Un rapport de parlementaires britanniques avait déjà averti contre le risque d’un décès brutal de l’ex-chef d’État égyptien en détention, en raison du traitement inhumain qu’il a subi en prison.
Plusieurs voix se sont élevées hier pour demander aux autorités égyptiennes l’ouverture d’une enquête indépendante sur la mort de l’ex-président Mohamed Morsi, survenu lundi lors de son procès, six ans après sa destitution par l’actuel chef d’État Abdel-Fattah al-Sissi. “Toute mort soudaine en prison doit être suivie d’une enquête rapide, impartiale, minutieuse et transparente menée par un organe indépendant afin de faire la lumière sur la cause du décès”, a déclaré Rupert Colville, porte-parole du Haut-Commissariat aux droits de l’Homme. “Comme l’ancien président Mohamed Morsi était détenu par les autorités égyptiennes au moment de sa mort, l’État a la responsabilité de s’assurer qu’il était traité humainement et que son droit à rester en vie et à être soigné a été respecté”, a-t-il estimé, rappelant les “inquiétudes” exprimées sur l’état de santé du défunt président en détention et le risque de mourir à n’importe quel moment, en raison de son maintien à l’isolement 23 heures par jour alors qu’il souffrait de diabète et d’insuffisance rénale.
En mars 2018, une commission britannique indépendante avait condamné ce traitement qu’il a subi durant six ans de détention après le putsch mené par l’actuel président, qui a occupé en 2012 le poste de chef d’état-major des armées. “Nous craignions que si Morsi ne bénéficiait pas d’une assistance médicale d’urgence, les dommages pour sa santé pourraient être permanents et même mortels. Malheureusement, nous avons eu raison”, a affirmé hier le député britannique Crispin Blunt, en estimant que la “chaîne de responsabilités” pouvait remonter jusqu’à l’actuel président égyptien Abdel Fattah al-Sissi. Amnesty International et Human Rights Watch (HRW) ont réclamé une enquête indépendante. “Les autorités égyptiennes devraient faire l’objet d’une enquête pour les mauvais traitements infligés à l’ancien président Mohamed Morsi, décédé le 17 juin 2019 après des années d’accès insuffisant aux soins médicaux”, lit-on dans un communiqué de HRW, exigeant que “le Conseil des droits de l’homme des Nations unies, dont la prochaine session s’ouvrira le 24 juin, ouvre une enquête sur les violations flagrantes des droits de l’homme en Égypte, notamment les mauvais traitements généralisés dans les prisons et la mort de Morsi”.
Pour sa part, Amnesty International a dénoncé l’abus dont a été victime l’ancien président, démocratiquement élu en 2012, après la fin de 30 ans de règne sans partage de Hosni Moubarak. L’ONG s’est dit “choquée par la nouvelle de la mort de Mohamed Morsi au cours de son audience”, appelant les autorités égyptiennes à “ouvrir immédiatement une enquête concernant les circonstances de la mort et de la détention de Mohamed Morsi ainsi que sur le suivi médical dont il faisait l’objet”, lit-on dans le communiqué d’AI. “En tant que détenu, les autorités égyptiennes étaient responsables du suivi médical dont faisait l’objet Mohamed Morsi”, a affirmé Magdalena Mughrabi, directrice adjointe de la zone Mena au sein d’Amnesty. Pour rappel, Mohamed Morsi a été enterré dans la nuit de lundi à mardi, en toute discrétion dans un cimetière cairote en présence de sa famille.
Lyès Menacer