakienne et syrienne ainsi que de la Tunisie voisine, lui conférant des capacités de nuisance fortes de plus de 3000 hommes. Est-ce à cause de l’importance de cette menace grandissante, que l’appréhension des enjeux a changé de nature, aussi bien à Tripoli qu’à Tobrouk, l’armée du général Haftar n’ayant pu s’installer durablement à Benghazi et encore moins progresser vers Tripoli, comme il s’y était engagé en 2014, et les milices de Fadjr Libya ayant du fil à retordre, dès qu’il s’agit de contenir les groupes terroristes de Daesh et d’Aqmi dans leur zone de Derna et de Syrte. Contraints et forcés, les dirigeants des deux factions doivent désormais faire abstraction de leurs griefs et de leurs exigences antérieures pour parvenir à une entente majeure qui donnera naissance au gouvernement d’union que la communauté internationale appelle de ses voeux depuis plus d’une année et que les populations libyennes attendent avec ferveur tant le traumatisme de quatre années de guerre civile aura laissé des traces cruelles.
Inlassablement, l’Algérie et le Groupe des pays voisins qu’elle conduit dans le cadre de l’UA ont milité pour cette solution politique, à l’exclusion de toute autre démarche, qu’il s’agisse d’une reprise des bombardements de la Libye par l’Otan ou d’une nouvelle agression militaire drapée dans les oripeaux de la mission humanitaire comme en 2011. Il appartient aujourd’hui aux organisations libyennes en présence de se déterminer par rapport à un risque croissant et des attentes légitimes de tout un peuple parce que la conjoncture est telle que des options inconnues à l’heure actuelle peuvent surgir à tout moment. A trop tarder, on finit par tout perdre et ni Tripoli ni Tobrouk ne souhaitent une telle issue.