Déchets dangereux et santé : Seule la dose fait le poison

Déchets dangereux et santé : Seule la dose fait le poison

La question des enjeux sanitaires liés aux déchets est complexe et donne lieu à de nombreux débats. Devant la diversité des polluants en présence, des modes de gestion et des voies d’exposition, les connaissances restent imparfaites et perfectibles.

Dans notre pays, si plusieurs textes législatifs et réglementaires, parus notamment durant la dernière décennie, ont concrétisé la prise de conscience des autorités du secteur de l’environnement et de la santé à l’égard du risque «déchets dangereux», il demeure que le traitement de ces derniers n’obéit en général à aucune démarche de sécurité environnementale ou de santé publique, les facteurs essentiels du déterminisme de la situation actuelle étant : – l’absence d’une politique claire de gestion de ces déchets – l’insuffisance de moyens financiers et humains – l’insuffisance de sensibilisation aux risques.

Le ministère de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement (Mate) : s’est engagé à développer une stratégie environnementale au sein de laquelle la prise en charge du volet «gestion des déchets solides» constitue une priorité et une urgence.  En octobre 2001, le Mate a, dans le cadre de la politique nationale de maîtrise et de modernisation de la gestion des déchets spéciaux, lancé l’opération d’élaboration du «cadastre national des déchets spéciaux» : ceci avait pour objectif de recenser la production et les stocks de déchets industriels spéciaux et des déchets liés aux activités de soins.

Ensuite, le plan national de gestion des déchets spéciaux a été institué par la loi 01-19 : outil de gestion, de planification et d’aide à la décision, il a été élaboré par le Mate en concertation avec les autres départements ministériels ; il est révisé tous les 10 ans.

Les outils juridiques, institutionnels et de sensibilisation ont été renforcés avec la mise en place d’instruments juridiques et financiers et, dans ce cadre, la loi relative à la gestion, au contrôle et à l’élimination des déchets a été promulguée en décembre 2001. En 2002, le gouvernement a élaboré un Plan national d’actions environnementales et du développement durable qui retrace à moyen et long termes la stratégie et les priorités à engager

Plus récemment, un Programme national de gestion intégrée des déchets spéciaux (Progdes) a été initié et mis en œuvre : ce programme vise essentiellement : – une gestion saine et rationnelle des déchets dangereux – l’éradication des décharges sauvages. Les déchets produits ne sont pas seulement de plus en plus nombreux mais de plus en plus variés. Cette tendance est liée au développement de l’économie de marché, par la production accrue des déchets issus de la consommation des ménages, mais surtout de ceux issus des processus industriels qui fabriquent des biens en toujours plus grande quantité, à l’échelle mondiale.

La question des enjeux sanitaires liés aux déchets est complexe et donne lieu à de nombreux débats. Devant la diversité des polluants en présence, des modes de gestion et des voies d’exposition, les connaissances restent imparfaites et perfectibles.

Où en est la politique de santé publique face à la question des risques de ces déchets ?

La santé est une notion globale, déterminée par 4 types de facteurs : les caractéristiques biologiques et génétiques, les comportements personnels, l’environnement au sens large (qui inclut l’espace social) et les performances du système de soins. L’OMS estime qu’un quart des pathologies dans le monde (un tiers chez l’enfant) relève de facteurs environnementaux modifiables, les déchets en sont certainement une composante de plus en plus lourde.

En ce qui concerne les déchets, dont le volume et la variété croissent au rythme du développement du pays, la révélation de leur mauvaise gestion au sens économique du terme a permis de faire évoluer les pratiques. La valorisation des déchets est un exemple de cette évolution qui, dans le cas cité, prend aussi appui sur la dimension économique des déchets et leur potentielle valeur ajoutée.

Pour autant, la question de l’élimination des déchets pose toujours la question : quels sont les dangers liés au stockage, et à l’élimination non conforme à la législation ?

Les déchets ainsi traités forment un héritage : celui laissé par les générations précédentes et celui transmis aux générations futures. Qu’en est-il des sols et sites pollués ? Quels sont les voies et les vecteurs d’exposition humaine aux polluants émis par les déchets et par leur traitement ? Est-on capable de passer de la notion de danger à la notion de risques ? Quelle forme d’évaluation ? Dans ce contexte, qu’en est-il de l’acceptabilité sociale du déchet dans la société ?

