Il n’y a apparemment pas de guerre psychologique dans la maison FLN. Notre virée ce matin au siège du vieux parti dans la capitale nous a donné à voir un impressionnant tableau de calme et de sérénité, comme si ce parti ne vivait ni une crise organique et politique, ni s’apprêtait à préparer un congrès objet de toutes les convoitises et source d’une plainte déposée en référé par les adversaires du SG Amar Saâdani.
D’ailleurs, dans les discussions avec les cadres et militants du FLN sur cette affaire de justice, c’est l’optimisme et la satisfaction généralisée. Il n’y a ni angoisse, ni peur.
Dans l’entourage de la direction, on estime que le dernier report décidé par la chambre administrative du tribunal de Bir Mourad Raïs quant à la demande d’annulation des travaux du congrès est déjà un succès judiciaire.
« S’il y avait la moindre preuve de ce qu’ils avancent (les plaignants), les juges n’auraient pas hésité un seul instant », nous dit-on. En fait, dans l’autre camp, c’est la même impression. Un paradoxe qui confirme que ce vieux parti, qui détient la majorité dans toutes les assemblées élues, n’est guère comme les autres.
Actuellement l’analyse des faits au sein de ce parti, devenu une véritable mouvance idéologique et politico-organique, est une opération très délicate. La frontière des sympathies qui délimite un clan par rapport à un autre est tellement ténue que plus personne au sein même des réseaux traditionnels du FLN n’ose s’aventurer à prédire une alliance solide ou une vraie loyauté à un chef ou à une chapelle.
Ce matin-là, il semble bien que le FLN se dirige vers la tenue de son congrès, prévue jeudi prochain à la Coupole du complexe olympique du 5-juillet. Et rien ne semble entacher le déroulement de cette rencontre capitale, pas même une décision de justice que tout le monde attend avec impatience.
En réalité, dans les milieux « neutres » de ce parti, on pense que le vrai enjeu se situe au jour d’avant du congrès, c’est-à-dire mercredi prochain, non pas parce que la justice va rendre son verdict, mais tout simplement parce que les membres du comité central, fidèles à Saâdani ou à un autre, seront convoqués pour débattre de trois points à l’ordre du jour.
D’abord, le vote des résolutions du congrès ainsi que les motions qui seront proposées aux congressistes, ensuite le vote sur des questions liées au déroulement des travaux du congrès (comme les commissions et la désignation des composantes humaines), et enfin un dernier point qui serait bien celui de la …crise actuelle. C’est ainsi que des sources proches de Saâdani nous affirment que les membres du CC débattront de la contestation actuelle à la fin de la session.
Les membres du CC seront libres d’évoquer leurs propres opinions et leurs points de vue sur ce mouvement de contestation et la crise qui secoue les appareils du parti depuis de longues années.
Certains parmi les partisans de Saâdani avouent que lors de cette session du CC, ils n’hésiteront pas à proposer la « réactivation de la commission de discipline pour examiner et sanctionner les cas de ces « rebelles » organiques.
Dans l’entourage de Saâdani, on affirme qu’il n’est plus possible de « garder encore des brebis galeuses ou de protéger des dinosaures », citant une vingtaine de noms, entre ex-ministres et actuels membres du Conseil de la nation ou députés, comme Belayat, Ziari, Harraoubia, Tou, Ayachi (ancien chef du groupe parlementaire à l’APN).
Il est fort possible que le cas de Belkhadem soit également mis au-devant de la scène, presque une année après le fameux communiqué de la Présidence qui l’a brutalement « licencié » de son poste et invité le secrétaire général du FLN à le « dégommer » des listes des militants.
En l’absence de réaction des milieux adversaires de Saâdani sur le report énigmatique du tribunal, il semble, selon quelques échos, qu’on s’attend à une victoire politique et judiciaire, même si le jour de l’annonce de l’arrêt de la justice coïncide avec le déroulement de la session du comité central, et à quelques heures du début des travaux du dixième congrès.
Et là, certains parmi les plus farouches adversaires de Saâdani estiment que l’entêtement actuel du bureau politique ne peut pas occulter qu’il existe une profonde fracture au sein des appareils du FLN. Sinon, comment va faire Saâdani avec le fameux groupe parlementaire bis, qui comprend presque une centaine de députés ? Va-t-il nier la réalité ? Pourra-t-il sanctionner ou faire disparaître les 178 signataires du CC qui refusent son diktat ?
Néanmoins, et nonobstant le « charivari » du parti il paraît, aux yeux des observateurs, que la décision de justice de mercredi prochain ne sera qu’un coup d’épée dans l’eau, une décision « futile et inutile ». Le coup est tellement calculé par les magistrats que le référé, censé être rapide et circonstancié, est devenu un vrai chassé-croisé judiciaire et un ballet complexe entre avocats des deux camps.
Cela rappelle bien des épisodes quand des clans liés aux cercles du pouvoir s’entretuent dans les méandres de la justice. Un référé qui dure plusieurs semaines n’est pas fait pour arranger les affaires des plaignants, qui cherchent justement à faire invalider tout le congrès, et surtout la qualité de ses centaines et milliers de congressistes, désignés par de nouveaux mouhafedhs installés eux-mêmes dans des commissariats créés spécialement pour ça ; donc tout un système de désignation organique que les statuts du parti et son règlement intérieur ne prévoient pas.