Des centaines de milliers de vacanciers se ruent sur les plages La grande évasion des Algériens

Des centaines de milliers de vacanciers se ruent sur les plages La grande évasion des Algériens

Depuis une dizaine d’années et l’amélioration des conditions sociales des Algériens, les vacances sont devenues un privilège dont profite une large couche de la population. Néanmoins, pour beaucoup cela reste un rêve inaccessible. Petite immersion dans deux mondes que la mer sépare…

On est à Decca- plage dans la banlieue est d’Alger. On voit un petit groupe de jeunes adolescents habillés à la dernière mode. Ils profitent des délices de la mer après une année scolaire bien remplie. En face, on voit un jeune de leur âge debout devant eux en train de leur parler. Lui ne fait pas partie du groupe, mais c’est un petit vendeur ambulant qui profite de la période estivale pour se faire un peu d’argent et aider sa famille. Pour lui, vacances rime avec travail! Cette image caricature la réalité des vacances en Algérie, ou d’un côté, on s’offre une île paradisiaque alors que de l’autre, on a tout juste la chance de plonger dans le puits du village…Il est vrai que depuis une dizaine d’années, la culture des vacances a fait son apparition chez nous, particulièrement chez les jeunes cadres qui économisent toute l’année pour leur réserver un budget. Dès le début de l’année ils commencent à planifier leur destination estivale, chacun selon ses moyens. Beaucoup optent pour la Tunisie qui est de loin la destination la plus demandée à cause de ses prix attractifs et surtout son accessibilité par voie terrestre. «On peut trouver des locations jusqu’à 10 euros par jour pour des studios. Une villa en bord de mer avec piscine ne vous coûtera pas plus de 10.000 DA/jour. Ce qui est le prix d’une petite bicoque dans une des stations balnéaires du pays», nous confie Mme Nacera Mouméne, directrice de l’agence «Voyage du coeur» à Télémly. Pour ce qui est des hôtels, on peut trouver des séjours d’une semaine en demi-pension à partir de 25.000 DA.

Le transport est même assuré dans des bus climatisés. Néanmoins, malgré cette attractivité, elle est concurrencée ces dernières années par la Turquie, qui a su profiter des retombées du printemps arabe sur le tourisme tunisien et égyptien. Mais surtout sous l’effet «Mouhaned» et «Harim El Soltane», les feuilletons turcs et notamment l’acteur fétiche Mouhaned ont une incidence directe sur les destinations touristiques. Avant, c’était les films égyptiens, maintenant ce sont les films turcs. Les familles, particulièrement les femmes, veulent voir ce qu’elles voient dans les feuilletons ou films, mais en réalité. Malgré le coût excessif du voyage il faut compter entre 120.000 et 150.000 DA, les Algériens n’hésitent donc pas à aller vivre leur rêve turc. C’est ce que nous constatons au niveau de l’agence de voyage Lalahoum Tour de Rouiba, qui voit une forte demande sur la Turquie alors qu’elle propose des tarifs attractifs sur toutes les destinations.

Des vacances de rêves dans des destinations exotiques

L’Espagne figure en bonne place dans les destinations des Algériens. D’ailleurs, Alicante et sa station balnéaire de Benidorm deviennent en été une wilaya du pays. Seul bémol, il faut disposer d’un visa Shengen pour pouvoir y aller. En plus de ces destinations classiques on trouve ceux qui se permettent des vacances de rêves dans des îles paradisiaques telles que les Maldives, Hawaï, Tahiti, l’Indonésie, la Thaïlande, le Brésil, le Monténégro… Des pays dont on ne parlait que dans les films et dont le prix d’un séjour dépasse les 200.000 DA, voire pour certains les 400.000 DA. Sinon on trouve ceux qui préfèrent rester au pays, pour diverses raisons, mais ça leur revient souvent plus cher de rester sur place. Les malheureux événements qui frappent en ce moment le monde sont un coup dur pour le tourisme mondial. L’îlot de paix et de stabilité qu’est l’Algérie devrait en principe en profiter du point de vue touristique en gardant au moins son tourisme interne. Mais voilà, le manque d’infrastructures pose problème. Ce qui fait que ceux qui veulent passer leurs vacances en Algérie se tournent vers la location chez l’habitant. Cependant, les prix de ces formules ont flambé, frôlant même l’indécence. Une nuit dans une petite bicoque varie entre 5000 et 15.000 DA, et ce, dans des conditions souvent désastreuses. Mais pas seulement, les commerçants de ces villes côtières profitent de la situation pour afficher des prix exorbitants. Ce n’est pas quelques dinars en plus comme cela se fait dans toutes les stations balnéaires du monde, mais ils sont triplés. Une bouteille d’eau à 150 DA. Un sandwich basique à 300 DA…

