Pour sa énième sortie de l’ombre, le chef d’Ansar Eddine menace de torpiller l’accord d’Alger.
Planqué, silencieux, “évaporé” quelque part entre le nord du Mali et le Sud libyen, le leader d’Ansar Eddine, Iyad Ag Ghali, a refait surface, en début de semaine, à travers un message sonore dans lequel il s’en prend aux signataires de l’accord d’Alger (signé en juin dernier entre les groupes rebelles du Nord et le gouvernement de Bamako), particulièrement les groupes militaro-politiques du Nord, regroupés autour de la CMA et de la Plateforme, qu’il menace de représailles.
Une sortie qui n’a pas laissé insensibles la CMA et la Plateforme qui ont, récemment, scellé un accord de réconciliation, qui ont réagi en tenant, hier, à Kidal, dans le nord du Mali, une réunion “pour examiner” cette situation. En effet, outre les signataires de l’accord, Ag Ghali menace d’empêcher la mise en œuvre dudit accord de paix par n’importe quels moyens. S’il en disposait. Et il semble en avoir trouvé à travers les jeunes qu’il compte mobiliser pour cette tâche qui est la reprise des attentats fortement suggérée dans le message.
Signe que les deux blocs signataires de l’accord prennent au sérieux les menaces, d’autant plus que le charismatique chef terroriste a appelé, dans son message sonore authentifié, les jeunes du Nord à se mobiliser contre cet accord.
Son argument : les groupes signataires de l’accord ont, selon lui, bradé le sang et la terre. Sauf que concernant “la terre”, autrement dit la région de l’Azawad, Iyad Ag Ghali n’a jamais été partisan de l’autonomie ou de l’indépendance, ce combat initial du MNLA auquel il n’a nullement adhéré ni cautionné d’ailleurs mais sans le rejeter non plus.
Car celui-ci lui a surtout permis de conquérir un vaste territoire déserté par l’armée régulière défaite par le MNLA. Et d’élargir son autorité et son influence au-delà de son fief, les monts des Ifoghas, à Kidal. Pour faire capoter la mise en œuvre de l’accord d’Alger, Ag Ghali fait appel “aux jeunes”, les jeunes qui constituent d’ailleurs la majorité des effectifs d’Ansar Eddine, pour répondre à son offre “par les ceintures d’explosifs, les charges télécommandées et les engins piégés”.
Tout un programme et une feuille de route dans la perspective d’entreprendre des attaques ciblées en utilisant les kamikazes. Il a également salué, dans son message, les attentats commis au nord et au sud du pays sachant que ces derniers ont fait l’objet d’au moins deux revendications.
Notamment celle d’El-Mourabitoune de Mokhtar Belmokhtar et du Front Macina, que les experts présentent comme étant des sous-traitants pour les groupes terroristes les plus influents dont El-Mourabitoune et Ansar Eddine. Le chef d’Ansar Eddine, dont la tête a été mise à prix par les États-Unis, s’en prend directement à la France, qui est “un ennemi” à abattre, selon lui. La France qui, pourtant, selon des analystes, l’a épargné lors de son intervention pour stopper l’avancée de la coalition Ansar Eddine-Mujao (Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest) sur Bamako et libérer le Nord du Mali occupé par les groupes terroristes et le MNLA.
Une mansuétude qui s’expliquerait par le rôle joué par Ag Ghali dans la libération des otages français au Mali dont les travailleurs d’Areva. Selon l’optique française, c’est un homme “utile” qui pourrait encore servir dans le cadre de la nouvelle stratégie française pour le Sahel.
D. B.