Gestion des déchets dangereux en Algérie

Selon le rapport de GIZ 2014 sur la gestion des déchets solides en Algérie, les déchets spéciaux générés sont d’environ 330.000T/an (2011). Les quantités de déchets stockés en attente d’une solution d’élimination en 2007 sont de l’ordre de 2 008 500 tonnes dont la moitié se trouve à l’est du pays.

En Algérie, la loi interdit à toute entreprise d’abandonner, de brûler, d’enfouir ou de rejeter les déchets industriels spéciaux (DIS) qu’elle produit. Dès lors, elle doit confier cette gestion à des sociétés spécialisées.

En dépit de cette loi, la gestion des déchets industriels reste encore non développée d’un point de vue technique et organisationnel. Les unités industrielles et les structures existantes peinent, en effet, à éliminer leurs déchets spéciaux et les restes des produits dangereux. Cette situation favorise les pratiques telles que :

Le brûlage en plein air.

Le mélange des déchets de différentes catégories.

La mise en décharge sauvage.

Ainsi que les autres formes de stockage non appropriées.

Les déchets industriels dangereux ou déchets industriels spéciaux (DIS) forment plusieurs catégories, en l’occurrence les :

– équipements de production désuets

– Equipements électriques (dont de vieux équipements contenant du PCB) résidus de produits chimiques

– Métaux ferreux ou non ferreux

– Huiles usées

– Résidus textiles contaminés ou non

– Boues de réservoir ou de procédés industriels

– Résidus d’assainissement (boues, filtres, produits chimiques, Cendres et mâche fer des chaudières industrielles).

La notion de danger est liée aux propriétés des déchets. S’ils contiennent des substances nocives ils sont classés en déchets dangereux aux propriétés définies comme suit :

– explosif.

– Comburant : réaction fortement exothermique au contact d’autres substances.

– Facilement inflammable.

– Inflammable;

– Irritant : réactions inflammatoires sur la peau et les muqueuses.

– Nocif : risques limités par ingestion, inhalation ou pénétration cutanée.

– Toxique : risques graves voire chroniques par ingestion, inhalation ou pénétration cutanée

– Cancérogène.

– Corrosif : action de destruction des tissus vivants par contact.

– Infectieux : risque de transmission de pathologies infectieuses ;

– Toxique pour la reproduction.

– Mutagène : augmentation de la fréquence des défauts génétiques héréditaires ou des capacités de reproduction. Ingestion, inhalation ou pénétration cutanée.

– Susceptible de dégager des gaz toxiques en cas de contact avec l’eau, l’air, un acide.

– Susceptible de donner naissance à d’autres substances toxiques après élimination.

– Ecotoxique : risques immédiats ou différés pour l’environnement.

Ces propriétés générales de dangers des déchets sont complétées par une qualification plus précise des risques encourus qui doivent figurer sur les emballages et étiquetages des substances (phrases R). Il existe en l’état actuel de la législation plus de 120 risques ou combinaisons de risques identifiés dont voici quelques exemples : très toxique par contact avec la peau (R27), risque de lésions oculaires graves (R41), peut causer le cancer (R45), risque possible d’altération de la fertilité (R62).

D’une manière générale, plus de la moitié des déchets dangereux produits provient des activités industrielles (chimie et pétrochimie, métallurgie,..), le tiers du secteur des BTP, et environ les 10% du secteur tiers. Il faut noter par ailleurs que bien que le pays ait connu ces cinq dernières années une légère avancée en matière de prévention et de réduction de la pollution industrielle,

à l’instar des entreprises telles qu’Asmidal, Ispat et Alzinc en engageant un processus d’intégration des impératifs de protection de l’environnement dans leurs projets de développement et ont réalisé des investissements visant à réduire la pollution industrielle, beaucoup reste à faire. La production des déchets étant en hausse, il est d’autant plus légitime de s’interroger sur les effets sanitaires potentiels liés aux modes de leur gestion. Les plus étudiés dans la littérature sont les stockages et l’incinération.

H. Benotmane,