Même une journée à la plage ça coûte cher

Néanmoins, quelle que soit la destination que l’on choisit cela coûte beaucoup d’argent. D’ailleurs, même si on veut passer une journée à la plage on doit casquer! Transport, nourriture et parfois être obligés de louer un parasol à cause du diktat des plagistes. On dépasse souvent les 1000 DA, même quand on est seul! Ce qui nous ramène à la grande majorité du peuple qui dans le meilleur des cas se connecte sur Facebook ou va se rafraîchir dans un barrage ou une retenue collinaire. En effet, divers programmes éducatifs et sportifs leur sont prévus par les autorités… Baignade dans les jets d’eau des communes, nage libre dans les barrages et pour les moins «chanceux», des courses derrière les voitures afin de racketter les automobilistes. Pour ce qui est des programmes éducatifs, on trouve celui de l’apprentissage du commerce en bordure d’autoroute, des stages d’été dans les étals de fruits et légumes sur les axes routiers les plus fréquentés, la vente de produits de tout genre sur les trottoirs, l’initiation à l’architecture traditionnelle en tant que manoeuvre sur les chantiers, l’excursion au sein même de leurs quartiers… Dit de cette façon cela paraît drôle, mais malheureusement c’est la dure réalité d’une jeunesse en perdition. Ils sont des milliers à ne pas connaître la joie du repos, le bonheur des plages au sable doré ou des piscines gazouillant d’enfants.

Les «vacances» du pauvre

Si officiellement, le travail des enfants est banni en Algérie, il est incontestable que ces derniers font partie du décor. Sur les autoroutes, dans les champs pour la récolte, dans les chantiers ou dans les marchés, enfants, adolescents ou jeunes de 20 ans travaillent pendant l’été non seulement pour leur argent de poche mais pour subvenir aux besoins de leurs familles écrasées par la cherté de la vie. Le pire est que dans la majorité des cas, ce sont des travaux pénibles que leur petit corps frêle supporte difficilement. Et même s’ils ont la chance d’être issus d’une famille moyenne et ne sont pas obligés de travailler, ils se retrouvent piégés dans l’oisiveté. Malik et son groupe d’amis, dont l’âge ne dépasse pas les 12 ans, illustrent parfaitement la situation. On est à Oum El Bouaghi. Il fait chaud, même très chaud. La canicule bat son plein. Mais pour ces petits bambins qui viennent de réussir à leur examen de passage au cycle moyen, ils n’ont pas où aller. Pas de piscine publique, pas de centre de loisirs, pas de cinéma, pas de musée, pas de bibliothèque…Comme toutes les villes, villages et quartiers d’Algérie, les loisirs font défaut. Mais, il fait très chaud et l’ennui n’arrange rien à cette sensation de chaleur. Alors que faire? Le mercure continue de grimper et ce groupe d’enfants aperçoit d’un seul coup, une oasis au milieu de leur quartier que la chaleur a rendu désert. Quelle est donc cette oasis qui redonne espoir à ces enfants? Eh bien, tenez-vous bien, ce n’est que le jet d’eau qui fait office de rond-point. Malgré l’exiguïté de l’espace, des dizaines d’enfants se précipitent en choeur pour profiter de cette piscine improvisée. Inconscients du danger, il y en a même qui tentent des plongeons. Pis encore, les barrages des villes intérieures du pays sont pris d’assaut. Beaucoup ne reviennent jamais de ces baignades de la mort! Même pour aller en colonie de vacances, il faut du piston! «Mon père n’a pas réussi à trouver du piston pour nous envoyer en colonie de vacances», témoigne d’un air déçu Samir, 12 ans.

«Mon père dit que dans ce pays, même pour aller en colonie de vacances il faut du piston!» rapporte-t-il en indiquant le fait que sa famille était trop riche pour qu’il puisse aller en colonie avec les gens de la Solidarité nationale, mais trop pauvre pour pouvoir aller dans une piscine ou en vacances. Alors Samir se contente de plonger là où il trouve de… l’eau! Voilà donc un petit tour d’horizon des vacances en Algérie avec deux mondes différents, séparés par la…mer. On n’est pas tous égaux face aux vacances…