Les daechiens sont en passe d’être vaincus dans la ville libyenne de Syrte où ils s’étaient sanctuarisés et établi une « wilaya » de Daech, l’organisation de l’Etat Islamique (OEI) au Maghreb.
Les milices ralliées au gouvernement d’union nationale de Fayaz al-Sarraj, ont avancé au prix de lourdes pertes dans la ville et ils seraient en train de traiter les dernières poches de résistance des daéchiens.
La reprise de la ville côtière s’est faite avec un appui aérien américain substantiel et la présence discrète – non reconnue officiellement – de forces spéciales américains et italiennes. Les Etats-Unis ont effectué au moins 28 frappes aériennes au cours des neuf premiers jours du mois d’août contre des cibles de l’EI à Syrte, rapporte le New York Times.
Le choix de l’EI de se sanctuariser à Syrte et de s’installer dans un territoire avec l’ambition de s’étendre était, en dépit du discours alarmistes des médias, militairement intenable. Ni les Etats de la région, ni l’Europe « toute proche », ni les Etats-Unis ne pouvaient accepter l’émergence d’une wilaya libyenne de Daech qui a trouvé, ici comme en Syrie et en Irak, dans le chaos provoqué par l’intervention militaire occidentale l’opportunité de creuser son trou.
Cette concentration des daechiens à Syrte permettait de les traiter plus facilement du point de vue militaire. Les forces ralliées au gouvernement d’union de Fayaz al-Sarraj, principalement les puissantes milices de Misrata, ont essuyé de lourdes de pertes dans la bataille pour la reprise de Syrte. L’appui aérien américain ne diminue en rien l’importance de l’action des milices de Misrata dans la reconquête de Syrte.
On ne connait pas encore l’ampleur des pertes des daechiens, il faudra attendre la reprise complète de la ville pour faire les comptes. Des estimations font état de la mort d’au moins 800 combattants de Daech sur un effectif estimé entre 3000 et 4000 éléments.
Rien n’est gagné
Ces « dernières heures » de Daech à Syrte ne signifient pas qu’il est fini en Libye et dans la région. Les daéchiens libyens auraient déjà quitté Syrte en direction de Bani Walid dans le sud-ouest, ceux qui combattent actuellement à Syrte sont quelques centaines d’étrangers qui n’ont pas la capacité de se fondre dans la population.
Les daéchiens libyens qui se sont extirpés de Syrte vont probablement se déployer dans le sud de la Libye, dans le Sahel, sans l’ambition de se tailler un territoire. Cette ambition de créer un Etat avec un territoire avait échoué au nord Mali, elle est en train d’échouer en Libye. Et, c’est certain, elle échouera en Syrie et en Irak.
Daech, on ne le dira jamais assez, est un intégrisme radical politique qui existe dans les sociétés arabes mais qui était condamné à rester groupusculaire sans les interventions occidentales qui lui ont donné une base de masse. Les décisions de guerre de Bush-Blair en Irak et Sarkozy-Cameron en Libye ont été désastreuses et criminelles, ils sont bien les géniteurs de Daech.
De l’Irak à la Libye, tous les présumés changements provoqués par l’intervention occidentale brutale n’ont provoqué qu’un chaos qui a permis aux islamistes radicaux de creuser leur trou et de se métastaser. Les populations qui ont subi à ces entreprises guerrières de l’Occident impérial découvrent que l’absence d’un Etat est la pire des situations.
La libération en cours de Syrte est une bonne nouvelle mais il ne faut pas croire qu’elle règle tous les problèmes. Elle va même en créer de nouveaux puisque les éléments de Daech – on parle de 3000 à 5000 éléments – vont essaimer en Libye et vers les autres pays de la région notamment au Sahel.
Cette « dispersion » va poser de sérieux problèmes sécuritaires pour l’ensemble des pays de la région dont l’Algérie et la Tunisie. La perte de Syrte pourrait en effet inciter les daéchiens à commettre des attentats spectaculaires, à l’image de l’attaque contre la ville de Ben Guerdane en Tunisie.
Un blocage nommé Haftar
Mais si Daech restera menaçant en Libye, c’est bien en raison de l’incapacité à remettre en marche la reconstruction de l’Etat. A l’est, en Cyrénaïque, les choses ne bougent pas. Le parlement de Tobrouk, reconnu au plan international n’a toujours pas reconnu le gouvernement d’Union.
Le très controversé général Khalifa Haftar, soutenu par l’Egypte, est au cœur du problème et les Occidentaux ne font rien de sérieux pour s’y attaquer. En outre, les fédéralistes de l’Est du pays pour ne pas dire les séparatistes posent problème. Il est clair que les acteurs de l’ouest libyen qui rejettent Haftar n’accepteront pas non plus de faire de concessions aux fédéralistes sachant que les deux de la production pétrolière se situent à l’est.
Ces forces centrifuges s’imbriquent à un jeu tribal complexe où chacun cherche à négocier sa place dans une nouvelle configuration. Le processus politique mené sous l’égide de l’Onu est censé répondre à cette situation en favorisant une solution politique consensuelle permettant de reconstruire l’Etat libyen et de rétablir son autorité sur l’ensemble du territoire. Or, ce processus est bloqué. Si les milices de l’ouest ont rallié le gouvernement d’Union, à l’est le blocage persiste.
Le gouvernement d’union est entrain de marquer un point à Syrte. Mais il est bien insuffisant. L’Onu et la communauté internationale vont devoir s’attaquer au blocage de Tobrouk. Il s’appelle Khalifa Haftar.