Le chef de la diplomatie algérienne est revenu, de nouveau, sur les dernières déclarations du roi du Maroc où il s’était attaqué, directement, à l’Algérie dans son discours prononcé le 6 novembre dernier, à Laâyoune, la capitale sahraouie occupée, dans le cadre du 40ème anniversaire de «la marche verte».
Dans une longue interview, au quotidien français’ L’Opinion’, parue, hier, le ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, a considéré les propos tenus par les hauts dirigeants marocains, contre l’Algérie, comme une «regrettable illustration» du «pari du Maroc sur le pire». Mohamed VI avait accusé Alger de mener une «croisade militaire et diplomatique contre le Maroc».
Le monarque marocain a également dénoncé les droits des quelque 40 000 réfugiés sahraouis installés à Tindouf, qui endurent «les affres de la pauvreté, de la désolation et de la privation» et continuent «à pâtir de la violation systématique de leurs droits fondamentaux», sous-entend par l’Algérie. Le nombre de Sahraouis vivant dans les 5 camps de réfugiés s’élève à 165.000 âmes, signale l’Agence des Nations unies pour les réfugiés. La réponse de Lamamra est pratiquement la même qu’il avait donnée, le 8 novembre dernier, à une question sur la position de l’Algérie vis-à-vis des propos du roi du Maroc, lors d’une conférence de presse qu’il avait animée conjointement, avec son homologue colombienne, Maria Angela Holguin, en visite de travail, en Algérie. A l’Opinion, le ministre des AE a, également, souhaité que le mandat de médiation des Nations unies «soit pris au sérieux» et que les négociations «sérieuses» s’engagent entre le Maroc et le Front Polisario, sous l’égide onusienne, faisant référence à l’appel du Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon, depuis New York à de «véritables» négociations entre les deux parties qui doivent être lancées dans les prochains mois pour aboutir à l’autodétermination du peuple sahraoui. Evoquant la position de l’Algérie sur ce dossier, Lamamra a rappelé que «le président Bouteflika vient de réaffirmer la position de l’Algérie à Christopher Ross, l’envoyé personnel du Secrétaire général des Nations unies, sereinement mais fermement, comme il convient lorsqu’il s’agit des positions de principes conformes au droit et à la doctrine universelle en matière de décolonisation». Dans un premier temps, il avait affirmé que l’Algérie «se veut, résolument, un exportateur net de paix, de sécurité et de stabilité, dans son voisinage et, à fortiori, lorsqu’il s’agit du Sahara Occidental».
Pour Ban Ki-Moon et l’opinion mondiale, la solution la plus naturelle à ce conflit est l’autodétermination du peuple du Sahara Occidental mais pour Mohamed VI, pour qui le Maroc ne lâchera jamais «son» Sahara, «l’initiative d’autonomie est le maximum que le Maroc puisse offrir». Une solution rejetée par le Polisario qui réclame un référendum d’autodétermination. Ce dossier, source permanente d’une tension dans la région et qui empoisonne le climat entre le Maroc et l’Algérie, devra être solutionné, et définitivement, par les instances onusiennes. Le Conseil de sécurité de l’ONU doit prendre une décision forte et responsable pour mettre le Maroc devant ses responsabilités mais, malheureusement, l’argent de la diplomatie de Sa Majesté est passé par là. Le Snowden marocain révélait que l’entourage proche de l’ex-Haut-Commissaire pour les Droits de l’Homme (HCDC), Navi Pillay, était infiltré par le Maroc pour manipuler la gestion du dossier des violations des droits de l’homme au Sahara Occidental. Le Makhzen avait mis en place une véritable stratégie d’infiltration et de pression sur la première responsable du HCDC, à travers son entourage l’influençant, directement, dans le dossier sahraoui.
Dépassant le simple travail de lobbying, les documents de la Mission marocaine à Genève, piratés par le hacker cyber-activiste, mettent en lumière un maillage pour cadenasser le dossier des droits de l’Homme au Sahara Occidental. Appui financier, fuites d’informations sensibles, pressions et manipulations ont été les armes favorites du Maroc pour éviter de se faire épingler sur cette question, jusqu’à aujourd’hui. Une stratégie payante puisqu’elle a permis de faire avorter une tentative d’élargissement du mandat de la mission de l’ONU au Sahara Occidental (Minurso) à la question des droits de l’Homme. Washington ayant élaboré un projet de résolution en ce sens, au Conseil de sécurité avant de renoncer face au lobbying de Rabat.