Les dernières annonces du chef de l’État Abdelmadjid Tebboune ont fait réagir la classe politique et les acteurs de la société civile. L’on constate a priori l’optimisme des uns et scepticisme des autres.
Suite au dernier discours du président, évoquant essentiellement une dissolution imminente de la chambre basse du parlement, un remaniement partiel du gouvernement ou encore la libération d’un nombre de détenus d’opinion, la classe politique algérienne a vite livré son opinion.
Tout en saluant la forme des mesures annoncées, notamment la libération de détenus d’opinion, le fonds des actions annoncées constitue, en revanche la discorde, autant auprès de l’opposition qu’au sein des partis dont la vision est proche de celle du haut sommet de l’État.
Si pour l’ancien diplomate algérien Abdelaziz Rahabi la décision de la grâce au profit des détenus d’opinion constitue un « espoir pour une ouverture politique plus importante », le Parti des travailleurs s’interroge dans le fond « si la répression politique et l’instrumentalisation de la justice seront abolies ».
Le PT « prend acte de la décision de grâce »
En effet, lors d’une réunion bureau politique du parti de Louisa Hannoune, tenue ce weekend, la formation politique affirme avoir pris acte de la décision de faire bénéficier des dizaines de détenus d’opinion d’une grâce présidentielle.
Cependant, le parti s’interroge « si la répression politique et l’instrumentalisation de la justice seront abolies » et «si les libertés démocratiques, le libre exercice de la politique et de la presse seront consacrés ».
Plus loin encore, le PT regrette que la justice soit « transformée en une machine à terroriser, à broyer les libertés, les militants et leurs familles », déplorant encore que « le recours à la détention provisoire censé être exceptionnel est devenu la règle consacrant l’arbitraire et l’injustice ».
Dans la même lancée, le parti des travailleurs estime que la « très tardive dissolution de l’APN et le remaniement partiel du gouvernement ne sauraient répondre à l’exigence centrale de la rupture avec le système, de l’exercice par le peuple de sa pleine souveraineté qui sont au cœur du processus révolutionnaire depuis son déclenchement ».
Le FFS exprime son soulagement, mais …
Le plus vieux parti d’opposition FFS s’est dit « profondément soulagé par la libération de certains détenus ». Néanmoins, affirme Hakim Belahcel « nous continuerons à revendiquer l’élargissement de cette mesure à l’ensemble des détenus politiques et d’opinion ».
Le parti revendique également, selon lui, « l’arrêt immédiat de toutes les procédures judiciaires entamées contre d’autres militants, dont le seul tort c’est de revendiquer pacifiquement l’instauration d’un État libre et démocratique ».
Le membre de l’instance présidentielle du FFS ajoute encore qu’il « reste fondamentalement attaché au principe d’un vrai dialogue pour désamorcer la crise, qui aboutirait à l’avènement de la IIe République ».
« Un geste d’apaisement », selon Rahabi
Pour sa part, l’ancien diplomate Abdelaziz Rahabi a estimé, dans un post publié sur son Facebook, que « la libération des détenus du hirak est un geste d’apaisement attendu de la part du président de la République. Cette décision donne espoir pour une ouverture politique plus importante ».
Pour lui, « les pouvoirs publics doivent saisir cette opportunité afin de mettre en place toutes les conditions légales pour que la privation de liberté pour l’expression d’une opinion ne se reproduise plus dans notre pays ».
Saluant l’option du dialogue, Rahabi souligne de surcroit que « dans toutes les situations, seuls le dialogue, la concertation et le respect mutuel peuvent consacrer la confiance, garantir la stabilité et favoriser l’émergence d’une Algérie plus juste et plus forte ».
Abdelghani Badi préconise plutôt « le règlement de la crise politique »
D’emblée, l’avocat Abdelghani Badi s’est dit « très content de la libération des détenus ». Or, il s’est demandé « si les délibérations pour leur remise en liberté ont eu lieu au niveau des cours, des chambres pénales ou des chambres d’accusation ? ».
À ce propos, il rappelle que « le 2 janvier 2020, ils ont libéré plus de 70 détenus d’opinion, une semaine après, ils ont repris leurs anciennes pratiques. Ils n’ont pas de parole ».
D’ailleurs, le juriste estime que « si la crise politique n’est pas réglée, et les libertés et droits civiques et politiques ne sont pas consacrés, les arrestations et les dépassements monteront en cadence ».
Le Pacte pour l’Alternative Démocratique (PAD) a également réagi au dernier discours du président. Dans un communiqué rendu public au lendemain de l’allocution de Tebboune, il estime que « la demande populaire de changement démocratique radical est loin d’être entendue ».