Près d’une vingtaine d’éditeurs ont pris l’initiative de ne pas participer au 24e Salon international du livre d’Alger (Sila 2019), qui ouvre ses portes aujourd’hui au grand public, nous a affirmé Manaf Saihi, membre de l’Organisation nationale des éditeurs de livre (Onel) et directeur des éditions Saihi.
Parmi les éditeurs qui ne prendront pas part au Sila, la majorité sont membres de l’Onel, dont notamment les éditions El Maktaba El Khadra, Samar, ou encore Dar El Othmania.
A ce propos, Manaf Saihi nous souligne que «cela se fait pour diverses raisons, dont la plus importante est le manque de considération pour les éditeurs nationaux. D’autres pensent que « ce n’est plus opportun, surtout à cause des charges et des frais de participation de plus en plus lourds».
Il est évident, selon lui, que le Sila «cumule les problèmes majeurs pour les éditeurs nationaux. Le fait est qu’il favorise, d’une part, les éditeurs étrangers au détriment des nationaux, et favorise, d’autre part, les importateurs de livres que les véritables professionnels du secteur, qui prennent le risque d’éditer localement. Au fil des années, la répétition de ce genre de comportement fait peser une véritable menace sur le secteur de l’édition en Algérie. Cette année encore, ce sont les mêmes mécanismes de gestion, d’où le fait que ces éditeurs préfèrent boycotter le Sila 2019».
Il estime dans ce sillage que « même si on a changé de commissaire, rien ne change, ça reste toujours dans la même ligne éditoriale, puisque l’actuel commissaire faisait partie de l’ancienne équipe ». Notre interlocuteur précise à ce sujet que «le Sila constitue une couverture pour les opérations d’importation, en marge de la légalité ». Expliquant que « les importateurs commandent des réceptions d’ouvrages à des centaines d’exemplaires, en marge et pendant le Sila, sous la couverture de leur participation au Sila. Ce qui constitue un énorme problème pour les éditeurs nationaux, dans le sens où nous n’arrivons pas à distribuer le livre local et cela jusqu’à plusieurs mois après le Sila».
Par ailleurs, M. Saihi confie : «Il faut attendre fin février pour pouvoir placer quelques ouvrages de nos auteurs chez les quelques libraires qui restent encore sur le territoire national. » Il témoigne à ce propos : « Nous avons moins de 50 librairies sur le territoire national qui vendent le livre littéraire. C’est un chiffre infiniment petit pour une population de 40 millions.»
En ce qui concerne les emplacements des stands attribués aux éditeurs algériens, M. Saihi avouera que «nous avons essayé à maintes reprises de réclamer, au niveau du ministère de la Culture et du commissariat du Sila, que des normes bien précises soient respectées et instaurées pour de meilleurs emplacements pour les maisons d’éditions algériennes. Jusqu’à présent, cela n’a jamais été annoncé officiellement. Pour cette dernière édition, cela a été annoncé mais en aucun cas respecté ».
Les membres de l’Onel ont pris, d’ailleurs, l’initiative d’élaborer quelques revendications. A cet effet, l’éditeur nous indique : « Nous proposons alors ces critères suivants pour placer la priorité au choix du stand, qui se situera au pavillon central. »
A propos de ces normes, il souligne que d’abord, « il faut prendre en considération l’ancienneté de l’éditeur, ensuite, le nombre de titres au catalogue, mais aussi le nombre de titres d’auteurs nationaux dans le catalogue, car nous avons de nombreux éditeurs qui se contentent d’acheter sur catalogue des titres lors de leur visite aux salons étrangers ». Il illustre ses propos en donnant en exemple le cas d’un nouvel éditeur qui « a 200 titres ou plus, alors qu’aucun de ces ouvrages n’est signé par un auteur algérien ou fabriqué par des éditeurs algériens, que cela soit lors de la phase de la saisie du texte, de la mise en page ou de la conception. Donc, il n’a fait travailler aucun citoyen algérien et, dans le meilleur des cas, ses titres ont été juste publiés en Algérie, et ce n’est souvent pas le cas».
Le dernier critère est, selon notre interlocuteur, le bon de commandes. « Chaque fois que je commande 30 m2 pour mon stand, je me retrouve avec 15 mètres carrés. Exceptionnellement, cette année j’ai réussi à avoir 20 mètres carrés, après avoir fait tout un tapage au niveau du ministère et auprès du commissaire ».
Selon lui, «nous avons toutes les raisons du monde de ne pas être contents. Cette fois, nous avons même menacé de boycotter la manifestation. Nous avons compris qu’il est urgent de revoir les mécanismes de participation au Sila, au niveau du ministère de la Culture et de relancer cette réclamation qui date de quatre ans. Nous avons eu une réponse qui est loin d’être satisfaisante. On entend souvent que le Sila est la priorité du ministère et que toute aide est la bienvenue », «mais le ministère de la Culture refuse de prendre des partenaires du domaine, y compris les organisations professionnelles du secteur de l’édition, alors que tous les salons du livre qui se respectent se font en partenariat avec des organisations d’éditeurs».
Khedija Arras