La demande d’audience des “19-4” au président de la République aura, à l’évidence, marqué les esprits. Mais plus d’un mois après son lancement, la démarche semble atteindre ses limites.
Le leitmotiv est immuable. “Nous voulons rencontrer le président de la République”, persistent à demander les désormais “19-4”, presque un mois et demi après leur demande d’audience à Abdelaziz Bouteflika. Une demande restée lettre morte. Mais la démarche aura incontestablement marqué les esprits, pour avoir provoqué un sérieux malaise au sein du cercle présidentiel. En témoignent, d’ailleurs, les réactions extrêmement violentes et démesurées de ceux qui, à l’exemple du SG du FLN, Amar Saâdani, ont accaparé la parole présidentielle pour signifier une fin de non-recevoir à la requête des “19-4”. Des réactions qui ont vite conforté dans leurs doutes ces personnalités autrefois proches du Président. Un doute consistant à se demander si Abdelaziz Bouteflika est au courant de tout ou si c’est son entourage qui déciderait à sa place. L’opinion publique a été ainsi prise à témoin et suffisamment alertée sur ces décisions qui ne ressembleraient pas au président de la République. Il s’agit, entre autres, de la poursuite en justice et l’emprisonnement de hauts gradés de l’armée et des services de renseignement, mais aussi le renoncement au droit de préemption de l’État et autres mesures dites “antinationales” contenues dans le projet de loi de finances 2016. Mais après ? Six semaines sont déjà passées depuis le 1er novembre 2015, jour où la démarche a pris naissance et aucune décision n’est venue mettre fin à toutes ces “dérives” et autres “scandales” dénoncés par les “19-4”. Bien au contraire, la loi de finances 2016, avec toutes ses mesures “anticonstitutionnelles”, a été adoptée à la faveur d’un “coup de force” par la majorité parlementaire à l’APN, et la mesure consacrant le “renoncement au droit de préemption de l’État” est passée dans le code des investissements. L’ex-patron de la lutte antiterroriste, le général Hassan, a été condamné à cinq ans de prison ferme et l’ex-directeur général de la sécurité et de la protection présidentielle, le général-major Djamel Kehal Medjdoub, a écopé de trois ans de prison ferme.
Des événements qui ont, chose inédite, fait sortir le général de corps d’armée à la retraite Mohamed Mediène, dit Toufik, de son silence pour prendre à témoin l’opinion publique sur une cabale et défendre ses ex-subordonnés. Pendant ce temps, les “19-4” ne savent pas encore si Abdelaziz Bouteflika finira un jour par les recevoir. C’est que la démarche elle-même est entachée de certaines contradictions. Peut-on seulement demander audience à un président qu’on pense otage de son entourage, donc démuni de ses capacités à gouverner ? Plus le temps passe et plus les “19-4” ont la certitude que ce n’est pas Abdelaziz Bouteflika qui gère les affaires du pays. L’ancien moudjahid Lakhdar Bouragaâ est affirmatif. La SG du Parti des travailleurs (PT), Louisa Hanoune, l’est aussi, quoique de fraîche date. Pourquoi donc persister à attendre vainement une réponse à un courrier dont on soupçonne même qu’il n’est jamais arrivé à destination. Vraisemblablement, les “19-4” ont du mal à passer à une seconde étape dans leur démarche, et traînent jusqu’à peut-être, bientôt, l’essoufflement. Leurs réunions se suivent, se multiplient et se résument à l’établissement de constats. Ceci, au moment où l’opinion publique s’attend à une suite. Car une telle démarche qui va jusqu’à remettre en cause l’“alacrité” présidentielle suppose une action ultérieure. C’est qu’à un moment donné, les “19-4” doivent avoir le courage de dire si leur initiative a atteint ses limites, ou alors montrer qu’ils sont capables de rebondir et d’imaginer un enchaînement possible. La demande d’audience étant peut-être déjà dans la corbeille du courrier ordinaire de la présidence de la République, l’opinion publique finira par se lasser et les 15 restants des 19 finiront aussi par rentrer chacun chez-soi. À moins qu’ils osent aller plus loin. Mais comment ?
M.M.